L’obligation depuis le 1er septembre 2024 d’enregistrement des activités de nettoyage

Droit de l'entreprise

Jean-Luc Teheux, avocat du Barreau de Liège-Huy

 

Par l’introduction de la loi-programme du 26 décembre 2022, le législateur belge modifie la pratique des entreprises offrant des services de nettoyage et d’entretien en ce qui concerne leurs obligations de déclaration des travaux (DUC) et d’enregistrement de leurs travailleurs (Checkinatwork). À partir du 1er septembre 2024, l’enregistrement du début et de la fin des prestations ainsi que des intervalles de repos sera désormais obligatoire pour toute personne effectuant certaines activités de nettoyage.
La présente contribution a pour objet d’expliciter de manière synthétique ce que comprennent ces nouvelles obligations.  

Entreprises concernées 

Les obligations de déclaration et d’enregistrement s’appliquent à chaque chantier individuellement. Ainsi, la nouvelle réglementation ne concerne pas uniquement les entreprises relevant de la CP-121 mais toute entreprise qui sur un marché donné effectue des activités ressortant de cette commission paritaire. 
Ainsi, il s’agit de toute activité dont la finalité est de rendre propre et qui n’implique pas :

  • un travail de réglage et/ou de remplacement de pièces ;
  • des travaux de réparation, de contrôle ou de réglage ;
  • des travaux de montage ou de démontage.

Par exception, les travaux suivants constituent toutefois une activité de nettoyage : 

  • tout travail de réglage ou de remplacement des filtres techniques secs (toiles et/ou grilles) ; 
  • les travaux de montage et de démontage qui pendant la préparation ou le post traitement sont nécessaires en vue du nettoyage des machines, appareils ou installations ou en vue de leur remise en marche après nettoyage, à condition, toutefois, que ces travaux conservent un caractère accessoire par rapport au temps de travail consacré au nettoyage.

A titre purement illustratif, le législateur fournit également une liste d’activités ressortant de la CP-121. Citons de manière non exhaustive : 

  • le nettoyage intérieur ou extérieur de biens mobiliers ou immobiliers ou d’installations ;
  • le lavage de matériel roulant ;
  • l’extermination de rats ou autres animaux nuisibles ;
  • les activités concernant la mise en état, la remise en ordre ou l'optimalisation de l'environnement de travail dans les entreprises, écoles, hôpitaux, organismes publics et établissements similaires, sauf quand les activités précitées sont exercées dans le cadre d'un déménagement ;
  • les activités concernant la mise en état ou la remise en ordre de chambres ou d'espaces publics dans les hôtels, restaurants et établissements similaires, sauf quand les activités précitées sont exercées dans le cadre d'un déménagement.

Une exception importante mérite d’être mentionnée : il s’agit des activités de titres-services. 

Effets de la loi 

En substance, la loi précitée établit, sur le plan des obligations de déclaration et d’enregistrement, un régime spécifique pour les activités d’entretien et de nettoyage jusqu’alors comprises dans la notion générale de «travaux immobiliers».  
Cette sortie du spectre générale et la modalisation particulière subséquente par la loi des obligations de déclaration et d’enregistrement ont deux implications majeures pour les entreprises pratiquant des telles activités :

  1. Déclaration de travaux : obligation de déclarer tous les travaux. 

    Les seuils applicables en matière de travaux immobiliers - soit 30 000 € HTVA pour les travaux sans sous-traitance et 5 000 € HTVA pour les travaux impliquant un seul sous-traitant – ne le sont plus pour les activités d’entretien et de nettoyage.
     
  2. Enregistrement des travailleurs : toutes les personnes physiques en lien avec ces travaux et présentes sur les lieux doivent enregistrer leurs présences voire leurs temps de repos si elles ont la qualité de travailleur.  

    La loi-programme modalise de manière tout à fait spécifique l’obligation d’enregistrement dans ce secteur d’activité et supprime notamment le seuil de 500.000 € HTVA applicable pour les travaux immobiliers. 


Observons par ailleurs que les entreprises sont notamment tenues, via un système de responsabilité en cascade, de l’effectivité de l’enregistrement et de la véracité des informations enregistrées pour « chaque personne physique qui effectue des activités pour leur compte » ce qui comprend également ses sous-traitants. Cette obligation est particulièrement lourde puisqu’elle oblige l’entreprise à s’enquérir de la présence et de l’identité du personnel de son sous-traitant sur chaque chantier/lieu de travail (pris isolément). 


Sans préjudice du principe de relativité des conventions, l’actuelle réglementation ne fait néanmoins pas obstacle à la possibilité de prévoir contractuellement des clauses imposant cette obligation d’enregistrement au sous-traitant, et ce à peine de dommages et intérêts (forfaitaire le cas échéant) ou encore de résiliation. 

Sanction

En cas d’infraction, des amendes pouvant aller jusqu’à 8 000 € par travailleur ne respectant pas l’obligation d’enregistrement sur un chantier pourront être réclamées à l’entreprise contrevenante.

Entrée en vigueur

Devant initialement entrer en vigueur le 1er janvier 2024, après plusieurs reports, cette loi n’a sorti ses effets, en ce qui concerne les obligations d’enregistrement, qu’à partir du 1er septembre 2024. Au demeurant, l’ONSS précise qu’aucune amende ne sera imposée jusqu’au 31 décembre 2024, sauf en cas de fraude. 


Quant à l’obligation de déclaration des travaux, l’obligation de déclaration dans les secteurs du nettoyage et de l’entretien est déjà en vigueur depuis le 1er janvier 2024 pour les nouveaux contrats de ce type. Pour les contrats en cours, les entreprises ont jusqu’au 31 mars 2024 pour régulariser la situation. 

 

Ces obligations d’ores et déjà éprouvées dans les contrats de construction et les marchés publics de travaux sont particulièrement contraignantes et imposent aux entreprises l’implémentation en leur sein de programmes et/ou de systèmes d'enregistrement dont les caractéristiques dépendront de la taille de leur payroll, du recours (parfois fréquent à la sous-traitance), mais également de la tâche de l’ouvrage. Bien qu’en principe, la finalité de l’élargissement de ces obligations pour les activités d’entretien et de nettoyage vise uniquement à faciliter les contrôles pour prévenir le dumping social, on peut se demander dans quelle mesure les informations recueillies ne pourraient être utilisées par les services d’inspection, les employeurs voire les travailleurs pour d’autres implications telles que la mise à disposition de travailleurs ou encore le contrôle des temps de prestation. L’avenir nous le dira.