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Eloge des avocats du ressort de la Cour d’appel de Liège décédés pendant l’année judiciaire 2010-2011
Discours
Monsieur le Premier Président de la Cour d’appel,
Monsieur le Premier Président de la Cour du travail,
Monsieur le Procureur Général,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Conseillers,
Mesdames et Messieurs les Avocats généraux et Substituts du Procureur Général,
Mesdames et Messieurs,
Mes chers Confrères,
Il est de tradition que la Cour associe le barreau à l’hommage que le monde judiciaire rend à ses défunts, et je tiens à l’en remercier particulièrement.
La cérémonie qui nous unit aujourd’hui est de la plus haute importance, pour le barreau bien sûr, et bien plus encore sans doute pour les proches et les amis de ceux qui nous ont quittés.
Victor Hugo a raison, qui nous fait cet impératif catégorique : « Vous qui vivez, donnez une pensée aux morts ».
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Mesdames, Messieurs, Les barreaux d’Arlon, Dinant, Eupen, Huy, Namur et Neufchâteau n’ont pleuré la perte d’aucun des leurs au cours de l’année judiciaire écoulée. Le barreau de Marche-en-Famenne a pleuré l’un des siens, celui de Verviers en a pleuré trois et celui de Liège en a pleuré cinq.*
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Le 11 septembre 2010, Maître Paul BOLLAND nous a quittés.Né en 1925, il fut admis au stage au barreau de Verviers le 19 septembre 1949 et au Tableau de l’Ordre le 27 octobre 1951 déjà, mais la décision d’admission précisait qu’il devrait : « se conformer aux obligations du stage jusqu’au 23 septembre 1952 ». Il avait suivi ses études secondaires au collège Saint-François Xavier de Verviers puis il avait étudié le droit à Namur et à Louvain. Maître Paul Bolland était lui-même issu d’une famille d’avocats : son père, Maître Paul Bolland lui aussi, avait été bâtonnier du barreau de Verviers au sortir de la guerre, durant l’année judiciaire 1944-1945. En 1955, il quitte le barreau pour entrer au service d’une grande banque, encore belge à l’époque. Il y accomplit toute sa carrière et ne la quitte qu’en 1985, à l’âge de la retraite. Il était resté fidèle au barreau et à son passé d’avocat et c’est en 1988, à 63 ans, qu’il sollicita et obtint du conseil de l’Ordre de Verviers de porter le titre d’avocat honoraire qu’il conserva jusqu’à son décès à l’âge de 85 ans, au terme d’une vie riche et bien remplie.*
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Le 11 octobre 2010, Maître Alexandre YVANOFF nous quittait. [adrotate group="3"] Il avait prêté serment et avait été admis à la liste des avocats stagiaires du barreau de Verviers le 19 septembre 1982 au terme d’études de droit réalisées à l’Université de Liège. Il accomplit son stage auprès du Doyen Jean Massaux, qui lui a toujours porté une haute estime en raison notamment de ses talents de plaideur mais aussi de rédacteur. Admis au Tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Verviers le 7 novembre 1985, il y fut conseiller de l’Ordre, mais il fut aussi correspondant régulier du Journal des Tribunaux. Profondément avocat, il défendait chacun et accomplissait la tâche qui lui était confiée avec simplicité, gentillesse et humour. Affligé très tôt d’ennuis de santé qui l’ont sans doute quelque peu pénalisé, il les dépassa tout au long de sa carrière pour laisser le souvenir d’un homme aimable et confraternel, apprécié tant de ses confrères que des magistrats. Il laisse aussi le souvenir d’un beau discours de rentrée prononcé lors de la rentrée de la Conférence Libre du Jeune Barreau en 1996. Maître Alexandre Yvanoff fut encore, c’est l’autre facette de cet avocat de qualité, un homme public qui exerça d’importantes fonctions dans sa belle ville de Spa qu’il aimait tant. Trop tôt parti, il restera dans les mémoires de chacun de celles et ceux qui ont eu la chance de le côtoyer.*
