Quelques impacts de la réforme des régimes matrimoniaux sur la société

Droit de l'entreprise

Me Fl. Fassin, avocate au Barreau de Liège-Huy

La loi du 22 juillet 2018, entrée en vigueur le 1er septembre 2018, a réformé le droit des régimes matrimoniaux et a impacté le sort des sociétés constituées ou acquises après cette date. Le mariage influence le patrimoine des époux en ce compris la société constituée par l’un de ceux-ci. S’ils ne signent aucun contrat de mariage, les époux tombent automatiquement sous le régime de la communauté légale. Afin d’organiser le sort de leurs revenus et de leurs biens, les époux peuvent donc décider de conclure un contrat de mariage et opter pour un régime de la séparation de biens. La réforme du droit des régimes matrimoniaux apporte une plus grande protection aux époux lorsque le patrimoine comprend une société. 

Pour rappel, dans le régime légal de communauté, trois patrimoines coexistent : le patrimoine commun constitué par les époux et le patrimoine propre de chacun d’eux qui reprend ce que les époux possédaient avant mariage, ainsi que les donations et biens hérités pendant le mariage. 

Moitié des revenus pour le conjoint ?

Lorsqu’on est marié sous ce régime, les revenus professionnels appartiennent au patrimoine commun (article 1405, §1er, 1° du Code civil). Autrement dit, chacun des époux a droit à la moitié de ces revenus, peu importe celui qui les a acquis. Ainsi, en cas de divorce, l’époux indépendant pourrait être tenté de maintenir ces revenus dans la société pour éviter qu’ils ne tombent dans le pot commun. Avec le nouveau régime, cela n’est plus possible puisqu’en cas de dissolution du régime matrimonial, l’époux qui exerce sa profession au sein d’une société dont les actions lui sont propres doit une récompense à l’autre conjoint pour les revenus professionnels nets qui, de ce fait, échappent à la communauté (article 1432, alinéa 2 du Code civil).

S’agissant des actions de société, des biens professionnels et de la clientèle, depuis le 1er septembre 2018, lorsqu’ils ont été acquis pendant le mariage au moyen de fonds communs, l’on distingue entre la notion de « titre », soit le titre de propriété du bien qui est propre, et celle de « finance », soit la valeur patrimoniale qui est commune (articles 1401, §1, 5° à 7° et 1405, §1er, 5° à 7° du Code civil). C’est donc l’époux titulaire des titres qui exerce seul tous les droits d’associés relatifs à ceux-ci (par exemple, le droit de vote) alors que la valeur patrimoniale des titres (par exemple, le droit aux dividendes) est commune. 

Quelle valeur ?

En cas de dissolution du mariage, l’époux entrepreneur conserve son droit de propriété sur ses biens et peut donc les garder, mais il doit indemniser le patrimoine commun, non pas au prix d’acquisition des actifs (comme c’était le cas avant la réforme), mais à leur valeur à ce moment-là (date du décès ou date où la procédure de divorce est engagée) (article 1430, §2 du Code civil) et à concurrence de la moitié de celle-ci. 

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En régime de séparation de biens, il n’y a pas de patrimoine commun. Chacun conserve son patrimoine propre et par voie de conséquence, ses revenus professionnels et les actions de société dont il est titulaire (titre et finance), ce qui peut facilement mener à un déséquilibre entre les époux. 

Pour tenter d’y palier, depuis le 1er septembre 2018, le législateur a mis en place deux solutions contractuelles pour permettre aux époux qui se marient sous le régime de la séparation de biens de maintenir l’équilibre financier entre eux et protéger l’époux économiquement faible, même en cas de divorce. Par exemple, si l’un des époux a sacrifié sa carrière professionnelle pour permettre à l’autre de développer sa société.

Les époux peuvent désormais intégrer une clause de participations aux acquêts à leur contrat de mariage afin d’organiser le partage (égal ou non) des revenus professionnels acquis par l’un des époux durant le mariage, en cas de dissolution de celui-ci (voy. l’article 1469 du Code civil). 

Par ailleurs, le nouvel article 1474/1 du Code civil a introduit la possibilité d’insérer au contrat de mariage une clause d’équité judiciaire. Par le biais de celle-ci, en cas de divorce, l’ex-époux qui se retrouve dans le besoin en raison de circonstances imprévues (problèmes de santé, difficultés professionnelles,…) peut s’adresser au juge durant la procédure de liquidation du régime matrimonial afin que celui-ci lui attribue une partie des acquêts en équité. Cette indemnisation ne peut dépasser le tiers de la valeur nette des acquêts des époux au moment où le mariage est dissout, dont à déduire la valeur nette des acquêts dont dispose déjà personnellement l’époux demandeur.