Partager sur
Obligation pour les sociétés de communiquer l'identité du chauffeur d'un véhicule ayant commis une infraction au Code de la route
Louis Adam et Alain Franken, avocats du barreau de Liège-Huy
En vertu de l'article 67 ter de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière :« Lorsqu’une infraction à la présente loi et à ses arrêtés d’exécution est commise avec un véhicule à moteur, immatriculé au nom d’une personne morale et que le conducteur n’a pas été identifié au moment de la constatation de l’infraction, la personne morale ou la personne physique qui représente la personne morale en droit, sont tenues de communiquer l’identité du conducteur incontestable au moment des faits ou, si elles ne la connaissent pas, de communiquer l’identité de la personne responsable du véhicule, sauf si elles peuvent prouver le vol, la fraude ou la force majeure. La communication doit avoir lieu dans les quinze jours de l’envoi de la demande de renseignements. Si la personne responsable du véhicule n’était pas le conducteur au moment des faits, elle est également tenue de communiquer l’identité du conducteur incontestable selon les modalités définies ci-dessus. La personne morale ou la personne physique qui représente la personne morale en droit en tant que titulaire de la plaque d’immatriculation ou en tant que détenteur du véhicule sont tenues de prendre les mesures nécessaires en vue d’assurer le respect de cette obligation. ».
Cet article est d'une importance particulière, puisque toutes les personnes morales, y compris les sociétés, doivent être en mesure de pouvoir communiquer l'identité du chauffeur d'un véhicule ayant commis une infraction au Code de Route.
En vertu de cet article, la société et/ou la personne physique qui la représente est tenue :
- de communiquer l'identité du conducteur ou de la personne responsable du véhicule en infraction dans le délai de quinze jours faisant suite à l'envoi de la demande de renseignement;
- de prendre les mesures nécessaires afin de pouvoir respecter cette obligation.
Lourdes sanctions
Les sanctions de cette infraction sont lourdes puisque le contrevenant, qui peut être tant la société que la personne physique qui la représente, encourt une amende de 200 à 4.000 € (multipliée par les décimes additionnels, soit à l’heure d’aujourd’hui une amende de 1.600 € à 32.000 €), ainsi qu'une peine d'emprisonnement de quinze jours à six mois ou une de ces peines seulement.
En cas de récidive, ces peines sont doublées.
Il importe de souligner dès à présent que, même si l'infraction n'est pas prouvée ou si elle est contestée, l'identification du chauffeur doit être communiquée dans les délais requis. De plus, le paiement de la transaction par la société ne dispense pas cette dernière de communiquer l’identité du chauffeur.
Par ailleurs, comme la société doit prendre les mesures nécessaires afin de pouvoir respecter cette obligation, il n'est pas permis de soutenir, même quelques mois après la date de commission de l'infraction, que l'on ne se souvient pas de qui conduisait tel ou tel véhicule à cette époque.
Identification du chauffeur
Il est donc fortement conseillé aux sociétés de conserver soigneusement les renseignements concernant les véhicules, qu'il s'agisse de camions, de camionnettes ou de voitures de société utilisés par le personnel de manière à pouvoir identifier à tout moment le chauffeur de celui-ci et ainsi fournir les renseignements demandés par les autorités.
Le délai de prescription actuel de la majorité des infractions de roulage est de deux ans (par exemple : les excès de vitesse), mais certaines infractions plus graves se prescrivent par trois ou cinq ans, de sorte que la société prudente conservera ces données pendant une durée de cinq ans.
Il convient par ailleurs d'être particulièrement attentif aux courriers du Parquet ou de la Police concernant une infraction de roulage commise avec un de vos véhicules contenant une proposition de perception immédiate ou une invitation à payer une amende et de lire ce courrier jusqu'au bout puisque, c'est généralement à la fin de cette correspondance que figure la demande de renseignements concernant le chauffeur du véhicule.
Le SPF Justice a mis en place une plateforme en ligne (Just-on-web.be) permettant de gérer les amendes, de les contester et notamment d’y indiquer le conducteur responsable du véhicule. Le représentant légal de la société peut désigner un gestionnaire d’accès et des utilisateurs pour permettre à des collaborateurs de gérer les amendes au nom de l’entreprise.
Si vous vous contentez de payer l'amende de roulage et ne répondez pas en utilisant le formulaire en ligne concernant l'identité du chauffeur, vous vous exposez alors à des poursuites devant le Tribunal de Police et aux peines ci-dessus précisées.
Il est à noter que cette obligation s'impose même au responsable de la société, quand bien même il serait le seul conducteur du véhicule en infraction et qu’il ne contesterait pas l’infraction.
Dans la pratique, l’infraction de défaut de communiquer l'identité du chauffeur peut faire l'objet d'une citation, par exploit d'Huissier, devant le Tribunal de Police compétent ou faire l'objet d'une proposition de transaction.
Cette dernière peut être contestée en ligne en communiquant le nom du chauffeur et en tentant de justifier de la raison pour laquelle les renseignements n'ont pas été fournis dans les délais impartis.
Si cette contestation est rejetée par le Parquet, vous recevrez alors un ordre de paiement d'un montant majoré que vous pourrez contester en introduisant un recours motivé dans les trente jours de la réception de l'ordre de paiement.
La cause sera alors examinée par le Tribunal de Police.
En cas de citation à comparaître, vous n'aurez aucun recours à introduire, mais vous devrez vous défendre directement devant le Tribunal de Police.
En résumé, si vous recevez une demande de paiement d'une amende, n'oubliez pas de vérifier si une demande de renseignements concernant l'identité du chauffeur est jointe à ce document, et surtout de la remplir correctement et de la renvoyer conformément aux instructions de l'expéditeur. Le Parquet semble en effet accorder actuellement une attention toute particulière à ce type d'infraction.