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Maître Marie-Madeleine ROSIUS nous a quittés le 16 décembre 2010. Elle avait prêté le serment d’avocat au barreau de Liège le 18 septembre 1950 et elle portait le numéro 12 de la liste de nos avocats honoraires. Elle avait effectué son stage chez Maître Victor Lambert et elle fut inscrite au Tableau de l’Ordre le 9 juillet 1954. Elle fut admise à l’honorariat le 1er janvier 1993, après une longue et belle carrière de plus de 52 années. Sur le plan professionnel, ceux qui l’ont connue soulignent tout à la fois son brio, son efficacité et son esprit de synthèse qu’ils qualifient de « très extraordinaire ». Sa droiture, sa générosité, son humour et sa grande culture constituent autant de traits que chacun s’accorde à souligner. Mais Maître Marie-Madeleine Rosius, « Mady » pour ses intimes, fut aussi l’épouse de Monsieur Alphonse Bartels, dont nous gardons aussi le souvenir puisqu’il fut avocat puis magistrat liégeois, et qu’il fut vice-président du tribunal de première instance de Liège. Madame Mauricette Putman, qui fut la secrétaire de Maître Rosius, se souvient de sa passion pour les voyages, au Portugal, en Italie et en France, en particulier, et de la curiosité insatiable qu’elle partageait avec son mari pour la culture, de la musique au théâtre en passant par la peinture et la bonne chère. Madame Marie-Madeleine Rosius fut jusqu’à la fin de sa vie, à 84 ans, résolument moderne et courageuse. Elle se savait en effet condamnée depuis plusieurs mois et elle avait souhaité se faire euthanasier. Elle a confirmé ce choix qui lui a permis, telle était sa conviction, de conserver jusqu’aux derniers instants sa dignité. Elle est demeurée, selon ses proches, ce modèle de droiture, de courage et de volonté qui l’avait guidée tout au long de sa vie.*
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Maître Patrice KNAPEN est décédé le 17 décembre 2010, à l’âge de 52 ans.Il prêta le serment d’avocat le 15 septembre 1981 et fut admis au stage au barreau de Liège le 1er octobre 1981. Son maître de stage fut Monsieur le Bâtonnier Louis Aendekerk. Inscrit au Tableau de l’Ordre le 6 novembre 1984, il développa une carrière d’avocat très indépendant. Il fut un temps associé à Maître Jean Vivario et à Maître Alain Franken. Maître Patrice Knapen était spécialisé dans le bail commercial, la restauration, la brasserie, le petit commerce et il entretenait aussi bien avec ses clients – qui lui étaient très attachés – qu’avec ses confrères des relations agréables. C’est que Maître Patrice Knapen était d’un contact courtois et confraternel, mais aussi d’un naturel de bon vivant au sens de l’humour dont chacun gardera le souvenir. Excellent plaideur, il était un homme de dossier qu’il aimait à défendre avec opiniâtreté. Il était aussi doué d’une grande capacité de travail, tout en pratiquant des horaires que nous trouverions sans doute quelque peu décalés. Maître Patrice Knapen était aussi, et sans doute est-ce là l’essentiel, extrêmement attaché à ses proches et en particulier à ses enfants auxquels il vouait autant d’amour que d’attention.*
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C’est le 21 janvier 2011 que Maître Suzanne LECLERCQ nous a quittés. Elle avait prêté le serment d’avocat à Liège le 17 septembre 1953 et elle avait été admise à la liste des avocats stagiaires le 29 septembre 1953. [adrotate group="3"]Son maître de stage fut Monsieur le Bâtonnier Collignon, dont elle resta la collaboratrice pendant 6 années. Inscrite au Tableau le 2 juin 1959, Maître Suzanne Leclercq resta avocate durant 30 années et elle fut admise à l’honorariat le 17 octobre 1983. Elle ne nous quitta pas pour autant puisqu’elle devint alors juge puis vice-présidente du tribunal de première instance de Liège jusqu’à son admission à la pension. Le 29 juillet 1988, elle s’était vue conférer le grade d’Officier de l’Ordre de la Couronne et le 10 janvier 1997 celui d’Officier de l’Ordre de Léopold. Maître Suzanne Leclercq n’a jamais été d’une personnalité banale. Tous ceux qui l’ont connue – et ils sont ici nombreux – le savent et gardent d’elle un souvenir très fort. Le 20 avril 2004, près de 7 ans avant sa mort, elle avait écrit une longue lettre à Monsieur le Bâtonnier et, précisait-elle, il fallait au besoin lire « Madame la Bâtonnière ». Cette lettre constituait son testament spirituel que Madame Joëlle Goeme, sa fille, a bien voulu me transmettre. Longue de 6 pages, dense et souvent amusante, il m’est tout à la fois impossible de la lire ici tout entière dans le temps qui m’est imparti, tout comme il m’est impossible de trahir le respect dû à sa mémoire et à son vœu. J’en lirai donc des extraits importants, et je tiens un exemplaire de ce testament spirituel à la disposition de chacun de ceux qui souhaiteront le découvrir : « (…) la présente (…) constitue, en effet, mon testament spirituel qui, comme tel, se doit d’être tout autant respecté que ceux qui concernent les dispositions matérielles et c’est précisément pourquoi il est bel et bien daté, signé et olographe. Quel que soit votre nom, je vous fais pleinement confiance et comme celle-ci est aussi absolue que le néant dans lequel j’aurai basculé lorsque vous me lirez, je suis sûre que vous ne me trahirez pas ! ». « (…) je suis entrée à l’athénée de Chênée, lequel à cette époque, avait la révolutionnaire particularité d’être, dans toute la province, le seul établissement à avoir instauré le régime de la mixité ! J’y a fait mes gréco-latines dans la même classe et à un banc d’intervalle qu’un certain Léon Giet (…). Mes humanités m’ont apporté un atout dont je n’ai eu conscience de l’importance que lors de mon entrée à l’Université : la volonté et la ténacité de se battre contre les garçons ! Et que dire, à ce même propos, pour ce qui concerne le Barreau ! Nous les femmes, nous y étions largement minoritaires et nous n’étions acceptées par la plupart des confrères que par pure condescendance, n’étant, à leurs yeux, rien d’autre que des … chercheuses de mari ! ». « J’ai fait mon stage chez le Bâtonnier Collignon, puis je suis restée sa collaboratrice pendant six ans. Arrivé, lui, à cinquante ans de carrière, il ressentait également méfiance et scepticisme à l’égard de la nouvelle génération de plaideuses. Je n’en veux pour preuve que les noms successifs qu’il m’a attribués : « La demoiselle », « l’avocate », « Maître Leclercq », « Suzanne, » puis « Mi feye », appellations qu’étaient les indices concrets de mon évolution dans son estime. C’est d’ailleurs encore dans la même tournure d’esprit qu’il m’a confié, comme première et prépondérante tâche, des dossiers qui ont creusé le chenal de tout mon avenir. (…) il n’avait qu’une piètre opinion du droit de la famille, lequel, selon sa propre expression, n’était que « toutes histoires de bonnes femmes, tantôt les légitimes, tantôt… les autres ! » J’ai donc hérité de tous ses dossiers « divorce » sous le prétexte – ô combien fallacieux – que : « cela, il vaut beaucoup, beaucoup mieux que ce soit plaidé par une femme ! ». Et voilà pourquoi, mes chers Confrères, j’ai passé les trente ans de ma vie d’avocat puis, ensuite, mes quinze ans de magistrature, à m’occuper de ce qui n’était donc rien d’autre que des histoires de bonnes femmes… ». « Mon second Maître a été Monsieur le Président Trousse (…). C’est lui qui m’a appris tout ce que mon nouveau statut exigeait, et cela avec la compétence, la hauteur et l’élégance d’un pur Humaniste ! C’est à lui et à mon patron que je dois tout ce que je sais et tout ce que j’ai essayé de faire. Que dire encore après cela ? - Que, des années après que mon Patron ait eu publié « L’initiation à la pratique du Barreau », j’ai, avec son fils Paul, écrit un livre qui lui était dédié, dès son titre même : « De la Faculté au Prétoire » » . « - Que mon passage au Conseil de Guerre en qualité d’assesseur juridique a eu le grand mérite de m’apprendre : (…) secundo : qu’il est beaucoup plus grave de voler un béret dans une armoire de vestiaire que de violer une femme dans un porche ! (…) Enfin – et cela est dit sans une seule once de vanité mais, en revanche, avec beaucoup de fierté – que j’ai été la première femme à accéder au grade de Vice-Président du Tribunal de Première Instance de Liège. « Parlons donc de mon caractère (…) - Il y a d’abord mes emportements à la Marthe Villalonga. Il sont effectivement bien réels (…). - Vient ensuite mon parler aussi franc que celui du personnage de Madame Sans-Gêne, si cher à Victorien Sardou. (…) - Citons maintenant mon ironie qui peut parfois être aussi cinglante qu’un coup de fouet. Là aussi, je passe aux aveux. Mais, mes Chers Confrères, combien ne serions-nous pas prêts à payer pour le prix d’un bon mot ? - Dans la foulée, passons à mes remarques corrosives. Je les renie d’autant moins qu’elles sont l’expression de mon refus du dilettantisme, du mensonge et de l’hypocrisie ! - Enfin, soulignons mon cartésianisme. C’est vrai qu’il est rigoureux et que, comme tel, il inclut les notions d’«exigence » et d’«intransigeance ». (…) Pour l’éventuelle cascade des autres défauts que j’aurais omis, je fais confiance à la mémoire de ceux qui ne m’appréciaient pas et que je n’estimais pas davantage. Tel est, Monsieur le Bâtonnier, le testament que je vous charge de lire – compris la phrase qui précède – lors de la cérémonie officielle de l’hommage rendu à tous les disparus. Il s’agit là de ma dernière volonté, et elle est prise – du moins je le crois – en pleine lucidité et sanité d’esprit ».*
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Maître Georges BAUDINET nous a quittés le 20 mai 2011 à l’âge de 85 ans. [adrotate group="3"] Il portait le numéro 8 au Tableau des avocats honoraires. Maître Georges Baudinet avait prêté le serment d’avocat le 19 septembre 1949, après des études de droit terminées à l’Université de Liège la même année. Il fut admis au stage le 22 septembre 1949 et son maître de stage fut Maître Emmanuel Forgeur. Inscrit au Tableau le 10 mars 1953, il demeura avocat jusqu’au 17 mai 2005, date à laquelle il sollicita son admission à l’honorariat après plus de 55 années de vie professionnelle. Le 13 mars 2002, il avait été fait officier de l’Ordre de Léopold. Maître Georges Baudinet eut lui-même 4 stagiaires, dont Monsieur le Bâtonnier Georges Rigo. Lors de la célébration de son jubilé professionnel, au terme de 50 années de barreau, Monsieur le Bâtonnier André Delvaux rappelait que Maître Georges Baudinet résumait son accession au titre d’avocat et le déroulement de sa carrière à la devise de ses ancêtres « Florent Labore » : au travail et à l’honnêteté. [adrotate group="3"] Monsieur le Bâtonnier Georges Rigo rappelait lors de ses funérailles les traits marquants de toute une vie d’homme et d’une vie d’avocat : « Volontaire de guerre, il s’est là aussi distingué des autres jeunes de son époque pour prendre le parti de la justice et de la liberté. Quoi d’étonnant pour un homme de cette trempe (…). Il voulait devenir avocat, son métier fut le départ d’une passion et pourtant ne s’était-il pas entendu dire par le bâtonnier de l’époque que n’ayant aucune relation familiale avec le milieu judiciaire, il ferait mieux de se diriger vers l’administration (…). Tous ceux qui sont ici présents et