Discours prononcé lors de l'AG de l’Ordre du 16/06/2011

Discours
               width= Monsieur le Bâtonnier, « Voilà mes amis, les dés sont jetés, la partie va commencer et j’espère ne pas vous décevoir ». Ainsi terminiez-vous le discours que vous prononciez, ici-même, le 18 juin 2009. Et permettez-moi, Monsieur le Bâtonnier, de le dire d’emblée : vous ne nous avez pas déçus ! Jetant sur le papier, en vrac et à la volée, les travaux et les jours sous votre bâtonnat, je me suis trouvé très vite confronté à trois pages de notes, denses, éclectiques, et dont l’importance pour la bonne marche de notre barreau et de notre belle profession était manifeste. Alors, Monsieur le Bâtonnier, il m’a fallu choisir, trier, retenir, mais suivant votre exemple, ne renoncer à rien d’essentiel. Fidèle à votre « engagement du 18 juin », vous avez été présent, dans notre Palais, dans votre bureau, à la disposition et au service de tous, à l’écoute amicale ou ferme aux besoins de chacun, pendant ces deux années. Deux années qui ont pour vous, je le sais, passé comme l’éclair. Et il n’est pas un avocat qui n’ait trouvé l’écoute bienveillante dont il avait besoin, la voie à suivre pour apaiser les peines ou les colères, et l’autorité nécessaire à la résolution juste des conflits. [adrotate group="3"] Et je me demande, Monsieur le Bâtonnier, si ce n’est pas là l’une de vos plus grandes œuvres, fondée sur l’assise la plus solide de deux de vos plus grandes qualités : la générosité, et cette inébranlable honnêteté intellectuelle que nous vous connaissons tous. Vous étiez là, et tout à la fois vous étiez partout sur le front de tous les chantiers importants. Permettez-moi de n’en retenir que quelques-uns. Vous avez, Monsieur le Bâtonnier - et je tiens à associer la magistrature à l’hommage qui vous est rendu - assuré l’excellence de l’intelligence, de la compréhension et des contacts mutuels entre la magistrature et le barreau. Vous avez, avec votre Conseil, assuré ces services harassants, souvent peu gratifiants, mais combien essentiels pour nos confrères concernés et pour notre profession toute entière, des avis en matière d’honoraires. Ce sont plus de deux cents avis qui auront été rendus sous votre égide et avec l’aide précieuse de la Commission des honoraires et de Maître Philippe VOSSEN dont le dévouement n’a d’égal que l’abnégation. Cent fois sur le métier remet-il son ouvrage. Vous avez veillé à la réflexion qui doit fonder et enrichir nos pratiques professionnelles par l’organisation de colloques avec les forces les plus vives de notre barreau. Le 20 novembre 2009, avec la Conférence Libre du Jeune Barreau, un colloque intitulé « Droit de la concurrence, éthique de la confraternité ». Le 19 novembre 2010, un de ces grands colloques humanistes dont notre barreau peut s’enorgueillir : « Les défendre, tous et partout ». Et si nos grands témoins n’ont pas tous été à la hauteur de nos attentes, les forces vives de notre barreau, confirmées pour certaines, très jeunes et à découvrir pour d’autres, ont été magnifiques d’intelligence, de sensibilité, et de force dans des engagements quelquefois dangereux et toujours exigeants.   La présence de l’avocat dans la cité est demeurée une de vos priorités. Le salon de l’avocat a réuni plus de deux cents consultants en 2009, et fut organisé dans tout le ressort de l’Ordre des Barreaux francophones et germanophone le 16 octobre 2010 : le rôle moteur que Liège endosse souvent n’est plus à démontrer. Vous avez, Monsieur le Bâtonnier, avec la Commission  Barreau-Entreprises, présidée par mon associé et ami, Maître Daniel PRICKEN, imaginé et réalisé avec le plus grand succès une idée fantastique. Sous le titre « Droit de rencontres », furent organisées dans quatre entreprises partenaires aux quatre coins de Liège des conférences prononcées par de jeunes et brillants conférenciers à destination du monde de l’entreprise, devant un parterre d’entrepreneurs et d’avocats. La légitimité et l’intérêt de notre profession y furent éclatants, et les contacts ensuite noués au cours des cocktails qui terminaient la soirée seront riches d’avenir. Vous avez, dans des circonstances douloureuses, assuré la présence du barreau dans la cité, mais bien plus au service de la cité elle-même et de nos concitoyens, en organisant avec nos confrères, tous bénévoles, ainsi qu’avec l’aide précieuse de la Directrice de l’Ordre Muriel BOELEN, des permanences juridiques importantes après le drame de l’explosion survenue rue Léopold, drame qui avait endeuillé toute une ville et défiguré tout un quartier et ses activités. Vous avez reçu à deux reprises, avec la Commission des Avocats Honoraires présidée par notre consœur, Maître Bénédicte VAN DEN DAELE, les avocats honoraires qui nous ont fait récemment encore partager leurs talents et leur générosité. Un moment gratuit de pur plaisir et de joie esthétique.   