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Le point sur les nouvelles modalités de paiement des marchés publics
Article rédigé par Me Jean-Marc SECRETIN
Une évolution obligée
Jusqu’il y a peu, l’arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics distinguait, quant aux modalités de paiement, un premier délai de vérification de 30 jours à compter de l’introduction de la déclaration de créance, et ensuite un délai de paiement de 30 jours également à compter de l’introduction de la facture.
Mais en date du 20 octobre 2022, la Cour Européenne de Justice a rendu un arrêt important relatif à l’interprétation de l’article 4 de la directive 2011/7/UE concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales.
Ainsi, la Cour a considéré qu’une réglementation nationale prévoyant un délai de paiement d’une durée maximale de 60 jours pour les transactions commerciales entre pouvoirs publics et entreprises privées, violait cet article 4 de la directive,
« y compris lorsque ce délai est composé d’un délai initial de 30 jours pour une procédure d’acceptation ou de vérification de la conformité des marchandises ou des services fournis avec le contrat, suivi d’un délai supplémentaire de 30 jours pour le paiement du prix convenu ».
Au regard de cette décision, les modalités de paiement légalement en vigueur dans notre pays pour les marchés publics devenaient « hors la loi » et il s’imposait de les réformer pour que la Belgique soit en phase avec ses obligations européennes.
La réforme des délais de paiement
Le mécanisme a été revu par un arrêté royal du 12 août 2024, entré en vigueur le 1er janvier 2025.
Modifiant les dispositions idoines de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics, le nouveau mécanisme supprime les délais distincts pour les opérations de vérification et de paiement. Désormais, il n’existe plus qu’un seul délai de 30 jours au cours duquel la vérification et le paiement doivent être réalisés. Cette modification devrait être bénéfique pour la compétitivité des entreprises, et en particulier celle des petites et moyennes entreprises pour lesquelles la disponibilité rapide des liquidités est bien souvent une nécessité.
L’arrêté prévoit certains régimes spécifiques, notamment pour les pouvoirs adjudicateurs qui dispensent des soins de santé, lesquels continuent à bénéficier de délais rallongés pour les opérations de vérification, de traitement et de paiement.
Par ailleurs, pour les marchés de faible montant qui sont exclus du champ d’application de l’arrêté royal du 14 janvier 2013, ils ne sont donc pas concernés par les nouvelles dispositions. Dans ces cas de figure, ce sont toujours les règles de droit commun contenues dans la loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales qui s’appliquent.
A certaines conditions cumulatives, les pouvoirs adjudicateurs ont la possibilité de déroger au mécanisme du délai unique de 30 jours, hormis certains marchés pour lesquels cette possibilité de dérogation est exclue.
Lorsqu’ils entendent appliquer cette dérogation, les pouvoirs adjudicateurs ont un devoir d’information spécifique, les documents du marché devant l’indiquer dans une formulation claire. L’idée est de permettre aux soumissionnaires intéressés de décider, en parfaite connaissance de cause, s’ils remettront ou non une offre.
Dans le cadre des marchés de travaux, le délai de 30 jours démarre à la réception par le pouvoir adjudicateur de la déclaration de créance et de l’état détaillé des travaux. Pour les marchés de fournitures, le délai commence bien entendu à la livraison. Pour les marchés de services, son point de départ est la constatation de la fin totale ou partielle des services, laquelle doit se faire par écrit afin de lui donner date certaine.
Comme toute réforme, celle-ci s’accompagne de son lot de pièges et de difficultés, notamment pour ce qui concerne le champ d’application des dérogations et, dans une moindre mesure, le calcul des délais. Selon l’expression consacrée, consulter un avocat spécialisé avant devrait permettre d’éviter des complications ultérieures …