qui ont eu la chance de le connaître se souviennent de sa volonté de travail, premier au bureau (il était courant de le voir assis à la tâche dès 5 heures du matin) et le plus souvent aussi le dernier. Exigeant pour tous ceux qui travaillaient avec lui ou qui le côtoyaient au quotidien, il l’était tout principalement avec lui-même (…). Homme volontaire, exigeant, passionné, Maître Georges Baudinet cachait également sous une carapace rustre et bougonne un homme de cœur qui a su donner à ses proches, son épouse, ses enfants et ses petits-enfants, beaucoup d’amour, même si celui-ci était toujours empreint d’une certaine exigence ». Son fils Pierre, notre confrère, poursuit l’œuvre entamée par son père il y a aujourd’hui 62 années.*
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Monsieur le Bâtonnier François BAILLY est décédé le 30 mai 2011, à l’âge de 66 ans. Il avait été admis au stage au barreau de Marche-en-Famenne en septembre 1971. Associé de Maître Pierre Lenelle, membre fidèle du conseil de l’Ordre de Marche-en-Famenne dont il devint le bâtonnier de 1986 à 1988, Maître François Bailly a laissé au sein du barreau et de la magistrature, devant laquelle il plaidait mais où il fut aussi juge suppléant, un souvenir unanime d’une très grande force. Ce souvenir est tout entier fait d’éloges pour sa générosité et sa courtoisie, comme pour la puissance avec laquelle il affirmait et défendait des convictions progressistes. Avocat et bâtonnier, il fut aussi enseignant mais encore président de l’Association belge des Juristes Démocrates, et observateur de l’Organisation internationale de la francophonie pour les processus électoraux. Ainsi que le soulignait Monsieur le Bâtonnier Frédéric Huart, Monsieur le Bâtonnier François Bailly a placé au cœur de sa vie, tant professionnelle que privée, des valeurs d’humanité, de gentillesse, de délicatesse, de convictions fortes et d’esprit qui ne l’ont jamais quitté. Il fut passionné aussi par la culture et l’histoire de l’Italie, comme par ses vins et par sa langue qu’il maniait remarquablement. Il éprouvait aussi pour ses proches, pour ses enfants et ses petits-enfants, la plus grande fierté et ceux-ci la lui rendaient bien.*
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C’est le 21 juin 2011 que Maître Sylvie Kleynen fut brutalement arrachée à l’amour des siens et au barreau. Elle était née le 1er septembre 1983, elle n’avait que 27 ans. Maître Sylvie Kleynen avait prêté le serment d’avocat à Liège le 17 septembre 2007, présentée par son maître de stage, Maître Vincent Delfosse, et elle était inscrite à la liste des stagiaires depuis le 1er octobre 2007. Maître Sylvie Kleynen était une avocate dans l’âme, sensible, humaine, tendre, engagée, indignée, militante, chaleureuse, drôle et fidèle à ses convictions. Elle était – et le paradoxe n’est qu’apparent – tellement avocat qu’elle avait, à l’entame de sa deuxième année de stage, sollicité et obtenu l’autorisation d’exercer une activité salariée à mi-temps : elle était ainsi juriste au sein du planning familial « Le 37 ». Elle a laissé, là aussi, le souvenir d’un rire qui allait à la vie, aux siens, à ses confrères, et à toutes ces femmes pour le droit desquelles elle se battait sans compter. Maître Vincent Delfosse et tous ceux qui ont eu cette chance de travailler avec elle durant ces quatre années en savent quelque chose et c’est avec émotion que je lis cette correspondance qu’adressait à Maître Sylvie Kleynen l’un de ses clients pro deo, lettre qu’elle avait reçue la veille de son décès : « Maître, Je tiens à vous dire que quand je viens vous voir, mon cœur est apaisé. Après votre permission, je retrouve en vous toute ma famille que je n’ai pas vue il y a neuf ans. Je vous considère comme l’une de mes filles, un peu comme les doigts de