Partager sur
Le barreau nouveau Liège-Huy : plus grand, plus proche !
Rentrée 2020-2021 des Cours d’appel et du travail de Liège
La covid 19 est-elle venue au secours de la justice ? En d’autres termes, nécessité est-elle mère du progrès ou en est-elle l’obstacle ?
C’est cette interrogation qui guidera les trois réflexions que je vous livrerai pendant les quelques minutes qui suivent.
1. Quel a été l’impact de la crise Covid 19 sur le barreau et le fonctionnement de la justice
Il est encore trop tôt pour tirer tous les enseignements de la crise Covid 19 sur le fonctionnement de la justice et pour les avocats.
Le Conseil national des barreaux français indiquait en avril dernier que 28% des avocats entendaient changer de métier.
Je ne peux pas partager les inquiétudes que nos confrères français exprimaient sur la base de ces chiffres.
Toutefois, à l’heure actuelle, les experts prétendent que cette crise va s’inscrire dans la durée, ce qui engendre doute, incertitude et confusion.
Je crains malheureusement que les confrères qui n’ont pas évolué sur le plan technologique éprouvent de plus en plus de grandes difficultés.
Certains avocats, durant le confinement, ont dû se séparer de leur stagiaire, de leurs collaborateurs n’ayant plus les moyens, faute de clients, de leur assurer le paiement des honoraires pour leurs prestations.
Je pense aussi aux jeunes confrères.
Je vois un signal préoccupant dans le fait que seuls 25 diplômés en droit envisagent de prêter serment en septembre 2020 pour l’ensemble du ressort de la Cour d’appel de Liège. C’est presque trois fois moins que les années précédentes. Notre profession n’apporte plus de certitude quant au développement d’une carrière. C’est une tendance qui se retrouve dans beaucoup d’autres professions indépendantes.
Ce qui m’inquiète, c’est que la profession offre de moins en moins de possibilités de vivre de ses revenus.
Cependant, il ne faut pas broyer que du noir !
Cette crise aura certains effets positifs sur la profession : je parle ici de la prise de conscience qui, en quelques semaines, s’est accélérée, d’utiliser davantage les nouvelles technologies pour mieux répondre aux attentes des clients, des justiciables.
Certains ont découvert les méthodes de travail à distance et d’autres les ont perfectionnées ; qui donc aurait pu croire au début de cette année civile que la plupart de nos réunions allait se tenir en visioconférence au cours des 6 derniers mois ?
Depuis quelques mois, les réunions se tiennent très fréquemment en vidéo conférence, chaque partie restant à son bureau ou même en télé travail ; le traitement des dossiers a gagné en rapidité à l’avantage de nos clients.
Aurions-nous prédit que les avocats allaient communiquer avec les greffes par la voie digitale pour le dépôt des actes de procédure ?
Qui aurait pu imaginer que devant certaines juridictions l’utilisation du dossier « virtuel » serait privilégiée au dossier « papier » ?
Le monde judiciaire a, en quelques semaines, fait des pas de géant sur le plan technologique et même si tout n’est parfait…
En peu de temps, les greffes et le pouvoir judiciaire ont adopté des méthodes de travail et de traitement de dossiers qui étaient considérées comme impossibles avant la crise.
Les effets de cette crise devront rester un accélérateur de la transformation du monde judicaire et de la profession d’avocat s’immergeant davantage dans la révolution digitale, en améliorant l’outil technologique.
Prenons un exemple : est-il encore justifié que les avocats doivent se rendre dans des greffes exigus pour consulter des dossiers répressifs par la voie électronique ?
Pourquoi ne pourraient-ils pas les consulter directement depuis leur bureau ? Un gain de temps certain pour les avocats, pour le personnel du greffe et un plus en termes de mobilité… Bref que des avantages !
Nécessité est bien mère de l’invention.
Mais pour ce faire, il faut donner des moyens financiers à l’appareil judiciaire.
Pendant la campagne électorale, tous les partis ont soutenu l’idée d’un refinancement massif de la justice, se rappelant opportunément que la justice fait partie des activités essentielles au pays.
Le sous-financement actuel de ce département n’est un secret pour personne.
Et là, j’ai des raisons d’être pessimiste.
Peut-on m’expliquer pourquoi le ministère de la Justice oublie régulièrement de publier les places vacantes des magistrats et de personnel de greffe ?
L’état belge a été condamné par jugement du 13 mars 2020 à publier, par les voies légales habituelles, l’ensemble des places de magistrats et de personnel des greffes vacantes à la date du 17 janvier 2020 et l’ensemble des places de magistrats et de personnel des greffes dont la vacance était, à la date du 17 janvier 2020, prévisible dans les 10 mois.
Force est de constater que les mesures prises par le monde politique ces dernières années visent à affaiblir le 3ème pouvoir de l’Etat, le pouvoir exécutif plaçant la justice sous sa tutelle ébranlant ainsi le principe de la démocratie et de l’Etat de droit. La presse en a très justement dénoncé les dangers et les abus et je la remercie déjà de conserver toute sa vigilance à cet égard.
