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Suppression du capital dans la société à responsabilité limitée (srl)
Laurent Stas de Richelle, avocat au barreau de Liège
Une des plus grandes réformes contenues dans le nouveau Code des sociétés et associations est la disparition de la notion de capital dans la Société à Responsabilité limitée (ci-après SRL).
1. Définition
La société à responsabilité limitée est une société dépourvue de capital dont les actionnaires n’engagent que leur apport (article 5:1.).
La SRL peut être cotée en bourse.
2. Capital
Il ressort de la définition reprise ci-dessus que la notion traditionnelle de capital est abandonnée pour la SRL (de même que toutes les dispositions qui sont liées à la notion de capital). Le capital a toujours constitué une obligation pour les formes de sociétés dont la responsabilité est limitée. Le capital était notamment considéré comme une garantie pour les tiers. Par ailleurs, l’exigence d’un capital minimum se justifiait par la nécessité de financement de la société.
Le nouveau Code introduit la notion de capitaux propres de départ (article 5:3.).
Les fondateurs veillent à ce que la SRL dispose lors de sa constitution de capitaux propres qui, compte tenu des autres sources de financement, sont suffisants à la lumière de l’activité projetée. Les fondateurs, pour déterminer les moyens nécessaires au lancement de l’activité, peuvent donc tenir compte d’autres moyens de financement que les apports, à savoir par exemple les emprunts.
3. Le plan financier
Préalablement à la constitution de la société, les fondateurs remettent au notaire instrumentant un plan financier dans lequel ils justifient le montant des capitaux propres de départ, à la lumière de l’activité projetée de la société pendant une période d’au moins deux ans. Ce document n’est pas déposé avec l’acte, mais est conservé par le notaire (Art. 5:4. §1er).
Le but du plan financier est double. D’une part, éviter que des sociétés soient constituées de manière irréfléchie. D’autre part, protéger les fondateurs, car il permet au juge de se baser sur la situation et les informations existant au moment de la constitution pour apprécier
leur responsabilité dans la constitution d’une société avec un patrimoine initial manifestement insuffisant.[1]
Le plan financier doit comprendre (article 5:4 §2), outre une description précise de l’activité projetée, une série d’informations, principalement comptables, dont les sources de financement, un bilan d’ouverture, un compte de résultat projeté à 12 et 24 mois et un budget des recettes et dépenses pour une période d’au moins deux ans.
Il est à noter que s’il n’existe pas d’obligation de se faire assister d’un professionnel du chiffre pour établir ce plan financier, l’intervention de ce dernier est vivement conseillée dans l’esprit du législateur.
4. Souscription des actions
La société doit émettre au moins une action et une action au moins doit avoir le droit de vote. Chaque action est émise en contrepartie d’un apport (article 5:40.).
Les actions émises par la société doivent être intégralement et, nonobstant toute disposition contraire, inconditionnellement souscrites (article 5:5.). La souscription est un engagement d’apport à l’égard de la société.
Les apports sont soit en numéraire, soit en nature (article 1:8.).
Pour les apports en nature, même avec la disparition de la notion de capital, il est important qu’ils soient correctement évalués. Le Code prévoit des formalités spécifiques.
Ainsi, les apports en nature sont justifiés par les fondateurs et vérifiés par un réviseur d'entreprises (article 5:7 § 1er). Le réviseur d'entreprises est choisi par les fondateurs et ceux-ci gardent la possibilité d'attribuer aux apports en nature une rémunération différente de celle évaluée par le reviseur d'entreprises. Le rapport révisoral et le rapport des fondateurs sont publiés. L'acte authentique de constitution reproduit obligatoirement les conclusions du rapport du reviseur d'entreprises (article 2 :8 § 2, 6°).
Ces rapports revêtent une importance accrue pour les apports en industrie (qui sont des apports en nature).
