Lettre 2012 n°1 - Une grappe de groseilles rouges

Lettre du bâtonnier
 width= A l’occasion de la rentrée du barreau de Bruxelles de ce 20 janvier, c’est avec plaisir que je cède la plume au Bâtonnier de l’Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles, Me Jean-Pierre Buyle, comme il m’avait cédé la sienne le 18 novembre 2011. Eric Lemmens, Bâtonnier de l'Ordre Lettre du Bâtonnier de Bruxelles Madame et Messieurs les bâtonniers, Chers et honorés confrères, Mes chers confrères, Mesdames, Messieurs, 2011 fut l’année des bicentenaires et, dans le monde, l’année de l’indignation et de la colère. 2012 sera l’année des mutations et du changement. Elections aux Etats-Unis, en Russie et en France pour ne citer que ces trois super puissances. En Afrique du Nord, le printemps se transformera-t-il en été ou en hiver arabe ? Les frères musulmans sauront-ils donner une réponse convaincante aux problèmes de la cité : la jeunesse, le chômage, la gouvernance ? Ou privilégieront-ils les questions d’ordre plus symbolique et dogmatique : le port du voile, le recours aux intérêts (l’usure) dans les affaires ou les peines islamiques (lapider l’adultère et couper les mains des voleurs) ? Seront-ils plus islamistes ou plus musulmans ? Leur légitimité démocratique et leur côté « mains propres » doit en tous les cas nous faire espérer des lendemains heureux. Chez nous, si nous sommes enfin sortis de la crise politique qui nous gangrénait depuis trop longtemps, nous entrons toutefois dans la cinquième année d’une crise économique qui touche les fondements de notre société et de notre système. Les efforts qui vont nous être demandés, à chacun d’entre nous, seront importants. Plus que jamais, nous devrons faire des choix et nous montrer plus solidaires et plus généreux à l’égard des exclus et des plus pauvres. Notre résistance à l’effort se mesurera par la chaleur que nous donnerons, en aidant les plus faibles à ne jamais tomber. En Europe, les turpitudes de l’euro iront-elles jusqu’à faire éclater l’Union européenne et réduire à néant soixante ans d’intégration ? Je reste persuadé que l’Europe survivra à ses ruines… Nous devrons nous battre contre les forces occultes du marché et accepter l’idée d’une fédéralisation renforcée de nos économies, sous l’impulsion des Etats de la zone euro et en tous les cas des six Etats membres fondateurs qui doivent continuer à jouer un rôle déterminant. Plus d’Europe, plus de protection. Moins d’Europe et c’est le chaos. La société civile doit être ouverte à une souveraineté européenne démocratique et par exemple, à l’élection d’un président de la Commission au suffrage universel de tous les citoyens européens. La vieille Europe doit avoir le cœur à se réveiller. Les menaces économiques et politiques sur la profession d’avocat ne sont pas des vains mots. Ce sont des réalités auxquelles nous devrons faire face. Cette semaine, nous organiserons les festivités de la rentrée solennelle de notre Ordre. Et je remercie affectueusement votre bâtonnier de me donner la parole à cette occasion. Nous réfléchirons ensemble à des choses essentielles et de notre temps : quelle est la responsabilité environnementale et sociétale des avocats et du barreau ? L’intervention en Lybie des forces armées de la coalition dont celles de la Belgique était-elle légitime ? Y a-t-il un droit d’ingérence qui autorise aujourd’hui la guerre ? Comment concilier la montée de l’islam avec nos Etats laïcs ? Et puis, parce que c’est la crise, nous ferons aussi la fête. Plus que jamais. Nous aurons en vue nos « Babylon babies », ceux de Marie-Jo Lafontaine qui sont accrochés aux cimaises de mon bureau. C’est pour eux que nous agissons et que nous entreprenons. La situation des jeunes s’est détériorée ces dernières années, même si nous avons fait des efforts pour améliorer la situation financière des stagiaires. Il est sans conteste plus difficile aujourd’hui pour un jeune de trouver son chemin, d’assumer son autonomie et de faire sa place au barreau. Pourquoi faut-il en plus que nous les jugions égoïstes, paresseux et intolérants ? N’ayons pas peur de nos jeunes et apprenons à partager mieux, à leur donner plus de place et plus de responsabilités. Un tiers des avocats de notre barreau n’a pas trente-cinq ans…. Je n’oublie pas « ce simple rire d’un enfant, comme une grappe de groseilles rouges » (Philippe Jaccottet). Les jeunes sont le barreau du tricentenaire. Avec eux, avec vous, je vous propose d’accrocher la charrue de 2012 aux étoiles de notre jeunesse. Votre dévoué. Jean-Pierre Buyle Bâtonnier de l’Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles