Nouvelle déduction pour investissement à partir de 2025 : cap sur la durabilité et le numérique

Droit de l'entreprise

Article rédigé par Me Martin JADOUL

 

Depuis le 1er janvier 2025, le régime de la déduction pour investissement (ci-après, la « DPI ») a été profondément remanié par la loi du 12 mai 2024 « portant des dispositions fiscales diverses », complétée par deux arrêtés royaux du 20 décembre 2024.


Ce nouveau régime s’applique aux immobilisations acquises ou constituées à compter du 1er janvier 2025 et modifie substantiellement les conditions d’éligibilité, les modalités d’octroi, les taux applicables ainsi que les exclusions. Par dérogation, les dispositions antérieures demeurent applicables aux immobilisations acquises ou constituées avant le 1er janvier 2025, afin d’assurer la poursuite des DPI étalées entamées sous l’ancien régime.


Le nouveau régime se structure autour de trois mécanismes distincts : la déduction de base (i), la déduction majorée thématique (ou la déduction thématique pour investissement) (ii) et la déduction technologique (iii). 


Un même investissement ne peut bénéficier que d’une seule de ces déductions ; le contribuable est donc amené à opérer un choix lorsque plusieurs catégories sont potentiellement applicables.


(i)    Déduction de base 


La déduction de base reste réservée aux personnes physiques et aux petites sociétés au sens de la législation fiscale.

 
Elle vise les immobilisations corporelles neuves et les immobilisations incorporelles neuves affectées en Belgique, à l’activité professionnelle. 


Le taux de cette déduction est fixé à 10 %, porté à 20 % pour certains investissements numériques.


Le champ d’application du taux majoré de 20 % a été précisé par le législateur : sont visées notamment les immobilisations en logiciels et équipements permettant les paiements électroniques, la facturation et signature numériques, la cybersécurité, la gestion comptable et financière, ainsi que la gestion numérique de la relation client. Cette liste modernisée remplace l’ancien régime de DPI majorée à 15,5 % pour les actifs numériques, lequel est supprimé.


Le législateur a également prévu une liste d’exclusion de certains investissements pour des raisons climatiques et environnementales pour l’application de la déduction de base. Ainsi, cette liste prévoit huit catégories d’investissements exclus, notamment les investissements dans des immobilisations liées aux combustibles fossiles (raffinage, production d’électricité, propulsion), à la production de substances préoccupantes, à l’extraction minière en mer profonde, ou encore à des activités interdites en matière de pêche, de commerce transfrontalier de déchets, ou de protection des habitats naturels.


(ii)    Déduction thématique pour investissement


La déduction thématique constitue la principale innovation du régime. 


Elle est ouverte à toutes les entreprises et atteint 40 % pour les personnes physiques et petites sociétés, 30 % pour les autres. 


Elle s’applique à quatre grandes catégories d’investissements: 


1.    l’utilisation efficiente de l’énergie et les énergies renouvelables, à savoir les "acquisitions d'immobilisations destinées à la production d'énergies renouvelables et à l'utilisation efficiente de l'énergie" ; 

2.    les transports sans émission carbone, à savoir les "acquisitions d'immobilisations destinées aux moyens de transport qui n'émettent pas de CO2"; 

3.    les investissements respectueux de l’environnement "acquisitions d'immobilisations qui ont un impact favorable sur l'environnement hormis les cas spécifiques précités"; 

4.    les investissements de soutien numérique, à savoir les "acquisitions d'immobilisations numériques destinées à soutenir les investissements [précités]". 

Pour chacune de ces catégories, une liste exhaustive d’investissements éligibles a été adoptée par le Roi. Ces listes, extrêmement détaillées, sont désormais annexées à l’AR/CIR 1992. Leur application suppose le respect de critères techniques stricts. Un seuil minimal de 1.000 euros est imposé par investissement, et un plafonnement est prévu lorsque la somme de l’avantage fiscal pour la DPI et des aides publiques demandées pour cet investissement dépasse 30 millions d’euros.