Vous avez, presque contre nature, et c’est peu dire sur votre capacité d’ouverture et d’abnégation, assuré avec et grâce à la Commission TIC et le travail de tous ses membres, parmi lesquels nos confrères Francis TEHEUX et Jean-François HENROTTE, la présence du barreau sur les réseaux sociaux : Facebook, Linkedin, Twitter. Vous avez géré, dans un souci de transparence et de démocratie absolues, la question difficile du renouvellement ou non de l’abonnement à Strada. Je pense fermement, aujourd’hui encore, que le choix que vous avez opéré avec le Conseil fut le bon. Les séminaires résidentiels ont été le lieu de débats en profondeur sur le budget et les comptes de l’Ordre, sous l’égide d’un autre de mes associés et ami, Maître Pierre RAMQUET, et du trésorier de l’Ordre, Maître Marc LEVAUX. C’était une gageure, et un pari réussi, que de conduire dix-sept avocats à s’enfermer trente-six heures pour débattre de chiffres ! Mais derrière les chiffres se cachent les politiques et ce fut tout l’intérêt de cet exercice difficile et ô combien important pour nous tous. [adrotate group="3"] Enfin, et c’est aussi là votre grand œuvre, comment ne pas parler de la mise sur pied des permanences « Salduz ». Quel travail considérable n’avez-vous pas abattu avec l’aide et le moteur incomparable de Maître Sandra BERBUTO, pour convaincre les magistrats, au Parquet, à l’instruction, du bienfondé et de l’intérêt de cette démarche. Ce travail a porté ses fruits : depuis le 10 janvier 2011, les permanences sont organisées, les rôles sont tenus, le système fonctionne et il fonctionne bien, grâce à l’aide et à la participation constructives et constantes de très nombreux avocats totalement bénévoles, des juges d’instruction et du Président du Tribunal de première instance qui a tout fait pour nous garantir les meilleures conditions matérielles possibles de notre intervention. Malheureusement, et j’en viens tout naturellement à l’Ordre des Barreaux francophones et germanophone et au rôle majeur que le Barreau de Liège y joue grâce à vous, le pouvoir politique qui vient de voter un budget même en affaires courantes (mais ne deviennent-elles pas urgentes avec le temps qui passe ?), n’a pas voulu entendre les avocats, et a voulu une fois encore raser gratis sur notre dos. L’expression est brutale mais fidèle. Et sauf à voir un élément neuf survenir, à défaut d’avoir été entendus et la mort dans l’âme, nous suspendrons bientôt ces permanences. Mais ce sera pour mieux les reprendre ensuite, et dans des conditions dignes, je veux le croire. L’OBFG nous rappelle toute l’importance de nous entendre et de nous comprendre. Les Conseils de l’Ordre communs Liège-Bruxelles et Liège-Anvers, que vous avez mis sur pied et animés avec les Bâtonniers Dirk GROOTJANS, Yves OSCHINSKY et Jean-Pierre BUYLE, furent à cet égard des modèles. Ils produiront des résultats très concrets bientôt, j’en suis convaincu. Monsieur le Bâtonnier, Cher Stéphane, Cher ami, J’aurai été trop long pour ta modestie, mais, pour dire le vrai, combien trop court. Tu as poursuivi la tradition instaurée par le Bâtonnier Patrick HENRY et je t’ai accompagné aux Assemblées générales de l’Ordre des Barreaux francophones et germanophone depuis ce mois de janvier 2011. J’ai pu mesurer tout le travail accompli, et tout le travail que tu y accomplis, mais plus encore toute l’écoute dont légitimement tu bénéficies.  Tu as encore du travail, et je gage que tu travailleras encore au sein de nos organes à l’avenir. Tu as aussi assuré la difficile question du déménagement, et la création de cet outil magnifique que sera la bibliothèque commune à la magistrature et au barreau. Tu as encore du travail et ce n’est pas l’heure de la retraite puisque tu as accepté de t’en charger encore dans le courant de l’année prochaine, ce qui me réjouit. Nous avons été tous les deux rédacteurs en chef du Bulletin de l’Ordre. Là tu m’y succédais, et aujourd’hui c’est moi qui te suis. C’est bien plus difficile, crois-moi ! Et que reste-t-il de tout ceci ? Un bâtonnier, un excellent bâtonnier, dont je vois si bien pourquoi il portera à vie ce beau titre qu’il honorera. Un bâtonnier, et un ami. Combien de dizaines de fois n’avons-nous pas fait ensemble cette route de Liège à Bruxelles, là pour nous rendre à la Commission Communication de l’OBFG qui nous est chère depuis ses premiers pas, ici pour nous rendre aux Assemblées générales ? Que dire enfin de ces cinq mandats que nous avons exercés côte-à-côte ou face-à-face au Conseil de l’Ordre, où nous avons pu le plus souvent constater nos accords sur les questions essentielles. Monsieur le Bâtonnier GOTHOT, au nom de tous ceux qui vous ont précédé, au nom de chaque avocat du Barreau de Liège, de chacun des membres de vos deux Conseils de l’Ordre et du personnel de l’Ordre, permettez-moi de vous dire : merci.

*

*          *

Madame le Bâtonnier, Messieurs les Bâtonniers, Chers Confrères, Chers amis, Ne me demandez pas quel métier je fais : je n’en exerce aucun. Ne me demandez pas quand je suis à l’ouvrage : l’ouvrage m’est un partout. Nous partageons ceci, ceci au moins, avec l’artiste : la liberté. J’ai voulu être avocat, médecin, enseignant, avocat encore, philosophe, journaliste, écrivain, avocat toujours, et enfin avocat, encore et toujours. Il était écrit, je le crains, que je n’y échapperais pas. En ce 16 juin, à midi plein ou peu s’en faut, l’heure n’est-elle pas venue de scruter ces instants du passé qui font de nous ce que nous sommes ? « Tes père et mère honoreras ». Laissez-moi aborder ce sage commandement comme une allégorie. Mon père et ma mère savent, eux, que je sais ce que je leur dois. Qu’ils en soient ici remerciés. En ce beau mois de septembre 1984, plein de rêves et de palais à construire, sur les épaules la robe alors toute neuve, celle-là même que je porte devant vous aujourd’hui. J’ai la chance d’être présenté au serment par Monsieur le Bâtonnier Lambert MATRAY. J’ai la chance d’être présenté au serment sous l’égide de Monsieur le Bâtonnier Jacques HENRY, qui entame alors la deuxième année de son mandat. [adrotate group="3"]Monsieur le Bâtonnier Lambert MATRAY est mon patron de stage. Je ne le sais pas encore, mais il va devenir et il est encore aujourd’hui un maître, un modèle, une référence. Il m’a tant appris, il m’a tant transmis, lui qui avait coutume de dire que nous exercions un étrange métier qui voulait que nous formions au mieux possible ceux qui, demain, seraient nos concurrents. Il avait une culture immense, un humour permanent, une humanité et une gentillesse pour chacun, grands ou petits, toujours juste et touchante pour celui qui en était l’objet. Grand avocat et grand homme. Quelquefois, lorsqu’il allait plaider, il entrait dans mon bureau et me disait : « Si tu as un peu de temps, viens ». Je le suivais toujours et je découvrais chaque fois un plaideur hors normes dont les murs de ce palais gardent sans doute la trace de la douceur et des éclats, puissants, pertinents, efficaces, et tellement séduisants. Monsieur le Bâtonnier Lambert MATRAY, vous étiez un séducteur à la lame affutée et au verbe ravageur. Il m’a aussi appris qu’il n’est pas d’avocat hors la plus haute exigence dans le travail de chaque instant, ni hors la plus haute exigence éthique, morale, déontologique. L’occasion qui m’est ici donnée de lui rendre cet hommage m’est chère. Mais apprendre nos us, nos trucs et nos ficelles aussi, aux côtés du Bâtonnier Lambert MATRAY, c’est encore avoir eu la chance de côtoyer très tôt quelques-uns des plus grands juristes, avocats et magistrats, que ces trente dernières années nous ont offerts. C’est avoir eu d’emblée pour tuteurs adjoints, si j’ose dire, Maître Didier MATRAY, qui deviendra à son tour et vingt ans plus tard bâtonnier, et Maître Philippe HALLET, grand et solide déontologue que l’OBFG nous a enlevé pour le plus grand profit de tous les avocats francophones, ce pourquoi Liège, bonne fille, ne lui en a jamais voulu. C’est avoir côtoyé très jeune Maître Paul MARTENS, qui porte encore le n° 48 de la liste de nos avocats honoraires, premier associé de Monsieur le Bâtonnier Lambert MATRAY. Et que dire enfin de Madame Christine MATRAY, chère à mon cœur, esprit ô combien critique, grand juge, grand défenseur aussi avec Paul du barreau non pour lui-même mais pour les valeurs démocratiques essentielles qu’il incarne.  