la main. D’avance merci parce que je ne pourrai pas vous remercier assez. Vous êtes la lumière que Dieu m’a laissé et l’air que je respire ». [adrotate group="3"] Tous ceux qui ont assisté à ses funérailles resteront marqués par la qualité des amitiés et du respect que Maître Sylvie Kleynen a su inspirer. Ainsi que me l’écrivaient récemment ses parents, nous avons tous pu sentir « la formidable énergie qu’elle dégageait et tout l’amour qu’elle distribuait sans compter ». Dans cette belle lettre, ses parents ont voulu me faire part de deux moments de la vie de Maître Kleynen qui la décrivent mieux que tous les mots : « Ce jour là, elle était en bas de la rue Saint-Gilles, elle distribuait des préservatifs aux passants afin de sensibiliser les jeunes. (…) Elle se trouve nez à nez avec (Monsieur le Bâtonnier Patrick) Henry (…). Avec un sourire (…), elle lui tend un sachet en déclarant son slogan : « sans latex, sous aucun prétexte » … in the pocket, Monsieur le Bâtonnier… ». Le second moment, c’est après sa mort… Driss, le monsieur marocain pro deo qu’elle défendait, a pris le bus et est venu chez nous pour bénir sa tombe… Il était dans un chagrin immense… Je lui ai donné une photo de notre fille… Un mois plus tard, Monsieur Driss est revenu chez nous pour nous donner une photo de sa famille du Maroc. Chaque membre était dans un médaillon et il y a incorporé Sylvie. Il tenait un petit bout de papier, avec juste écrit dessus, au crayon : « Sylvie, elle a une place dans ma famille. Merci. Driss ». Je ne voudrais rien ajouter à ces mots là.*
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C’est le 11 août 2011 que Maître Guy RENSONNET nous quittait. Madame le Président du tribunal du travail a prononcé son éloge et le barreau souhaite s’y associer. Au terme de ses études de droit à l’Université de Liège, il fut inscrit à la liste des avocats stagiaires du barreau de Verviers le 25 septembre 1957. Son maître de stage fut Maître Prosper-Jules Herla. Maître Guy Rensonnet quitta après quelques temps l’étude de cet ancien bourgmestre de la Ville pour rejoindre celle de Monsieur le Bâtonnier René Rensonnet, auquel il n’était pas apparenté. Il fit toute sa carrière d’avocat à Herve, où il s’installa rapidement. Il y a laissé le souvenir d’un avocat discret, modeste, mais dont l’amour du travail bien fait, la passion pour la défense des plus modestes d’entre nous et le soin attentif qu’il mettait à la gestion de leurs intérêts ne se sont jamais démentis. Après avoir exercé durant deux années le secrétariat du ministre de la culture, Monsieur Albert Parisis, il quitta le barreau de Verviers en 1971 et devint, l’un des premiers, juge au tribunal du travail de Liège. Nombreux sont ceux au barreau qui, comme moi, se souviennent de la gentillesse et de l’attention qu’il portait aux justiciables, mais aussi aux avocats, dans les dossiers des personnes handicapées et des personnes minimexées dont il avait la charge, cette charge qui requérait à chaque instant du juriste qu’il était la plus grande humanité.*
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Voilà, Mesdames et Messieurs, mes chers Confrères, quelques mots – il eût fallu en dire mille autres – qui auront fait vivre encore chacun de nos confrères décédés au cours de cette année écoulée. Il est des vies trop courtes, et toutes les vies sont trop courtes sans doute, mais il n’est aucune de ces vies qui n’ait été dense, riche, et si profondément humaine. Comme l’écrit Michel de Montaigne : «Où que votre vie finisse, elle y est toute. L’utilité du vivre n’est pas en l’espace, elle est en l’usage : tel a vécu longtemps qui a peu vécu ». Que chacun de leurs proches sache le souvenir que nous leur portons et la mémoire que nous en entretenons. Je vous remercie de votre attention. Eric LEMMENS