Prestation de serment

Discours
 width= Mesdames et Messieurs en vos titres et qualités, Chers Confrères, Vous êtes-vous reconnus, vous qui venez de prêter le serment d’avocat, vous êtes-vous reconnus dans ce « chers confrères » que je viens de prononcer ? Car c’est bien de vous qu’il s’agit, vous qui êtes aujourd’hui nos nouveaux et jeunes confrères, vous qui ferez demain sans doute les ténors du barreau, les grands magistrats, ou tant d’autres choses vers lesquelles la vie et vos choix pourront vous mener. Pour vos parents et vos proches, qui sont ici à vos côtés, c’est sans doute un aboutissement, et une légitime fierté.  C’est que ce n’est pas rien l’entrée dans la vie professionnelle, et ce n’est pas rien non plus que de prêter serment devant les magistrats de la cour d’Appel, sur réquisitoire de Monsieur le Procureur général, dans cette grande salle quelque peu intimidante des audiences solennelles. C’est pour vous, j’en suis convaincu, une fierté certes – et vous avez bien le droit d’être fier en effet – mais aussi le début de quelque chose qui paraît sans doute à nombre d’entre vous lointain et mystérieux.  Ce sera, vous le vivrez bientôt, une aventure humaine incomparable. [adrotate group="3"] Vous voilà avocats.  N’est-ce pas Madame le Président, Mesdames de la Cour, le plus beau métier du monde, immédiatement après celui de magistrat bien sûr ? Vous portez la robe, signe d’égalité. Dès cet instant, dès votre inscription à la liste des avocats stagiaires le 1er octobre prochain sans doute, vous avez comme n’importe lequel d’entre nous ici réuni le droit de plaider devants toutes les juridictions, ou peu s’en faut. C’est un honneur, mais c’est avant tout un devoir, et une charge.  Le serment que vous avez prêté ce matin vous engage tout entier.  Les avocats se sont vus octroyer depuis deux siècles le monopole de plaidoirie et de représentation. Leur mandat à la barre, vous l’apprendrez vite, est présumé. Cette présomption, parmi d’autres, symbolise la confiance que le législateur, dans un Etat de droit, place dans la parole de l’avocat. Notre premier devoir est sans doute d’en être digne. Il nous revient de défendre, dans le respect des principes d’indépendance et de loyauté notamment, toutes les causes que nous aurons jugées juste en notre âme et conscience, et que nous aurons acceptées. Et nous voilà déjà, chers confrères qui venez de prêter serment, au cœur d’un principe cardinal de notre profession : la déontologie. Elle est, en morale, la théorie des devoirs. Plus prosaïquement, mais la filiation importe et c’est pourquoi je la rappelais, la déontologie constitue selon le grand Robert « l’ensemble des règles et des devoirs [qui régissent] une profession ». Les règles déontologiques sont, en particulier dans notre beau métier, consubstantielles à celui-ci. Leur objet est multiple, et j’en retiendrai deux aspects particuliers : d’une part la déontologie permet au magistrat d’accorder à la parole de l’avocat une confiance de principe, mais une confiance réfragable ne l’oublions jamais, d’autre part, elle rend le métier praticable entre nous qui assumons et défendons des intérêts par nature opposés, en assurant à tout moment et en toute cause, quelle que soit son importance financière, humain ou symbolique, le respect des principes fondamentaux d’indépendance, de probité, de loyauté, sans lesquels notre profession serait une jungle sans foi ni loi, et sans lesquels jamais le législateur ni les juges ne nous confieraient la place particulière qui est la nôtre dans un Etat démocratique.Jean-Pierre Buyle, actuel bâtonnier de l’Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles, rappelle que la déontologie ne nous appartient pas, et cite ce jugement du Tribunal de 1ère instance de Bruxelles pour qui : « La déontologie d’une profession est édictée dans l’intérêt général et notamment dans un but de qualité, d’organisation sereine et efficace d’une profession et de protection de nos membres et de ses clients ». La Cour d’appel de Bruxelles ne disait pas autre chose récemment.  Selon elle en effet : «  la déontologie n’est édictée ni dans l’intérêt de la profession, ni davantage dans l’intérêt de celui qui l’exerce mais bien dans l’intérêt général ». Ce n’est pas par hasard, vous le découvrirez, que les premiers cours que vous recevrez dès le 1er octobre prochain à l’Ecole du stage auront trait à l’apprentissage de nos règles déontologiques. Permettez-moi un mot encore : le métier d’avocat est pluriel. L’avocat individuel qui pratique le droit pénal ou le droit de la famille n’exerce pas tout à fait le même métier que l’avocat qui appartient à un cabinet comprenant de nombreux membres, et spécialisé dans la fusion-acquisition de société, par exemple. Et pourtant un point fondamental les unis tous : c’est que tous sont, avant tout, avocats.  Vous avez trouvé pour vous guider dans cette profession, nouvelle pour vous, des maîtres de stage qui vous transmettront un savoir-faire à nul autre pareil, qui vous offriront de leur temps et de leur savoir.  Je ne doute pas que vous leur en serez reconnaissants.  Quel étranger métier en effet que celui où l’on va former, pour de multiples raisons certes mais néanmoins, celles et ceux qui demain seront nos concurrents. Je terminerai par ces mots qui s’attachent à ces hommes et à ces femmes que vous défendrez, et dont vous assumerez les peines et les joies. Ils ont été prononcés par le bâtonnier Paul Tschoffen le 16 décembre 1950, alors que le palais commémorait ses 50 années de vie professionnelle.  Il avait  72 ans, il avait prêté notre serment en 1900, et il disait notamment ceci : « Un grand barreau est fait des vertus assemblées de ces avocats modestes, travailleurs, qui écoutent, apaisent et réconfortent leurs clients (…). Notre profession (…), je l’aime pour sa beauté (…). Je l’aime pour sa bonté : elle nous oblige à comprendre les faiblesses, à compatir et à pardonner. La défense d’un être humain ne vas ni sans indulgence ni sans clairvoyance. Nous ne fermons pas les yeux sur les fautes, nous faisons parfois semblant de ne pas les voir ; absoudre les yeux ouverts, c’est le dernier mot de la charité ». Je vous remercie et je vous souhaite à chacun et chacune d’entre vous une belle et longue vie d’avocat.   Eric LEMMENS