Vidéos promotionnelles d'entreprises : les droits à l'image trop souvent oubliés...

Droit de l'entreprise

Article rédigé par Me Damien DESSARD

De nos jours, apparaissent sur les réseaux sociaux, de plus en plus de petits films corporate présentant des sociétés, quels que soient leur taille et leur secteur d’activité, qu’il s’agisse d’agences immobilières, de commerces de détail de toutes natures, d’agences bancaires et de courtage ou encore des cabinets d’avocats.

Si, dans le cadre des films en question, on distingue parfois de manière imprécise les membres du personnel en train de s’affairer à leurs activités diverses et variées, il est de plus en plus fréquent que ces entreprises souhaitent mettre à l’honneur leur personnel et ce faisant, d’une certaine façon, ‘humaniser’ leurs activités. Elles présentent alors, de manière nominative, chacun des membres de l’équipe et, même si la présentation n’est pas nominative, l’identification de l’employé via son image, et parfois sa voix, est parfaitement possible.

Fleurissent sur les réseaux sociaux des présentations, au travers de petites vidéos, de l’employé(e) de la semaine, ou encore du ou des nouveaux arrivants, des ventes réalisées par une telle ou un tel en pleine présentation d’un immeuble, d’une réunion avec des clients (fictifs ou non) occupé à finaliser un dossier, ou encore en train de vendre une voiture, etc.

Si la démarche est particulièrement sympathique et peut être saluée, elle doit néanmoins être réalisée dans le respect de la situation juridique de chacun et plus particulièrement, des personnes participant aux films en question.

Il ne semble pas inutile de rappeler que chaque individu dispose d’un droit sur son image. Ce droit est un droit de la personnalité qui protège « Les attributs constitutifs de l’individualité de la personne contre les empiètements de tiers ou de l’autorité. Ce sont les droits subjectifs accordés à toute personne du seul fait de cette qualité en vue d’assurer l’intégralité des composantes physiques, psychiques et morales de sa personnalité : sa vie, son corps, sa vie privée, son image, son honneur et son nom. ».1

Ce droit à l’image appartient uniquement à la personne concernée, laquelle peut décider de l’utilisation de celle-ci ou non. Cette utilisation est bien entendu et, heureusement pour nombre de personnes, laissée au libre choix de chacun …ou presque. En effet, la situation d’une personne publique, homme ou femme politique, people de toute nature, sportifs de haut niveau, etc. n’est pas la même que celle de tout un chacun, et en l’espèce, de celle de l’employé qui « prête » son image à son employeur. 

En effet, en règle, l’utilisation de l’image d’une personne « non publique » par un tiers, qu’il soit ou non son employeur, sous un lien de subordination via un contrat de travail, doit être expressément autorisée par son titulaire, en l’espèce l’employé. Pour les personnes publiques, la situation peut être différente mais ce n’est pas l’objet de la présente note.

Partant de ce constat et de la bonne intention énoncée ci-dessus, les employeurs ne pensent pas toujours à solliciter l’autorisation expresse de leurs employés pour utiliser leur image, ni à conserver la preuve de l’autorisation qui leur aurait été donnée. 

Si cela peut ne poser aucune difficulté dans la pratique lorsque tout se passe bien entre l’employé et son employeur, les choses peuvent clairement se compliquer si l’employé est licencié ou démissionne. Il aura alors peut-être l’envie de signifier à son ex-employeur qu’il n’entend plus que ce dernier utilise son image dans le cadre de ses films promotionnels…ce qu’il serait a fortiori en droit de demander si l’employeur ne s’est pas vu octroyer le droit d’utiliser l’image de l’employé en question.

Les conséquences directes peuvent être particulièrement lourdes pour l’employeur s’il doit modifier toute une série de films présents sur les réseaux sociaux, étant contraint parfois de retirer purement et simplement ceux-ci, à la demande de l’employé qui ne souhaite plus, d’une façon ou d’une autre, apparaître comme faisant partie de l’équipe de son ex-employeur.

En conclusion, chaque employeur amené à utiliser les images de ses employés pour des films promotionnels ou autre, a tout intérêt à prendre les devants et à consulter un avocat spécialisé, afin de se prémunir du risque de devoir supprimer des films/photos/vidéos promotionnels et prévenir ainsi une perte d’argent et de visibilité.

 

[1] Y-H LELEUX, Droit des personnes et des familles, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 111.