Le Nouveau Code civil, Livre 3 : les biens - présentation générale

Droit de l'entreprise

Me Benoît Lecarte, avocat au Barreau de Liège-Huy

Avec l’adoption de la loi du 4 février 2020, publiée au Moniteur belge le 17 mars 2020, et entrée en vigueur le 1er septembre 2021, le législateur poursuit l’œuvre de modernisation du Code civil, entamée en 2019 par la réforme du droit de la preuve (Livre 8 du Nouveau Code civil), et suivie par la réforme du droit des personnes et des familles (Livre 2), du droit des successions, donations et testaments (Livre 4) puis du droit des obligations (livre 5).

La loi abroge dans son intégralité le Livre II de l’Ancien Code civil. Elle aborde les droits réels (et notamment la propriété, la copropriété et les droits de superficie et d’emphytéose), réforme la prescription acquisitive, introduit de nouvelles définitions, de nouveaux types de biens et de nouveaux concepts.

La loi règle les relations entre propriétés voisines et consacre certaines théories jurisprudentielles, tels les troubles de voisinage.

L’article 3.1 du nouveau Code civil consacre le caractère supplétif des dispositions du Livre 3, ce qui autorise les parties à y déroger, sous réserve de dispositions à caractère impératif ou lorsqu’il s’agit de définitions. Autrement dit, une convention qui consacrerait un droit mais s’écarterait de la définition légale pourrait être annulée ou requalifiée. 

Soulignons ici que le Livre 3 contient de nombreuses définitions (servitude, usufruit, immeuble, …).

Il s’agit avant tout de réorganiser la structure du Code, d’en faciliter la lecture et la compréhension, de le rendre plus fonctionnel et de remettre au goût du jour, à droit constant (c’est-à-dire sans innovation fondamentale), les règles anciennes telles qu’elles ont été interprétées et appliquées par les Cours et Tribunaux au fil des ans, afin de les adapter aux besoins de la société actuelle.

Ainsi, et outre les matières qui font l’objet d’un article spécifique (les droits de superficie et d’emphytéose, la prescription acquisitive et les relations de voisinage), le nouveau Livre 3 évoque notamment :

Les objets trouvés (art. 3.58)

La loi impose à celui qui trouve un objet de tenter d’en retrouver le propriétaire et, s’il ne le trouve pas, d’en faire la déclaration à la commune dans les 7 jours.

Par contre, le « trouveur » n’est plus tenu de remettre l’objet trouvé à la commune, mais est autorisé à le conserver, ensuite de quoi il pourra, à l’expiration d’un délai de 6 mois, disposer du bien (c’est-à-dire en user, le vendre,…) puis en deviendra le cas échéant propriétaire 5 ans après la mention de la découverte dans le registre de la commune.

Entretemps, le véritable propriétaire pourrait se manifester et revendiquer le bien ou le produit de sa vente, sous réserve des frais exposés par le trouveur.

Les limites de propriété (art. 3.61)

Les limites sont déterminées en premier lieu par l’éventuelle prescription acquisitive dont pourrait se prévaloir l’un des voisins. Ensuite, par un acte authentique de bornage puis par les titres de propriétés, et enfin par l’état de la possession et autres indices de faits, tels la clôture de fait et les documents cadastraux.

Chacun des propriétaires des parcelles contiguës peut contraindre son voisin au bornage, à frais partagés, sous réserve de l’éventuelle attitude fautive de l’une des parties, qui pourrait justifier d’autres modalités de prise en charge des frais.

La copropriété (art. 3.68 et s.)

Le régime de la copropriété forcée des immeubles bâtis est intégré dans le nouveau Code civil.

Le régime général relatif aux copropriétés fortuites (celles qui résultent d’un décès ou d’un divorce notamment), volontaires ou forcées, est quant à lui modernisé.

Soulignons ici que la faculté de solliciter, à tout moment, la sortie d’indivision est déplacé des textes relatifs aux successions vers les dispositions relatives à la copropriété fortuite en général, ce qui permet de lui assurer une portée générale.

La copropriété volontaire est soumise, sous réserve d’autres dispositions contractuelles et des règles relatives à la sortie d’indivision, au régime de la copropriété fortuite.

Contrairement à la copropriété fortuite, il n’est pas permis au copropriétaire de solliciter à tout moment une sortie d’indivision. Lorsque la copropriété volontaire est constituée pour une durée déterminée (de maximum 5 ans), il ne peut en principe être question de partage avant terme. Lorsqu’elle est prévue pour une durée indéterminée, alors la sortie d’indivision est permise, le cas échéant à l’issue d’un délai de préavis « raisonnable » et de maximum 5 ans.

La copropriété forcée de droit commun est définie comme étant « toute forme de copropriété où le bien indivis doit être en copropriété en raison de sa fonction ou de sa destination.

La copropriété forcée de droit commun est soumise aux règles générales de la copropriété fortuite, qui ont ici un caractère impératif (les indivisaires ne peuvent y déroger).

La loi détaille la manière dont les quotes-parts de chaque indivisaire dans l’immeuble commun seront calculées, le partage des charges et les règles relatives aux travaux de modification des parties communes.

Enfin, un copropriétaire ne pourrait imposer une sortie d’indivision aux autres parties qu’à la condition qu’il soit démontré que le bien commun a perdu toute utilité, même future ou potentielle, par rapport aux biens privatifs qui le composent.

Autrement dit, l’un des copropriétaires pourra s’opposer à la sortie d’indivision s’il convainc le juge que la copropriété conserve une utilité potentielle.

Les servitudes (art. 3.114 et s.)

La loi défini de manière plus précise la servitude, qui est « une charge grevant un immeuble, dit fonds servant, pour l'usage et l'utilité d'un immeuble appartenant à autrui, dit fonds dominant”, qui consiste “soit, pour le titulaire du fonds servant, à s'abstenir de certains actes d'usage, soit à permettre certains actes d'usage au profit du fonds dominant” et doit, dans les deux cas “être en rapport direct et immédiat avec l'usage et l'utilité du fonds dominant”.

Il est précisé que la servitude “peut inclure des obligations positives ou négatives qui sont complémentaires à la charge principale constituant la servitude et qui suivent le régime réel de celle-ci”. Il s’agit ici d’imposer par exemple au propriétaire du fonds dominant sur lequel une servitude de passage a été constituée d’entretenir un sentier.

Dorénavant, une servitude peut être constituée entre deux immeubles appartenant au même propriétaire, lorsque l’un de ces biens est grevé d’un droit réel d’usage au profit d’un tiers, tels une emphytéose, un droit de superficie ou un droit d’usufruit.

La loi distingue enfin expressément le droit de servitude de la simple tolérance, tel le droit d’accès aux parcelles non clôturées.

La réforme du Code civil apporte une nouvelle structure et une nouvelle jeunesse à des dispositions légales initialement adoptées au début du 19ème siècle. Certaines avancées jurisprudentielles et doctrinales sont intégrées à la loi, qui en devient plus moderne, plus efficace et plus lisible.