Le droit de superficie et le droit d’emphytéose au regard du nouveau Code civil

Droit de l'entreprise

Me Stéphanie Coulon, avocate au Barreau de Liège-Huy

Le nouveau droit des biens a modifié certains aspects des régimes applicables au droit d’emphytéose et au droit de superficie. Quelles sont ces nouveautés ?


Droit d’emphytéose

        1.    Définition et application
L’article 3.167 du nouveau Code civil définit le droit d’emphytéose comme étant « un droit réel d’usage conférant un plein usage et une pleine jouissance d’un immeuble ».

L’emphytéote dispose donc de la pleine jouissance et du plein usage d'un bien immobilier appartenant à autrui, le propriétaire emphytéotique.

Il ne peut cependant être question de droit de propriété. 

Il est important de préciser d’emblée que le Livre III du nouveau Code civil ne s’appliquera qu’aux nouveaux droits réels constitués après son entrée en vigueur ; deux régimes vont dès lors coexister.

        2.    Durée
L’une des principales modifications majeures apportées par la réforme du Code civil concerne la durée du droit d’emphytéose. 

En effet, si avant la réforme, le droit d’emphytéose avait une durée comprise entre 27 et 99 ans, il peut désormais être réduit à un minimum de 15 ans.

Le législateur a fixé ce minimum afin d’encourager le recours à ce droit d’emphytéose, plus attirant puisqu’il peut porter sur une courte durée, et être éventuellement prorogé par la suite, à condition que la durée totale du droit n’excède pas 99 ans. 

Le droit d’emphytéose est principalement un droit temporaire, à une exception : si l’autorité publique bénéficie d’un droit d’emphytéose et entend affecter le bien à des fins de domanialité publique, il peut dans ce cas précis être perpétuel.

        3.    A titre onéreux ou à titre gratuit
Dorénavant, l’emphytéote ne doit plus obligatoirement payer une redevance annuelle ou unique au propriétaire de l’immeuble grevé du droit d’emphytéose. 

Le droit d’emphytéose peut donc être conclu à titre onéreux ou à titre gratuit.

Par contre, les obligations de l’emphytéote ont été alourdies puisque celui-ci doit notamment prendre en charge tous les impôts ainsi que les grosses réparations et entretiens de l’immeuble.

Ces dispositions sont toutefois supplétives, les parties pouvant y déroger et prévoir d’autres modalités entre elles.

       4.    La fin du droit d’emphytéose
A la fin du droit d’emphytéose, la propriété des ouvrages et plantations revient au propriétaire emphytéotique. 

L’emphytéote peut lui réclamer une indemnisation pour les travaux qu’il a réalisés dans la limite du droit qui lui était conféré, le législateur considérant que le propriétaire emphytéotique ne doit pas s’enrichir de manière injustifiée. 

Ainsi, l’emphytéote disposera d’un droit de rétention de l’immeuble jusqu’à la perception de l’indemnisation à laquelle il peut prétendre.

Ce régime, supplétif, sera le même que pour le droit de superficie. 

    
Le droit de superficie.

        1.    Définition
L’article 3.177 du nouveau Code civil définit le droit de superficie comme « un droit réel d'usage qui confère la propriété de volumes, bâtis ou non, en tout ou en partie, sur, au-dessus ou en dessous du fonds d'autrui, aux fins d'y avoir tous ouvrages ou plantations. »

L’incorporation de constructions ou de plantations au fonds appartenant à un tiers joue un rôle primordial.

Contrairement au droit d’emphytéose, l’on parle ici de droit de propriété.

Le droit de superficie est un droit axé principalement sur l’usage et la jouissance des ouvrages ou plantations. 

À titre d’exemples, un droit de superficie sera concédé pour le placement de panneaux photovoltaïques, ou l’exploitation d’un parking. 

       2.    Durée 
Si au départ, la durée du droit de superficie ne pouvait pas excéder 50 ans, avec l’entrée en vigueur du Livre III du nouveau Code civil, la durée peut à présent atteindre 99 ans au maximum.

Le droit de superficie se calque dès lors sur le droit d’emphytéose quant à sa durée maximale.

Aucune durée minimale n’est par contre prévue.

Si un droit de superficie est concédé pour une durée de moins de 99 ans, les parties ont la possibilité de le proroger sans que la durée totale du droit n’excède 99 ans.

Le droit de superficie est également un droit temporaire de manière générale. 

Il peut être perpétuel dans deux cas : soit à des fins de domanialité publique, comme c’est le cas pour le droit d’emphytéose, soit afin de “permettre la division en volumes d'un ensemble immobilier complexe et hétérogène comportant plusieurs volumes susceptibles d'usage autonome et divers qui ne présentent entre eux aucune partie commune.

Le nouveau Code civil prévoit en effet une propriété des volumes (par étages par exemple). 

Plusieurs droits de propriété pourront ainsi coexister de manière perpétuelle, sur un même terrain/immeuble, lequel sera dissocié verticalement, sans aucune partie commune. 

       3.    A titre onéreux ou à titre gratuit
Comme pour le droit d’emphytéose, le droit de superficie peut toujours être accordé à titre gratuit ou à titre onéreux.

       4.    La fin du droit de superficie
Les mêmes règles que celles du droit d’emphytéose sont applicables, à savoir une demande d’indemnisation pour des travaux effectués par le superficiaire.


Aussi bien la durée du droit de superficie que celle du droit d’emphytéose ont été portées à un maximum de 99 ans, avec la possibilité d’un droit perpétuel en cas de biens affectés au domaine public. A contrario du droit d’emphytéose, le droit de superficie n’a pas de durée minimale, sauf si les parties en décident autrement. Le droit d’emphytéose ne confère pas un droit de propriété, contrairement au droit de superficie. Les deux droits peuvent à présent porter sur des volumes. À la fin du droit de superficie ou d’emphytéose, le superficiaire ou l’emphytéote a la possibilité de solliciter une indemnisation des travaux qu’il a érigés sur base du principe de  « l’enrichissement injustifié ».