*

*          *

Mais, en vérité, l’histoire n’a pas commencé là. Elle a commencé quelques années plus tôt, vers 1976,  lorsque j’ai eu plusieurs années durant la joie de fréquenter le n° 6 de la Place Sainte-Véronique. N’est-ce pas là l’adresse la plus connue des membres du barreau, de Liège et de Navarre ? J’y ai croisé du monde, là, lorsque les artistes de la Revue répétaient dans la cave, couvés par Mabeth qui tout à la fois chantait, travaillait et cuisinait… J’y ai croisé Maître Julia GRANDRY, Monsieur le Référendaire Marcel HENRY, et, bien sûr, celui qui n’était pas encore le bâtonnier Jacques HENRY. Si j’ai toujours songé que je pourrais être avocat, c’est Maître Jacques HENRY qui a éclairé les motifs d’un sentiment et d’un désir quelque peu donquichottesque. Je le vois, et je l’entends encore, quand, à 17 ans, il me montrait un dossier d’Assises, comment il me parlait de la passion des hommes, et du meurtre, et de la liberté, et de l’enfermement et – alors – de la prison Saint-Léonard, trou noir miteux, honteux, au cœur même de la ville. Je vois encore les photographies de l’expertise médico-légale, la prostituée violée et assassinée, le sang, les larmes. Et je l’écoute, installé que j’étais en catimini dans la salle de la Cour d’Assises avec Laurence, plaider avec ferveur de sa voix unique et forte, pour sans doute sauver une tête, racheter un peu d’humanité. C’était un gaulliste, épris de liberté. Je l’ai entendu dire, mille et mille fois et à maints propos, à ses interlocuteurs, le doigt levé : « C’est ton droit ». Ces mots prenaient dans sa bouche tout le poids de leur sens profond. Le 23 juin 1983, ici même, alors qu’il vient d’être élu bâtonnier, il nous dit : « D’abord, les droits de l’homme et puis après l’ordre public – c’est exactement ce que je crois. Mon héroïne est bien la petite Antigone ». En ce funeste 1er avril 1987, alors que nous plaidions de concert et côte-à-côte, c’est une conscience majeure de notre barreau qui nous a été arrachée. En mémoire du Bâtonnier Jacques HENRY, en souvenir de l’avocat qu’il fut, de l’homme de culture qu’il fut, et de sa présence au cœur de la Jurisprudence de Liège, puis de la Jurisprudence de Liège, Mons et Bruxelles, j’ai proposé que la nouvelle bibliothèque commune au barreau et à la magistrature porte son nom.   Elle s’appellerait « Bibliothèque Jacques HENRY ». Monsieur le Premier Président de la Cour d’appel, Monsieur le Premier Président de la Cour du travail, qu’il me soit permis de souligner ici l’accueil chaleureux que cette proposition a rencontré chez chacun de vous. J’ai relevé, Monsieur le Premier Président de la Cour du travail, que cette proposition révélait selon vous la hauteur de vue du barreau. Votre propos s’adressait évidemment à Monsieur le Bâtonnier Jacques HENRY.  

