E-commerce et TVA : quels changements pour les entreprises ?

Droit de l'entreprise

Maître Xavier Defoy, avocat au barreau de Liège-Huy

 

L’e-commerce tient une place de plus en plus importante dans l’activité économique. Il a d’ailleurs connu un essor tout particulier suite à la pandémie de COVID-19, celle-ci ayant considérablement accéléré la digitalisation des entreprises. En matière de TVA, l’Union européenne a adopté une directive 2017/2455, avec pour objectif de réformer partiellement le régime applicable aux ventes de biens effectuées à distance et à destination de consommateurs. Ces nouvelles mesures entreront en vigueur le 1er juillet 2021.

 

Quelles opérations sont visées par la réforme ?

Les nouvelles règles s’appliqueront à deux types de « ventes à distance » :

  1. Les « ventes à distance intracommunautaires de biens », soit les ventes de biens d’un vendeur-assujetti à un acheteur-consommateur (B2C) lorsque l’assujetti et le consommateur se trouvent dans des États membres différents et que le transport du bien vendu est réalisé par le fournisseur du bien ou pour son compte.
  1. Les « ventes à distance de biens importés de territoires tiers ou de pays tiers » soit, encore dans le cadre d’opérations B2C, les ventes de biens expédiés ou transportés à partir d’un pays tiers vers l’Union européenne.

 

Suppression des seuils nationaux : devez-vous vous identifier à la TVA dans les autres États ?

En matière d’e-commerce, une entreprise qui réalise une vente à distance à destination d’un autre État membre doit appliquer les règles TVA de cet État de destination (identification, dépôt de déclarations, taux, etc.).

Actuellement, les États membres de l’UE ont établi des seuils de chiffres d’affaires en deçà desquels les entreprises vendant à distance des biens à destination d’autres États membres peuvent appliquer les règles TVA de leur État. Ces seuils nationaux varient entre 35.000,00 € et 100.000,00 € de chiffres d’affaires.

À partir du 1er juillet 2021, les seuils nationaux seront supprimés et remplacés par un seuil uniformisé pour toute l’Union européenne de 10.000,00 €.

Toute entreprise réalisant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 10.000,00 € relativement à des biens vendus à distance à destination d’un autre État membre devra dès lors appliquer les règles TVA du pays de destination.

 

Illustration 

Une entreprise établie en Belgique vend, via son site internet, pour 45.000,00 €/an de produits à des consommateurs situés en Allemagne, pour 8.000,00 €/an de produits à des consommateurs situés en Italie et pour 37.500,00 €/an de produits à des consommateurs situés en Pologne.

Cette entreprise dépasse le seuil de 10.000,00 € de ventes dans deux États : l’Allemagne et la Pologne. Elle doit donc appliquer les règles TVA applicables dans ces États, notamment en ce qui concerne les taux applicables.

Elle pourra en revanche continuer d’appliquer les règles belges en ce qui concerne ses ventes à distance à destination de l’Italie, dès lors qu’elles ne dépassent pas le seuil de 10.000,00 €.

 

Remplacement du MOSS par trois régimes particuliers facultatifs : comment déclarer la TVA sur les ventes à distance réalisées dans d’autres États ?

Dans le cadre du régime actuel, le système MOSS (« Mini One Stop Shop » ou » « Mini Guichet Unique ») permet aux entreprises européennes qui prestent des services électroniques à destination de consommateurs établis dans d’autres États membres de ne faire qu’une seule déclaration TVA, électronique, pour tous les services prestés dans d’autres États membres.

A partir du 1er juillet 2021, le système MOSS sera remplacé par trois systèmes OSS, qui permettront d’user des mêmes facilités pour les ventes à distance également.

 

Illustration

Une entreprise établie en Belgique vend, via son site internet, pour 45.000,00 €/an de produits à des consommateurs situés en Allemagne et pour 37.500,00 €/an de produits à des consommateurs situés en Pologne.

Cette entreprise dépasse le seuil de 10.000,00 € de ventes dans deux États : l’Allemagne et la Pologne. Elle doit donc appliquer les règles TVA applicables dans ces États, notamment en ce qui concerne les taux applicables.

Elle a le choix entre s’identifier dans chacun de ces deux États et y remplir les formalités légales obligatoires (notamment en termes de déclarations) ou de s’enregistrer dans le système OSS et y réaliser ces formalités pour les deux États concernés.

 

Suppression de la franchise TVA à l’importation pour les colis importés de moins de 22,00 € et remplacement par un nouveau seuil d’exonération 

Actuellement, aucune TVA n’est due relativement aux biens importés de pays tiers dont la valeur ne dépasse pas 22,00 €.

Le législateur européen a décidé de modifier ce seuil. Seront désormais exonérés de TVA les biens importés dont la valeur ne dépasse pas 150,00 €, à condition que les ventes soient déclarées via le système IOSS (Import One Stop Shop).

 

Introduction de la redevabilité des marketplaces : qui paye doit rétrocéder la TVA à l’État ?

Les marketplaces tels qu’Amazon, Alibaba ou encore Cdiscount seront considérées, au regard des règles TVA, comme ayant acheté et vendu elles-mêmes les produits.

Cela implique que pour l’application des règles TVA, deux opérations seront prises en compte :

  1. Une vente exonérée entre le vendeur et la marketplace dans le pays de départ ;
  1. Une vente taxable entre la marketplace et le client particulier, soumise à la TVA dans le pays de destination.

La marketplace devra donc collecter, déclarer et reverser la TVA à la place des vendeurs, mais uniquement dans le cadre des opérations suivantes :

  • pour les entreprises européennes, les ventes à distance de biens importés de pays tiers d’une valeur ne dépassant pas 150,00 € uniquement ;
  • pour les entreprises non européennes, sur toutes les ventes B2C localisées dans l’Union européenne, y compris locales.

 

Illustration

Une entreprise belge vend des produits à des consommateurs espagnols par l’intermédiaire d’Amazon. Les biens sont vendus au prix de 35,00 € HTVA.

Dans ce cas, Amazon est tenue de collecter la TVA auprès du consommateur espagnol et de la reverser au Trésor.

En revanche, si l’entreprise belge vend un bien à un consommateur espagnol pour un prix de 600,00 € HTVA, elle sera tenue de collecter et de reverser la taxe au Trésor selon les règles exposées ci-dessus.

 

Ces nouvelles règles impliquent, de la part des PME, une adaptation de leurs habitudes et l’acquisition de nouveaux réflexes en matière de TVA. Le seuil en deçà duquel elles pourront continuer d’appliquer les règles de leur État d’établissement étant considérablement revu à la baisse, de plus en plus d’entreprises seront contraintes d’appliquer les taux pratiqués par d’autres États. Une anticipation du dépassement de ce seuil et de ses conséquences est plus que jamais nécessaire afin d’éviter une mauvaise application des règles TVA.