Droit passerelle : à quelle sauce fiscale allons-nous être mangés ?

Droit de l'entreprise

Maître Florence Fassin, avocate au barreau de Liège-Huy

 

L’Administration fiscale a publié deux circulaires expliquant le régime de taxation des indemnités « droit passerelle » perçues par les indépendants dans le cadre de la crise liée au coronavirus[1][2].

Bon nombre d’entre nous ont pu compter sur le droit passerelle pour maintenir la tête hors de l’eau face au coronavirus et aux mesures prises pour lutter contre celui-ci.

Les travailleurs indépendants, les aidants et les conjoints aidants forcés d’interrompre partiellement ou totalement leurs activités indépendantes pendant au moins 7 jours consécutifs, ou ceux dont les activités ont été interrompues pour limiter la propagation du coronavirus, ont effectivement pu prétendre à une indemnité (1.291,69 € sans charge de famille ou 1.614,10 € avec charge de famille) pour les mois d’interruption de leurs activités.

 

Montants bruts

Ils se posent maintenant la question de savoir de quelle façon les sommes perçues vont être taxées puisqu’il s’agit de montants bruts.

En réalité, le régime fiscal applicable dépend de la nature de l’activité exercée.

Il convient de distinguer le droit passerelle de crise, initialement octroyé aux indépendants contraints d’arrêter leurs activités, du droit passerelle de reprise, octroyé sous conditions pour encourager le redémarrage de certains secteurs pour les mois de juin, juillet et août 2020.

 

Taux de 16,5 % ou progressif ?

Concernant les indépendants qui perçoivent des bénéfices ou profits, les montants octroyés en tant que droit passerelle de crise sont taxables au taux distinct de 16,5%, au titre d’indemnité versée pour compenser une réduction forcée d’activité sur pied de l’article 171, 4°, b du CIR 1992 et ce, pour autant qu’ils respectent la règle des 4x4. En d’autres termes, s’ils dépassent les bénéfices ou profits nets imposables des quatre années de revenus précédentes, ils sont imposés aux taux d’imposition progressifs.

Le droit passerelle de crise perçu par les dirigeants d’entreprise est, quant à lui, automatiquement imposé au tarif progressif ordinaire, au titre d’indemnités obtenues en réparation totale ou partielle d’une perte temporaire de rémunération. Les aidants indépendants sont logés à la même enseigne (articles 31, alinéa 2, 4° et 32, alinéa 2, 2° du CIR 1992).

S’agissant du droit passerelle de reprise, il est taxé aux taux d’imposition progressifs qu’il soit octroyé aux indépendants personnes physiques, au titre d’indemnités obtenues en réparation totale ou partielle d’une perte temporaire de bénéfices ou profits (articles 25, 6° b et 27 alinéa 2, 4°, b du CIR 1992) ou aux dirigeants d’entreprise et aidants indépendants, au titre d’indemnités obtenues en réparation totale ou partielle d’une perte temporaire de rémunération (articles 31, alinéa 2, 4° et 32, alinéa 2, 2° du CIR 1992).

Pour les conjoints aidants, autant le droit passerelle de crise que le droit passerelle de reprise sont exonérés d’impôt.

 

[1] Circulaire 2020/C/94 du 8 juillet 2020 et Circulaire 2020/C/114 du 4 septembre 2020.

[2] Cet article traite uniquement du droit passerelle accordé aux travailleurs indépendants sur base de la loi du 23 mars 2020 et de l’arrêté royal n°41 du 26 juin 2020, à l’exclusion des autres indemnités Covid-19.