*

*          *

J’ai plaidé sous quatorze bâtonniers, j’en ai connu vingt. Qu’il me soit permis de dire ici aujourd’hui à Madame le Bâtonnier Françoise COLLARD, qui fut mon bâtonnier lorsque je fus président du Jeune Barreau, toute l’estime que je porte à la démarche qui a conduit pour la première fois une femme à assumer la conduite de notre Ordre. J’espère que son exemple sera bientôt suivi. Qu’il me soit aussi permis de dire ici à Monsieur le Bâtonnier Jean-Marie DEFOURNY, qui fut mon bâtonnier de réplique lorsque je fus orateur du même Jeune Barreau, mais aussi un ami de mon père dans leur jeunesse de Kinkempois, toute l’estime et toute l’amitié que je lui porte. [adrotate group="3"]Monsieur le Bâtonnier FRANCHIMONT fut d’abord et restera mon maître à l’Université. Homme de conscience et de combat, il a donné le meilleur de lui-même à la justice pénale qu’il a enseignée et pratiquée avec tant de talent, et le meilleur encore aux progrès de notre procédure pénale. Il est lui aussi l’une des consciences majeures de notre barreau, que beaucoup nous envient. Messieurs les Bâtonniers HANNEQUART, MAISSE, MERSCH, RIGAUX, DELVAUX, MATRAY, THIRY et HENRY, permettez-moi de vous dire d’un mot, car le temps m’est compté, ce que je crois : rien de ce que vous avez fait ne s’éteint, car l’édifice repose tout entier sur chacune des pierres qui l’ont fondé. Monsieur le Bâtonnier MARECHAL enfin, mon cher Luc, vous avez accepté d’être ma belle-mère là où vous rêviez – j’en suis sûr – de goûter enfin à une retraite bien méritée des institutions de nos Ordres. Nous nous sommes croisés mille fois, ici et là, et pourtant je crois que je n’ai jamais eu le bonheur de siéger avec vous. L’heure en est venue. Je sais que nous partageons des convictions fortes, tant au sujet de notre profession que de la question fondamentale de l’accès à la justice. Je me réjouis de retrouver ici une belle-mère telle que vous, et j’ajouterai – si vous le permettez – que l’épouse de ma belle-mère ne comptera pas moins. Mon cher Luc, tu disais naguère : « On ne devient pas bâtonnier par hasard ». Et ancien bâtonnier, y as-tu songé ? Tes lumières et ta science seront une fois encore mises au service de notre grand barreau. Sois-en déjà remercié.  

*

*          *

  Mes chers Confrères,   Ne me demandez pas, disais-je, quel métier je fais : je n’en exerce aucun. />

<!--column-->

Nulle afféterie dans le propos : nous sommes tout entier la défense elle-même des causes que nous croyons justes et que nous épousons. Nous prenons notre part de la souffrance ou des difficultés des hommes et nous allégeons leur fardeau. J’ai cherché une nuit entière que répondre à cet ami qui me demanderait ce que c’est que d’être avocat. Je vous propose une réponse qui les vaut toutes et que vaut n’importe laquelle, pour peu qu’elle soit sincère :