Concernant les investissements énergétiques, les immobilisations doivent répondre à des exigences de rentabilité économique (exclusion des investissements à retour sur investissement rapide ou à rendement interne élevé) et se répartissent en cinq groupes : limitation des déperditions, récupération d’énergie, adaptation des procédés industriels, flexibilité énergétique (stockage), et production d’énergies renouvelables.


Les investissements dans les transports sans émission carbone incluent une large gamme de véhicules à zéro émission, les infrastructures de recharge, ainsi que les infrastructures cyclables et vestiaires pour les employés. Cette liste remplace notamment le régime antérieur de déduction majorée de 120 % pour les vélos d’entreprise et les installations connexes, qui est supprimé à compter de l’exercice d’imposition 2026.


Les investissements environnementaux se concentrent sur la gestion des ressources, la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et la protection de la santé environnementale, selon des critères détaillés dans plusieurs sous-annexes.


Pour être éligibles à la déduction thématique, les investissements doivent faire l’objet d’une attestation délivrée par le ministre fédéral ou la Région compétente. Cette attestation doit être demandée dans un délai de trois mois à compter de la clôture de l’exercice comptable au cours duquel l’investissement a été réalisé. Un formulaire spécifique, accompagné d’une documentation technique et des factures, doit être complété. En cas de projet d’investissement pluriannuel, un certificat d’investissement peut être demandé, permettant de sécuriser l’éligibilité des immobilisations sur base de la liste applicable au début du projet. Cette procédure est précieuse pour les projets s’étalant sur plus de trois ans, durée au terme de laquelle les listes sont en principe révisées.


(iii)    Déduction technologique


La déduction technologique  est maintenue avec un taux unifié de 13,5 %. 


Elle s’applique aux brevets et aux immobilisations destinées à la recherche et au développement (R&D) de produits ou technologies sans effet sur l’environnement ou visant à réduire leur impact. 


Il convient de noter que l’attestation à demander concernant les investissements pour la recherche et le développement respectueux de l’environnement doit désormais être jointe à la déclaration fiscale de la période imposable au cours de laquelle les immobilisations sont acquises ou constituées. 


(iv)    Synthèse des taux applicables depuis le 1er janvier 2025

Nouvelle DPI acquis ou réalisée à partir du 01/01/2025 PME ou personnes physiques Grandes entreprises
Déduction de base (immobilisations éligibles non visées par la liste d'exclusion environnementale 10% N/A
Double déduction de base pour les 'investissements numériques' -- déduction unique 20% N/A

Déduction thématique majorée (investissement unique parmi les catégories suivantes) :

  1. Équipements favorisant l'efficacité énergétique et la production d'énergie renouvelable ;
  2. Moyens de transport à émission zéro (ex : véhicules électriques, infrastructures cyclables) ;
  3. Technologies ou procédés écologiquement responsables (hors énergie et mobilité) ;
  4. Solutions numériques soutenant les trois catégories précitées
40% 30%
Déduction technologique (brevets et investissements en recherche et développement à finalité environnementale -- déduction unique) 13,5% 13,5%
Déduction technologique (investissements respectueux de l'environnement en R&D) - déduction étalée 20,5% 20,5%
Navires de mer (réservée aux sociétés) -- déduction unique 30% 30%

 

(v)    Conclusion 


Cette réforme d’envergure réoriente le régime de la DPI vers des objectifs de durabilité, d’innovation technologique et de transition numérique. En structurant le dispositif autour de trois mécanismes distincts – déduction de base, déduction thématique et déduction technologique – le législateur offre aux contribuables un cadre incitatif plus ciblé, mais aussi plus exigeant sur le plan technique et documentaire.


Si les taux renforcés et l’élargissement des investissements éligibles constituent une opportunité fiscale non négligeable, leur obtention est conditionnée au respect rigoureux des listes réglementaires, à l’obtention d’attestations spécifiques dans des délais stricts, et à une documentation complète dès la déclaration. Les contribuables devront donc faire preuve d’anticipation et de vigilance pour sécuriser le bénéfice des nouvelles déductions.