Si la justice est affaiblie, l’Etat de droit est menacé !
Oui, il y a bien eu des réformes fondamentales dans nos lois, mais toutes ont été publiées en rafales et souvent sans cohérence. Les auteurs des textes ne cachaient pas en parallèle leur volonté de réaliser des économies, notamment en limitant aux justiciables l’accès à la justice.
Ce n’est jamais un bon signe de vouloir des économies en matière de justice…
Pendant la crise sanitaire, le monde politique et le conseil national de sécurité n’ont, à aucun moment, abordé les préoccupations du monde judiciaire ; le ministre de la Justice ne s’est jamais autant tu qu’en cette période, abandonnant les autorités judiciaires à leur propre sort.
C’est uniquement grâce à la bonne volonté des acteurs de la justice avec souvent des moyens très limités que la justice a pu continuer à fonctionner, certes au ralenti.
Laissez-moi vous donner encore un exemple :
Depuis le 9 janvier 2017, l’article 1675/20 du code judiciaire prévoit la mise en place d’un registre central des règlements collectifs de dettes.
C’est une banque de données informatisées qui permet la gestion et le traitement de ces procédures, via une plateforme qui devrait être financée par le SPF Justice.
En 2019, il y a eu pour l’ensemble du pays 18.189 jugements et 75.846 ordonnances en matière de règlement collectif de dettes prononcés par les juridictions du travail.
Avec la crise qui va engendrer une régression économique sans précédent, le nombre de personnes surendettées va considérablement augmenter et donc par voie de conséquence le nombre de procédures en règlement collectif aussi.
La mise en place du registre dont je vous parle, permettrait une économie substantielle d’envois postaux par les greffes des tribunaux.
Sur les trois dernières années, la moyenne des coûts postaux sans tenir compte des frais des cours du travail s’élève à +/- 5.300.000 € et on considère que 85% des frais postaux des tribunaux du travail sont relatifs aux procédures de règlement collectif de dettes.
Dès lors, la mise en place de la plateforme gérant le registre central de règlement collectif de dettes permettrait d’économiser au minimum 80% des envois judiciaires et recommandés dans le cadre de ces procédures soit une économie de l’ordre de 3.600.000 € par an.
En prévoyant des frais de fonctionnement de la plateforme de l’ordre de 750.000 €, cela permet de dégager un montant de 2.750.000 € qui peut être consacré à l’amortissement d’un programme dont le coût a été estimé à la même somme pour trois ans.
Le programme serait donc amorti au maximum en une année et générerait pour les années suivantes une économie substantielle de 2.750.000 € pour ce département !
Qu’attend-t-on ?
L’inertie coûte cher à la société !
Il en va de même des reports d’audience qui coûtent cher aux justiciables.
Je souhaite que tout soit mis en place pour que les audiences de ces prochaines semaines, prochains mois, soient maintenues. Il me parait possible de poursuivre la mission judiciaire de l’Etat en redoublant, certes, de prudence.
Les règles liées à la santé doivent rester une priorité absolue mais elles ne doivent pas empêcher que le monde judiciaire puisse retravailler, je dirais, plus normalement.
Les difficultés auxquelles il va falloir faire face, pourraient certainement être atténuées si le monde politique s’accordait pour que le département de la Justice reçoive un budget réel. Utilisant à contrario l’indépendance du pouvoir judiciaire, le monde politique, et plus particulièrement l’exécutif, semble ne pas vouloir intervenir. Entre l’indépendance intellectuelle des magistrats dans les décisions qu’ils prononcent et les mesures qui doivent être prises par l’autorité pour permettre une bonne organisation de la justice, il y a une marge !
2. Le barreau est resté bien présent dans la cité
C’est ma deuxième réflexion.
En tant qu’avocats mais aussi en tant que citoyens, les avocats liégeois ont immédiatement réagi face à la crise pour maintenir les nombreux services qu’ils rendent au quotidien dans la cité.
La crise a révélé une nouvelle fois la capacité de mobilisation des avocats.
Ainsi, le Bureau d’aide juridique a continué d’assurer les désignations dans les situations d’urgence, tels les dossiers impliquant des personnes privées de liberté (détenus, étrangers, …) ainsi que les mises en observation en matière de protection des malades mentaux.
Par ailleurs, des permanences téléphoniques ont pu être assurées au quotidien durant la période de confinement avec une reprise progressive des permanences en présentiel dès le début du déconfinement avec toutes les précautions sanitaires indispensables au bon fonctionnement de celles-ci.
A cet égard, une bonne nouvelle dans la grisaille que nous connaissons : la loi du 31 juillet 2020 publiée au moniteur belge le 6 août augmente les plafonds pour pouvoir bénéficier de l’aide juridique.
En synthèse, le seuil qui était appliqué jusqu’alors pour les isolés passe de 1.026 € à 1.226 € et pour la personne isolée avec personne à charge ou la personne cohabitant avec un conjoint, le seuil est porté à 1.517 € au lieu de 1.317 €.