<span style=« L’avocat habille l’homme nu de mots et le restitue à la communauté des hommes ». Voilà, c’est dit. C’est à la fois un désir, un but, et le meilleur des mondes. Y tendre n’est pas le métier de l’avocat, c’est sa substantifique moelle. Mes chers Confrères, n’ayons pas peur. Aussi loin que portent mes souvenirs, j’ai entendu dire, à cette tribune ou ailleurs, que le métier d’avocat change, évolue, se transforme, et qu’il faut veiller à n’y point perdre notre âme. Mes chers Confrères, foin de nombrilisme. Ce n’est pas le métier d’avocat qui change, c’est le monde tout entier dans lequel nous vivons et au cœur duquel il s’inscrit. Le métier d’avocat change, précisément parce que notre monde change, parce qu’il a entamé il y a quarante ans une révolution dont nous ne connaissons pas encore l’issue. Et si Monsieur le Bâtonnier Patrick HENRY a raison lorsqu’il nous rappelle qu’il n’y a pas de démocratie sans avocat, le principe ne vaut qu’à la condition, substantielle, de s’entendre non sur le titre, mais sur le contenu.     Pourquoi ce détour, ou ce changement de perspective ? Parce que je crois que toutes les réformes d’importance sont au mieux souhaitables, et au moins sans réelle incidence pour peu qu’elles respectent les grands principes qui fondent la légitimité et l’utilité sociale de l’avocat au cœur de la cité démocratique. Le premier principe cardinal est celui de la liberté, et de sa sœur jumelle l’indépendance. Liberté de parole, sacrée, dans l’exercice des droits de la défense et de la représentation. Liberté des choix stratégiques, liberté des moyens. Mais il n’est de liberté que dans l’indépendance. Indépendance à l’égard de tous les pouvoirs, de toutes les coteries. « Gardez-moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge ». Nous avons chacun des amis, des engagements, des convictions, et c’est heureux. Mais dès lors que nos engagements ou nos convictions nous auront conduits à tenir pour juste la cause dont nous acceptons la charge, alors pas un ami ne pourra nous écarter de notre route.   Mes chers Confrères, rien de tout ceci n’est gratuit : de ces principes cardinaux découle notre responsabilité, à l’égard de nos confrères, de nos Ordres, des magistrats, et de la Justice elle-même. Et s’il est une condition essentielle de notre liberté et de notre indépendance que nous demeurions juges de notre déontologie, juges de nos états d’honoraires, juges des causes que nous acceptons de défendre, il nous appartient au premier chef d’être dignes de ces privilèges qui nous sont accordés non pour ce que nous sommes mais pour le rôle qui nous a été confié. De ces principes cardinaux découle aussi la forfaiture que constituerait l’adoption, par le Parlement, de la proposition de loi prétendument interprétative de l’article 304 du Code judiciaire relatif à l’incompatibilité de la fonction de juge avec la parenté ou l’alliance à l’égard d’un avocat. [adrotate group="3"]Si nous, avocats, portons notre part de responsabilité dans le dépôt de cette proposition de loi, il serait indigne et inadmissible que le législateur inverse en certaines circonstances le processus d’incompatibilité, tant le libre choix de l’avocat doit rester la règle dans un état démocratique, pour peu qu’il ne constitue pas lui-même un détournement ou un artifice qu’il appartient alors au bâtonnier, et au Conseil de discipline, de poursuivre et de sanctionner. De ces principes cardinaux découle l’impérieuse nécessité d’assurer une rémunération décente des avocats qui interviennent au titre de l’aide légale, et de ceux qui, jours, nuits et week-ends, interviennent dans le cadre de la mise en œuvre des principes dégagés par la Cour européenne des Droits de l’Homme dans son arrêt Salduz notamment. Quelle indépendance une démocratie peut-elle assurer, au profit de son fonctionnement même, aux avocats qu’elle prétend rémunérer à 25 € à peine le point pour l’aide légale, en diminution de 5 % par rapport à la rémunération de l’année précédente, alors que renaît de surcroît une inflation qui conduit, elle, à l’augmentation de tous les travailleurs par l’effet de l’indexation des revenus ? Ce n’est pas 5 % que nous avons perdus, mais 8 % au moins si l’on tient compte de cette inflation. Ne parlons pas même des permanences Salduz qui vont être suspendues, au préjudice de tous les justiciables, parce que notre société croit pouvoir enjoindre aux avocats, et à eux seuls, de travailler sans le moindre centime de rémunération. C’est cela l’indignité, et non l’adoption de toute mesure, même la plus radicale, visant à faire respecter notre dignité d’hommes et