Modifications apportées par la réforme du droit des biens à la prescription acquisitive, entrée en vigueur le 1er septembre 2021

Droit de l'entreprise

Me Marie Marchal, avocate au Barreau de Liège-Huy

La loi du 4 février 2020 porte la réforme du droit des biens, qui connait ainsi un renouveau depuis l’entrée en vigueur de la loi, le 1er septembre 2021.  Cette réforme offre un droit des biens plus moderne, plus fonctionnel et plus adapté aux besoins de la société actuelle. Parmi les changements adoptés par la loi du 4 février 2020, la prescription acquisitive fait l’objet de quelques modifications. Nous commencerons par rappeler brièvement les principes de la prescription acquisitive avant d’aborder les principales modifications apportées par la réforme.
 
La prescription acquisitive est un moyen d’acquérir la propriété d’un bien par la possession prolongée de ce bien pendant un certain temps (article 2262 de l’ancien Code civil). 

Ce mode originaire d’acquérir la propriété est fondé sur la possession, c’est-à-dire sur le fait, pour une personne, de se comporter comme si elle était le propriétaire ou le titulaire du bien, indépendamment de la question de savoir si elle en est effectivement titulaire.

La possession prolongée du bien permet à terme de prétendre à la propriété du bien.

Le fondement de la prescription acquisitive repose sur l’intérêt général et l’utilité sociale : le possesseur qui maintient un bien dans le circuit économique est préféré au propriétaire de ce bien qui le délaisse.

Pour qu’elle joue, la prescription acquisitive requiert une possession utile, c’est-à-dire qu’elle doit revêtir les qualités suivantes pour pouvoir produire ses effets : 

  • Continue : la possession est continue lorsque le possesseur pose des actes de mainmise matérielle (actes de jouissance et d’usage) aussi réguliers que s’il était propriétaire ;
  • Paisible : la possession ne doit pas être violente ;
  • Publique : la possession doit être exercée au grand jour par le possesseur ;
  • Non équivoque : les actes de mainmise matérielle sur la chose possédée doivent être la manifestation de la volonté du possesseur de se comporter comme s’il était le véritable propriétaire et ne peuvent être interprétés comme réalisés à un autre titre.

La réforme du droit des biens apporte deux modifications importantes à ce mode originaire d’acquérir qu’est la prescription acquisitive.

Modification du délai de prescription

La première modification importante concerne les délais pour prescrire (art. 3.27 du nouveau Code civil). 

Avant la réforme, le délai de prescription était en principe de trente ans à partir du jour qui suivait la prise de possession. 

Ce délai était réduit à dix ou vingt ans et l’on parlait alors d’une prescription acquisitive abrégée lorsque le possesseur était de bonne foi (croyance par le possesseur que celui dont il tient l’immeuble était le propriétaire ou titulaire du droit réel) et disposait d’un juste titre (acte juridique de vente, de donation, testament…). 

Le délai de prescription était de dix ans si le véritable propriétaire du bien avait sa résidence dans le ressort de la Cour d’appel dans l’étendue duquel l’immeuble possédé était situé et de vingt ans si le véritable propriétaire avait sa résidence en dehors du ressort de la Cour d’appel. 

La réforme du droit des biens a simplifié les délais

Les rédacteurs du projet de réforme ont estimé qu’il fallait distinguer le possesseur de bonne foi du possesseur de mauvaise foi. 

Ils ont ainsi convenu que le délai devait être réduit à dix ans pour le possesseur de bonne foi et porté à trente ans en cas de mauvaise foi du possesseur lors de l’entrée en possession. 

L’exigence d’un juste titre n’est plus requise à l’avenir pour bénéficier du délai de dix ans.

Ces nouveaux délais de prescription sont applicables depuis le jour de l’entrée en vigueur de la réforme, le 1er septembre 2021. 

Le législateur a prévu des dispositions transitoires concernant ces délais : lorsque le délai pour prescrire a commencé à courir avant l’entrée en vigueur de la réforme, la prescription ne court qu’à partir du 1er septembre 2021, sans que la durée totale du délai puisse excéder celle qui était applicable avant l’entrée en vigueur de la réforme.

A titre d’exemple, pour une prise de possession en 2007, la prescription serait acquise en 2027. Avec la réforme, le délai pour le possesseur de bonne fois sera réduit à dix ans et commencera à courir le 1er septembre 2021 et viendra à échéance en 2031. Cependant, la prescription sera déjà acquise en 2027, à l’expiration du délai total initial (vingt ans) de prescription.

La seconde modification importante vise l’introduction de l’action en justice par le possesseur en vue de constater les effets de la prescription acquisitive (art. 3.26, al. 2 du nouveau Code civil).

Pour rappel, il existe trois façons d’invoquer la prescription acquisitive : elle peut être constatée dans un accord amiable entre le propriétaire dépossédé et le possesseur, elle peut résulter d’une déclaration unilatérale du propriétaire dépossédé reconnaissant la prescription acquisitive dans le chef du possesseur, et enfin elle peut être reconnue dans un jugement.

Dans ce dernier cas, le possesseur ne pouvait pas introduire l’action en justice et agir comme demandeur avant la réforme. Il ne pouvait revêtir que la qualité de défendeur et se retrouvait donc « coincé » face à l’immobilisme d’un verus dominus

Désormais, la loi (art. 3.26) précise expressément que le possesseur peut prendre l’initiative de faire valoir cette prescription acquisitive en justice et d’agir comme demandeur pour constater les effets de la prescription acquisitive et définir le propriétaire du droit, sans attendre que le verus dominus se manifeste.

Enfin, une dernière modification apportée par la réforme concerne la transcription des actes constatant la prescription acquisitive. 

La prescription acquisitive fait partie des acquisitions légales et rentre désormais dans le champ de la publicité immobilière. Dès lors, les actes constatant la prescription acquisitive doivent maintenant être publiés à l’administration générale de la documentation patrimoniale pour que la prescription acquisitive puisse jouer.