Lettre 2015 n°11 - Allocution prononcée par Monsieur le Bâtonnier André RENETTE en hommage à Monsieur le Bâtonnier Jean-Marie DEFOURNY le 11 juillet 2015

Discours
 width=Dans notre culture et nos plus anciennes traditions le chêne symbolise la pérennité, la force, la persévérance, la résistance. Mais un chêne s’est couché ce 6 juillet. Mr le Bâtonnier DEFOURNY n’était comptable de rien, ni de son énergie, ni de son temps, ni de son talent. Dans tout ce qu’il a entrepris, il s’est investi avec autorité, fougue et passion, sans retenue. Jusqu’au dernier souffle il a mouillé le maillot, il a fait honneur au maillot. Cet homme a tout donné, au plus profond de lui-même, par amour, à sa famille, à ses enfants, à son épouse, à son sport rouge et blanc et à sa profession d’avocat. Professionnellement, il me serait plus expédiant de dire ce que Mr le Bâtonnier DEFOURNY n’a pas fait, tant cette carrière fut exceptionnellement riche sur le plan personnel et sur le plan ordinal. Laissez-moi seulement énumérer les traces indélébiles qu’il laissera gravées dans le marbre de notre barreau, dans celle du barreau belge et dans le marbre du barreau francophone et germanophone. Monsieur le Bâtonnier DEFOURNY a prêté le serment d’avocat le 20 septembre 1960 sous le patronat de Monsieur le Bâtonnier Collignon et a donc professé pendant 54 ans au sein de notre barreau. Un chêne je vous l’avais dit. Monsieur le Bâtonnier DEFOURNY a été secrétaire, directeur des travaux, orateur de rentrée, vice-président et président de la Conférence Libre du Jeune Barreau. Il a été membre du conseil de l’Ordre sous les bâtonnats de Maîtres AENDEKERK, MUSCH et MAISSE, puis vice-bâtonnier sous le bâtonnat de Maître MERSCH et ensuite bâtonnier pour les années judiciaires 1993-1994 et 1994-1995. Il a été ensuite vice-doyen de l’Ordre national. Il fut le premier des présidents liégeois de l’OBFG de 2001 à 2004. L’homme étant indivisible dans ses passions, il a été président du FC barreau de Liège de 1970 à 1976 et en était le président d’honneur. Durant sa carrière, il a été le patron de stage de 16 confrères qui lui doivent tout et dont plusieurs sont devenus d’éminents magistrats. Son dernier mandat au conseil de l’Ordre, il l’a exercé comme « belle-mère » de Monsieur le Bâtonnier Vincent THIRY en sa première année. Sur la photo traditionnelle du conseil de l’Ordre élu, prise il y a exactement 10 ans, Monsieur le Bâtonnier DEFOURNY, avec à ses côtés le bâtonnier THIRY, occupe avec lui tout l’espace, avec aux lèvres, ce sourire malicieux qui était sa marque de fabrique.  width= Je suis aussi sur la photo en arrière-plan, on me devine discrètement aux côtés de notre bâtonnier élu ce mois de juin 2015, Me François DEMBOUR. En regardant aujourd’hui cette photo vieille de 10 ans, comment ne pas songer à un passage de relais, très involontaire, mais au combien symbolique et chargé de sens ? Vous n’ignorez pas que les avocats sont tenus à des devoirs. Nous devons adopter des comportements en adéquation avec les valeurs fondamentales de la profession. Cela s’appelle la déontologie. Est-ce à lui que l’on doit la paternité de cette phrase, « la déontologie cela se respire », je l’ai entendu dire. Mais peu importe, ces mots fondés sur un ressenti moral de l’honneur et de la dignité lui vont à merveille car cet homme avait l’intelligence suprême, celle de l’intuition, avec pour solide fondation une expérience et une connaissance lucide peu commune de l’humanité, du droit, de la pratique judiciaire, de la magistrature et des confrères. Je reprends les mots de Monsieur le Bâtonnier MERSCH lors de l’AG de l’Ordre du 24 juin 1993 lorsqu’il passa le témoin à son bâtonnier élu : « Tu es, Jean-Marie, le rêve américain. Tu es parti sans appui, sans nom connu, sans fortune et tu es devenu, à la seule force de tes poignets, celui que tu voulais être, un patron du Standard et un ténor du barreau ». Le 27 avril 2011, à l’occasion de son jubilé professionnel, Monsieur le Bâtonnier DEFOURNY a donné la réplique au discours de remerciements de Monsieur le Bâtonnier GOTHOT. Je fus profondément touché par sa volonté de replacer sa destinée et son demi-siècle d’avocature à ses origines, jusqu’aux racines du gamin du quartier de Kinkempois, face à la Meuse, face à l’enfer de Sclessin, démontrant ainsi qu’avec force, ténacité et compétence, quelle que fût son extraction, tout le monde a sa place, tout le monde peut se réaliser au barreau de Liège et s’affirmer comme un de ses leaders historiques. C’était aussi un liégeois pure souche, attaché à sa ville, à ses couleurs et à sa région. Liégeois aussi était son caractère, bien affirmé. Son cabinet n’est-il pas situé en Outremeuse ? Mais Monsieur le Bâtonnier DEFOURNY était aussi et peut-être surtout un homme sensible, viscéralement accroché aux valeurs d’amitié et de fidélité, fonctionnant au carburant de l’émotion positive. C’est dans cette dimension faite à sa mesure que l’homme se confondait avec l’avocat. De cette fusion naissait d’abord une fraternité inaltérable, bien avant la confraternité. Tous ceux qui, comme moi, ont eu la chance de croiser le chemin professionnel de Monsieur le Bâtonnier DEFOURNY en gardent un souvenir impérissable fondé sur l’affectif et le partage des mêmes valeurs dans l’acte de la défense. Oui, je l’ai déjà dit publiquement, Monsieur le Bâtonnier DEFOURNY était mon bâtonnier de cœur. Isabelle, Pierre, Jean-François, mes chers confrères, Mesdames, Messieurs, aujourd’hui, notre tristesse est légitime car nous perdons un grand avocat, un grand bâtonnier, un grand homme, un grand liégeois mais, pour éviter que la tristesse nous submerge, ne pouvons-nous en ces moments obscurs laisser percer une lumière, une simple lueur, celle de la joie immense et de la fierté légitime d’avoir pu croiser son chemin, car nous avons tous en nous quelque chose de Jean-Marie.