Les conséquences fiscales d'une réduction du capital d'une société

Maître Luc Herve, avocat au barreau de Liège

 

Jusqu'il y a peu, la réduction de capital était une opération permettant aux associés de percevoir de la société des fonds non taxés, pour autant qu'elle fût imputée sur du capital réellement libéré. Depuis le 1er janvier 2018, il n'en est plus ainsi et toute réduction de capital s’impute proportionnellement à la fois sur le capital réellement libéré et sur certaines réserves, ce qui est de nature à entraîner la perception du précompte mobilier au taux de 30 %.

 

Conformément à ce que prévoient le Code des sociétés et le nouveau Code des Sociétés et Associations, les sociétés peuvent réduire leur capital (dans la mesure où elles en ont un - songeons à la nouvelle SRL) afin de rembourser (partiellement), de manière égale, leurs associés. Cette opération, qui est assimilée à une liquidation partielle de la société, est décidée par son assemblée générale.

Cette opération engendre certaines conséquences au plan fiscal. A cet égard, le régime fiscal des réductions de capital a été profondément remanié par la loi du 25 décembre 2017 portant réforme de l’impôt des sociétés. Depuis le 1er janvier 2018, toute réduction de capital s’impute proportionnellement sur le capital réellement libéré et sur certaines réserves.

 

Opération taxable ?

Or, toute réduction de capital qui n’est pas imputée sur du capital réellement libéré par les associés (c’est-à-dire du capital effectivement mis à disposition de la société et non, le capital souscrit qui est le capital promis par les associés, mais pas nécessairement mis à la disposition de la société) est taxable.

La volonté du législateur trouve confirmation dans l'Exposé des motifs de la loi du 25 décembre 2017 (cf. Doc. Parl., Ch. Repr., n°54-2839/001, p. 13) : "Désormais, une réduction du capital entraîne l’attribution d’un dividende imposable proportionnellement à la part des réserves taxées incorporées dans le capital social, augmentée des autres réserves taxées non incorporées dans le capital et des réserves exonérées incorporées au capital (répartition au prorata) ".

 

Procéder en étapes

Pour déterminer dans quelle mesure est taxée une réduction de capital, il convient de procéder en plusieurs étapes. En premier lieu, il convient de déterminer le quotient entre le capital effectivement libéré et le montant de ce capital, majoré des réserves taxées et des réserves exonérées incorporées au capital.

On notera que le montant des réserves à prendre en compte est déterminé à la fin de la période imposable qui précède celle au cours de laquelle la réduction de capital est effectuée, mais il est toutefois possible de déduire les acomptes sur dividendes versés au cours de la période imposable en cours (au plus tard au moment du remboursement du capital).

 

Base de calcul

Par ailleurs, certaines réserves, qui ne peuvent en principe être distribuées, sont exclues du calcul. Ainsi, ne sont pas prises en compte :

-      les réserves légales (correspondant aux montants minima);

-      les plus-values latentes;

-      les réserves indisponibles liées aux actions propres ou aux parts bénéficiaires;

-      les provisions pour risques et charges;

-      les réserves taxées négatives (à l’exception des pertes reportées et des réserves constituées à la suite d’un remboursement du capital ou de montants équivalents résultant de l’application des nouvelles règles);

-      les plus-values de réévaluation (dans la mesure où elles ne peuvent pas être distribuées);

-      les réserves exonérées (dans la mesure où elles ne sont pas intégrées dans le capital);

-      les réserves de liquidation;

-      les réserves distribuées et réincorporées.

 

Ensuite, une fois ce calcul effectué, il s'agit d'établir dans quelle mesure la réduction de capital sera imputée sur le capital réellement libéré.

Aussi, il y a lieu de multiplier le pourcentage obtenu lors du précédent calcul par le montant à concurrence duquel le capital sera réduit. Seul le montant ainsi obtenu sera distribué aux associés sans subir de taxation, à condition néanmoins que les règles applicables aux réductions de capital, telles que prévues par le Code des Sociétés et le nouveau Code des Sociétés et Associations, soient respectées.

En revanche, le solde du montant de la réduction du capital social sera imputé, d’un point de vue fiscal, sur les réserves, ce qui engendrera une taxation au précompte mobilier égal à 30 %.

 

Pas de double imposition

Que l'on ne s'y méprenne pas : il ne s'agira pas de payer deux fois de l’impôt sur les mêmes réserves. En effet, lors de la liquidation de la société, le précompte mobilier ne sera pas à nouveau perçu sur la partie des réserves sur laquelle la réduction de capital a été imputée.  

 

En définitive, la réforme de l'impôt des sociétés portée par la loi du 25 décembre 2017 a pour effet d'anticiper l'impôt, au titre du précompte mobilier, qui serait dû en cas de liquidation de la société. Ou, ritournelle connue, quand le législateur vient à la rescousse du gouvernement en vue de lui permettre d'atteindre ses objectifs budgétaires…