5. Libération des apports
La libération est l’exécution de la souscription. Sauf disposition contraire dans l’acte constitutif, tous les apports sont intégralement libérés dès la constitution (article 5:8).
Les apports en numéraire sont vérifiés par l'ouverture d'un compte spécial au nom de la société en formation avant la constitution de celle-ci (article 5:9). Si la société n’est pas constituée dans le mois de l’ouverture du compte spécial, les fonds sont restitués à leur demande à ceux qui les ont déposés (article 5:9, al.3).
L’apport en industrie nécessite une attention particulière. En cas de décès, d’incapacité ou de toute autre cause rendant définitivement impossible l’exécution d’un apport en industrie, les actions attribuées en rémunération de cet apport sont frappées de caducité (article 5:10). Dans ce cas, le droit à un éventuel dividende sera calculé prorata temporis.
Lorsque l’impossibilité est temporaire et dépasse une durée de trois mois, les droits attachés aux actions sont suspendus pendant toute la durée de l’impossibilité qui dépasse cette période de trois mois.
Les statuts peuvent déroger aux règles reprises aux deux alinéas précédents.
6. La responsabilité des fondateurs
Les règles applicables à la constitution de la société et, en particulier, à la formation de ses apports sont sanctionnées par la responsabilité des fondateurs (articles 5:15 et 5:16).
Toutefois, si l’acte désigne comme fondateurs un ou plusieurs actionnaires détenant ensemble au moins un tiers des actions, les autres comparants, qui se bornent à souscrire des actions contre un apport en numéraire, sans bénéficier, directement ou indirectement, d’un quelconque avantage particulier, sont tenus pour simples souscripteurs (article 5:11, al. 2).
Les fondateurs ne sont pas garants de la solvabilité des actionnaires n'ayant pas libéré l'intégralité de leurs apports.
Les règles de droit commun s'appliquent à la validité des souscriptions et les nullités éventuelles, par exemple la nullité des apports pour vice du consentement de certains souscripteurs, sont compensées par la responsabilité des fondateurs (article 5:15, 1°).
Les fondateurs qui ont la possibilité de choisir une autre méthode d’évaluation des apports en nature que celle établie par le réviseur supportent la responsabilité d'une surévaluation manifeste. Il en est de même en cas de nullité de la société (article 5 :16, 1°).
La responsabilité des fondateurs, lorsque les capitaux propres de départ sont manifestement insuffisants, est réglée par l'article 5:16, 2°. Cet article fait écho à la règle selon laquelle les fondateurs doivent justifier le montant des capitaux propres de départ dans un plan financier (article 5:4). Ces capitaux propres de départ de la société doivent être suffisants pour assurer l'exercice normal de l'activité projetée pendant une période de deux ans au moins.
Le plan financier peut être remis au tribunal de l’entreprise par le notaire si la faillite de la société survient dans les trois ans de l’acquisition de la personnalité juridique pour permettre d'apprécier, s'il y a lieu, la responsabilité des fondateurs et ce à la demande du Juge commissaire ou procureur du Roi.
La SRL est vouée à un bel avenir. Fini le capital minimum destiné à garantir les tiers. Cette garantie était dans la pratique inexistante.
L’absence de capital ne fait cependant pas disparaître la responsabilité des fondateurs qui devront veiller à doter la société de capitaux propres permettant à celle-ci d’assurer ses obligations financières au minimum pendant une période de deux ans.
Les nouvelles dispositions de la SRL permettront par ailleurs de ne plus lier automatiquement le montant des apports avec les droits y attachés. Un actionnaire pourrait, par exemple, à l’avenir détenir 90 % des apports, mais disposer seulement de 40 % des droits de vote ou au dividende.
La liberté est laissée aux actionnaires (fondateurs) de prévoir ce qu’ils désirent à ce sujet dans les statuts.
Profitez-en !
[1] Voir Projet de loi du 4 juin 2018, page 128 (DOC 54, 3119/001).