Gestion et assainissement des sols : de nouvelles règles du jeu

Droit de l'entreprise

Maître Jean-Marc Secretin, avocat au barreau de Liège-Huy

 

Le 1er janvier 2019 est entré en vigueur le Décret de Gestion et d’Assainissement des Sols, en abrégé DGAS, voté par le Parlement Wallon le 1er mars 2018. Résumons-en les grandes lignes et mettons en évidence les principales nouveautés par rapport à la législation précédente.

 

Pourquoi un nouveau décret ?

Le décret du 1er mars 2018 annule et remplace, depuis le 1er janvier 2019, celui du 5 décembre 2008 relatif à la gestion des sols.

S’il posait les bases de la gestion des sols en Wallonie, et en particulier des sols pollués, une décennie de pratique a mis en évidence certaines difficultés importantes dans l’application de ce décret du 5 décembre 2008. Qu’elles portent sur l’articulation entre les législations, sur les procédures ou sur les implications économiques et financières, ces difficultés ont empêché l’application effective de certaines dispositions importantes du décret.

En outre, les besoins de notre région et les nécessités d’urbanisation estimées pour l’horizon 2040 rendent indispensable un meilleur recyclage des terrains pollués et des friches industrielles.

Sans révolutionner la matière, le nouveau décret du 1er mars 2018 a pour ambition, par différentes réformes, de favoriser la préservation de la qualité des sols dans le respect du principe du pollueur – payeur.

 

Pas de révolution des mécanismes

Le nouveau décret ne chamboule pas la matière. Les principes et mécanismes du décret de 2008 sont maintenus.

Le décret fixe un processus d’investigations successives et, le cas échéant, d’assainissement. Il met en place les procédures de validation de ces différentes étapes par l’autorité compétente, ainsi que l’agréation des experts environnementaux qui seront habilités à réaliser les investigations et à élaborer les projets d’assainissement.

Les situations dans lesquelles ce processus obligatoire se déclenche sont limitativement énumérées par le décret. Il s’agit soit d’une démarche volontaire, soit d’une décision contraignante prise par l’administration, soit de la survenance d’un fait générateur dont les principaux éléments sont :

  • la demande d’un permis d’urbanisme, d’un permis unique ou d’un permis intégré sur un terrain renseigné dans la banque de données de l’état des sols comme pollué ou potentiellement pollué ;
  • la cessation d’une installation ou d’une activité répertoriée comme présentant un risque pour le sol ;
  • l’expiration du permis d’environnement autorisant l’installation ou l’activité à risque ;
  • la faillite.

Dans ces différentes situations, le titulaire de l’obligation doit commencer par faire réaliser une étude d’orientation par un expert agréé puis, dans l’ordre chronologique et pour autant que nécessaire selon les résultats mis en évidence, faire réaliser une étude combinée de caractérisation et de risque, et enfin faire élaborer un projet d’assainissement.

Enfin, le décret précise qui peut être désigné comme titulaire de cette obligation, dans quel ordre et les conditions dans lesquelles une dérogation peut être éventuellement obtenue.

Dans ces grandes lignes, les mécanismes de l’ancien décret sont donc perpétués.

 

Coup d’œil sur les principales nouveautés

  1. Le nouveau décret instaure une meilleure articulation entre les polices administratives, permettant de distinguer les situations régies par la législation sur les déchets et celles couvertes par le DGAS. Le critère privilégié est celui du caractère détachable du déchet par rapport au sol, critère qui s’apprécie sur base d’un contrôle visuel ou de l’utilisation qui peut s’envisager.
  2. Les procédures administratives sont largement simplifiées et assouplies. Un mécanisme de procédure accéléré d’assainissement est mis en œuvre lorsque certaines conditions particulières sont rencontrées, ainsi qu’une procédure de gestion immédiate pour réagir en urgence à une situation accidentelle. Il est aussi possible désormais de conclure avec l’administration compétente une convention de gestion des sols qui permet notamment de planifier les travaux en tenant compte des impératifs économiques.
  3. L’inscription dans une démarche volontaire n’est pas irrévocable : celui qui s’y engage peut désormais en sortir à tout moment. La vente d’un terrain n’est plus un fait générateur. Le nouveau décret remplace les anciennes procédures d’exonération, lourdes et paralysantes, par des hypothèses de dérogation qu’il est possible d’invoquer de manière anticipée par une personne qui pourrait être désignée comme titulaire de l’obligation mais estimerait pouvoir bénéficier d’une dérogation.
  4. Les objectifs d’assainissement ont été revus dans un souci de proportionnalité. Les normes et niveaux de concentration ont fait l’objet d’une révision dans le même sens. La distinction entre pollution historique et pollution nouvelle subsiste, mais une pollution mixte n’est plus forcément qualifiée de nouvelle. Pour une pollution historique, l’objectif à atteindre est la disparition de toute forme de menace grave tandis que pour une pollution nouvelle, le décret fixe le niveau d’assainissement requis à 80 % de la valeur seuil.
  5. La mise en œuvre effective de la banque de données de l’état des sols est désormais une réalité. Elle joue un rôle majeur dans le déclenchement des obligations pour les terrains qui y sont repris, soit à ce jour 2,8 % du parcellaire wallon d’après les informations publiées.
  6. De nombreuses autres nouveautés significatives sont mises en place par le nouveau décret : nouveau mécanisme de subvention, refonte des obligations d’informations, renforcement du rôle de la SPAQuE, procédure spécifique lors de la découverte d’une pollution en cours de chantier, etc.

 

Le décret du 1er mars 2018 apparaît donc comme une évolution du cadre légal existant, pour intégrer les enjeux de la gestion des sols wallons et tenir compte des difficultés pratiques que posait l’ancien cadre légal. Les nouveautés sont nombreuses, que ce soit pour définir les obligations des propriétaires et exploitants, pour l’identification des titulaires potentiels ou pour le suivi des procédures. La matière reste éminemment technique, nécessitant sans aucun doute l’accompagnement d’un bureau d’étude et d’un juriste spécialisé.