La quasi-responsabilité des "auxiliaires" de cocontractants

Droit de l'entreprise

Me S. Charles, Avocate 

 

Le 1er janvier 2025, l’article 6.3 du Code civil relatif à la responsabilité contractuelle et extracontractuelle est entré en vigueur. Ce nouvel article est d’importance car il fait basculer le régime de responsabilité des agents d’exécution (ou « auxiliaires », pour utiliser le mot choisi par le législateur) de la quasi-immunité vers ce qu’on peut qualifier de « quasi-responsabilité ».

En effet, jusqu’au 1er janvier 2025, les auxiliaires des cocontractants (sous-traitants, travailleurs et tout autre agent prestant dans le cadre de l’exécution d’un contrat) ne pouvaient, en principe, voir leur responsabilité engagée par les tiers cocontractants en raison de l’exécution défectueuse du contrat, qu’il s’agisse de leur responsabilité contractuelle (dès lors qu’aucun contrat ne les lie) ou extracontractuelle. 

Dorénavant, en application de l’article 6.3 du Code civil, le principe s’inverse : les tiers cocontractants peuvent engager la responsabilité extracontractuelle, non seulement de leurs cocontractants, mais également celle des auxiliaires de ceux-ci et ce, pour tout dommage causé par l’inexécution des engagements contractuels. 

En d’autres termes, les employés, sous-traitants et agents d’exécution sont exposés au risque de voir leur responsabilité engagée directement par les clients de leur « donneur d’ordre » (selon les mots de l’article).

Ce nouveau régime de responsabilité comporte cependant trois réserves importantes, raison pour laquelle on peut le qualifier de « quasi-responsabilité ».  

Premièrement et surtout, il est applicable « sauf si la loi ou le contrat en dispose autrement ». Il est dès lors permis d’y déroger contractuellement, notamment dans les conditions générales de l’entreprise. De plus, en tout état de cause, l’article 18 de la loi du 3 juillet 1978 est d’application et a pour conséquence que, à l’instar des employeurs, les cocontractants ne peuvent engager la responsabilité de l’employé que si le dommage résulte d’un dol, d’une faute lourde ou d’une faute légère répétée.

Deuxièmement, l’auxiliaire peut invoquer les mêmes exceptions que celles qu’il peut invoquer à l’encontre de son donneur d’ordre, à savoir notamment les exceptions prévues dans le contrat de travail ou de sous-traitance.

Troisièmement, l’auxiliaire peut invoquer les mêmes exceptions que son donneur d’ordre pourrait opposer à son cocontractant, dont celles prévues dans le contrat d’entreprise ou les conditions générales.

Ces exceptions ne peuvent toutefois être invoquées dans le cadre d’« actions en réparation d'un dommage résultant d'une atteinte à l'intégrité physique ou psychique ou d'une faute commise avec l'intention de causer un dommage ». 

Il est dès lors conseillé à tout donneur d’ordre, sur avis de son conseil habituel, d’amender ses conditions générales et futurs contrats de manière à protéger ses auxiliaires. Il faut néanmoins être prudent dans l’écriture de ces clauses afin qu’elles ne soient pas déclarées nulles ou non écrites, sur pied de l’article 5.89 du Code civil relatif à la clause exonératoire de responsabilité et des articles VI.83 que VI.91/5 du Code de droit économique portant sur les clauses abusives, notamment pour ce qui concerne la responsabilité des auxiliaires ou donneurs d’ordre pour les dommages résultant d'une atteinte à l'intégrité physique ou psychique ou d'une faute commise avec l'intention de causer un dommage.