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Le cybersquatting
Me Julie Neuray, avocate au barreau de Liège-Huy
Remontons le temps : fin des années 90, nous sommes au début de l’ère internet et SFR, comme la plupart des grandes entreprises, veut être présente en ligne. A son grand désarroi, elle constate que le nom de domaine SFR.com a déjà été réservé et que cette page redirige les internautes vers le site de l’un de ses concurrents[1]… C’est un cas classique de cybersquatting et plusieurs grandes entreprises et personnalités en ont déjà été victimes. Toutefois, cette pratique peut toucher n’importe quelle entité.
Cette anecdote peut faire sourire et sembler être de l’histoire ancienne. Dans notre ère digitalisée, lors la création d’une entreprise et du choix de son nom commercial, ne vérifie-t-on pas en premier lieu la disponibilité du nom de domaine ? C’est en effet un élément à ne pas négliger, mais toutes les entreprises n’ont pas ce réflexe.
A titre d’exemple, Meghan et Harry en ont fait les frais lorsqu’ils ont dévoilé le nom de leur fondation. Les noms de domaines n’avaient pas encore été réservés et plusieurs d’entre eux ont été «squattés».
Qu’est-ce que le cybersquatting ?
Le cybersquatting est une pratique par laquelle une entité accapare frauduleusement un nom de domaine reprenant une marque, un nom commercial ou toute autre dénomination sur laquelle elle n’a aucun droit et ce, pour nuire à l’entité titulaire du nom, tirer profit de sa réputation, le bloquer dans son développement ou le revendre au prix fort, notamment.
En Belgique, le cybersquatting est considéré comme une pratique de concurrence déloyale et interdit.
Comment identifier le cybersquatting ?
Il n’est pas rare que plusieurs entreprises partagent le même nom commercial. Le fait que votre nom commercial soit utilisé comme nom de domaine par un tiers ne doit donc pas systématiquement être considéré comme du cybersquatting.
En revanche, si les conditions cumulatives suivantes sont remplies, il s’agit de cybersquatting :
- le nom de domaine litigieux est identique ou similaire au point de créer la confusion avec votre dénomination (nom commercial, marque ou même nom de société);
- l’actuel titulaire du nom de domaine n’a aucun droit, ni aucun intérêt légitime lié à cette dénomination;
- l’enregistrement a été fait de mauvaise foi ou le nom de domaine est utilisé de mauvaise foi.
Comment réagir en cas de cybersquatting ?
Pour les noms de domaine .be, une procédure d’arbitrage CEPANI a été mise en place. Si la plainte déposée est fondée, DNS Belgium exécute la décision (suppression ou transmission du nom de domaine litigieux).
Des procédures d’arbitrage similaires existent généralement pour les autres extensions.
Outre ces procédures d’arbitrage, si vous avez pu identifier l’auteur du cybersquatting, l’envoi d’une mise en demeure peut suffire pour obtenir le transfert du nom de domaine. A défaut, vous pouvez saisir le Président du Tribunal de l’Entreprise pour faire ordonner la cessation de cette pratique déloyale et/ou le transfert du nom de domaine (et réclamer des dommages et intérêts, le cas échéant). Dans tous les cas, avant d’agir, veillez à vérifier les conditions d’application et à vous faire conseiller.
[1] SFR a dû introduire une action en justice pour finalement récupérer «son» nom de domaine en 1999.