En ce qui concerne la gratuité partielle, les seuils sont également majorés.
Il s’agit d’une avancée significative en termes d’accès à la justice.
Ici encore, le barreau a dû livrer bataille pour arriver à cette ouverture qui permettra un accès plus aisé à la justice pour les citoyens.
Reste cependant que l’enveloppe qui donne droit à une indemnité aux avocats qui prennent en charge ces justiciables est malheureusement toujours fermée, ce qui risque d’engendrer une diminution des indemnités en faveur des avocats. Osons croire que cette réforme ne se fera pas au détriment des avocats et leur volontariat dans cet aspect de leur vie professionnelle !
D’autre part, soucieux d’apporter une réponse aux besoins nouveaux, le barreau en partenariat avec la Ville de Liège organise aussi depuis le mois de juillet une permanence gratuite de premiers conseils décentralisée à destination des commerçants mais aussi de tout citoyen qui rencontrerait des difficultés en raison de la crise générée par la Covid 19.
Ces permanences se tiennent actuellement en présentiel tous les vendredis de 9h00 à 12h30 dans la salle des audiences mise à disposition du barreau et du public au sein de l’Hôtel de ville de Liège.
De nouvelles permanences juridiques à destination de tous les indépendants liégeois impactés par les conséquences de la crise sanitaire vont être organisées en partenariat avec la Ville de Liège et la Province de Liège rue Monulphe (face au n° 81) à Liège. Des informations complémentaires vous seront communiquées ce vendredi 4 septembre à 12h30 à la Maison de la Presse de Liège notamment par Monsieur le Bourgmestre de la Ville de Liège.
En collaboration très étroite avec la Chambre de commerce et d’industrie de Liège-Verviers-Namur et le tribunal de l’entreprise de Liège, le barreau de Liège organise aussi un service gracieux de premier conseil aux entreprises en difficulté, via une permanence téléphonique et, si la situation de l’entreprise le permet et qu’elle le souhaite, une demande de désignation de médiateur d’entreprise peut être introduite.
Cette procédure existe et est trop peu connue et utilisée.
Elle vient en amont de la procédure en réorganisation judiciaire ou de la faillite. Le rôle du médiateur d’entreprise est d’accompagner l’entreprise dans la durée pour trouver des solutions au surendettement.
Il est l’intermédiaire entre l’entreprise et les créanciers, en respectant les prescrits de la loi et en gardant toujours le souci d’impartialité et d’équité entre les parties.
3. Un nouveau barreau Liège-Huy
Une nouvelle année judiciaire… un nouveau barreau appelé désormais Liège-Huy.
Lors de la crise pandémique, les barreaux de Liège et de Huy ont mené un certain nombre d’actions communes afin de pouvoir gérer au mieux la situation inédite que nous vivons et ce, exclusivement dans l’intérêt de la profession et des confrères ainsi que des justiciables.
Je pense notamment à la poursuite des activités des bureaux d’aide juridique, à l’action de solidarité apportée au monde médical, aux nombreux échanges avec les chefs de corps afin que la justice puisse être rendue dans les meilleures conditions possibles.
Ces mesures prises de concert entre les barreaux de Liège et de Huy démontrent que c’est en unissant nos forces que nous pourrons être plus forts dans l’intérêt de tous.
Dans quel contexte s’inscrit le rapprochement des barreaux ?
Nous sommes passés le 1er avril 2014 de 27 arrondissements judiciaires à 12 et à partir du 1er mai 2018 de 187 cantons judiciaires à 162 ; les chefs de corps des cours et tribunaux sont devenus des managers.
Depuis le 1er avril 2014, 9 barreaux sur 14 en Flandres se sont regroupés. Et pour la partie francophone ?
Jusqu’à présent, seuls les barreaux d’Arlon, Neufchâteau et Marche-en-Famenne avaient franchi le pas le 1er septembre 2014 pour former le barreau du Luxembourg.
Les barreaux de Liège et Huy ont décidé de suivre le mouvement.
Bienvenue au barreau de Liège-Huy, à partir d’aujourd’hui ce 1er septembre 2020. Il regroupe l’ensemble des avocats liégeois et hutois.
Le conseil de l’Ordre unifié sera composé de 17 membres, dont le bâtonnier de l’Ordre unifié et les bâtonniers des divisions de Liège et de Huy.
Les élections du premier conseil de l’Ordre unifié auront lieu les 16 et 17 septembre prochain.
Je vous donne déjà rendez-vous pour suivre notre assemblée générale qui se déroulera, nous l’espérons, sous de meilleurs augures que celles que nous vivons actuellement.
Je vous remercie pour votre attention.
Bernard CEULEMANS
Bâtonnier
Pour de plus amples informations, vous pouvez contacter :
Bernard Ceulemans
Tél : +32 4 232 56 60
batonnierdeliege@avocat.be