notre indépendance d’avocats. De ces principes cardinaux découle la position que notre remarquable Commission de déontologie a décidé d’adopter sous la présidence de Maître Pierre PICHAULT. Loin de nous inscrire dans la logique de l’arrêt prononcé par la Cour de Justice de l’Union européenne au sujet des experts comptables français, cette Commission à laquelle j’appartiens et qui m’est chère a décidé d’entrer en résistance, et je mettrai tout en œuvre pour convaincre notre Conseil et l’Assemblée générale de l’OBFG de suivre cette position. En effet, dès lors que demain le démarchage individuel, agressif par essence même s’il devait être encadré, serait autorisé, quelle serait encore notre indépendance, tant vis-à-vis de notre appréciation de la cause juste que vis-à-vis de nos confrères et vis-à-vis, enfin et surtout, de nos propres clients ? Je vous invite à poursuivre la réflexion sur cette question essentielle. C’est pourquoi nous avons préféré entrer en résistance, pensée et argumentée, et c’est pourquoi nous sommes prêts à nous expliquer devant la Cour de Justice de l’Union européenne au besoin, pour la convaincre du bienfondé de notre position dans l’intérêt de la collectivité même, ou pour y vendre chèrement notre peau. Si l’avocat lui-même ne combat plus pour la défense de ces principes essentiels, qui le fera ? Le deuxième principe cardinal, mes chers Confrères, est celui de la probité, et de sa sœur jumelle la loyauté. Debout, chers Confrères, nous participons à l’œuvre de justice. Pas de démocratie sans avocat, certes, mais, au premier chef, pas de démocratie sans justice, présente, accessible, indépendante et impartiale. Le printemps arabe a levé le voile qui cachait la souffrance des peuples et a donné à voir l’indispensable complicité de tant de juges et d’avocats – pas tous, j’y reviendrai – dans l’installation et la pérennisation de toute dictature. Hors la loyauté, hors la probité, à l’égard du justiciable, à l’égard du juge, à l’égard de chacun de nos confrères et contradicteurs, point de salut.   Point de salut parce que, en mode mineur, c’est le métier même qui devient impossible et bien peu aimable si nous ne sommes pas sûrs de la loyauté de notre adversaire, du respect du principe de l’égalité des armes, de la juste transmission des pièces et des écrits. Point de salut parce que, en mode majeur, nous portons au juge la parole de ceux qui nous ont confié la défense de leurs intérêts, et nous trahirions l’un et l’autre ainsi que le sort qui nous est réservé dans un Etat démocratique, nous les trahirions irrémédiablement, chaque fois que nous nous écarterions de ces principes de loyauté et de probité. Mais comment ne pas voir, une fois encore, que pour assurer le respect de ces principes de probité et de loyauté, il faut aussi en amont assurer le respect des principes d’indépendance et de liberté ? Il appartient au bâtonnier et au Conseil de discipline d’être inflexibles à l’égard des infractions à ces principes, sans quoi notamment les humeurs de la Cour Constitutionnelle pourraient bien changer à notre égard, et donner ainsi libre cours à un législateur qui, il en va de son essence même, n’a naturellement de cesse de réduire et de contrôler ses propres contrepouvoirs. N’ayons pas peur, disais-je. N’ayons pas peur parce que, je le pense profondément, toute réforme de notre appareil judiciaire ou de nos règles peut être envisageable, négociable, admissible, et même souhaitable si elle respecte ces quatre points cardinaux. A nous d’y veiller comme il nous appartient de nous faire entendre et de veiller à ce que toute réforme soit pensée dans la perspective de l’amélioration du fonctionnement de la justice au profit des hommes et des femmes qui y travaillent, mais aussi et au premier chef au profit des justiciables. La justice est un service au public, certes, mais elle est avant tout un service public et elle doit le rester. Les critères de rentabilité et d’efficacité au sens économique du terme n’ont que peu à y faire, et fondamentalement ils ne peuvent qu’être étrangers à l’idée même de justice, qui est affaire de temps, de distance, de science et de conscience. Enfin, chers confrères, je crois qu’à l’avenir la réforme du paysage judiciaire, qui adviendra si advient un Gouvernement, engendrera naturellement une réforme des ordres locaux. [adrotate group="3"] Celle-ci ne sera pas simple à réaliser, les résistances seront fortes, mais elle est souhaitable. En effet, quel sens y a-t-il encore aujourd’hui à conserver de très petits barreaux de quelques dizaines d’avocats lorsqu’aucune particularité linguistique ne le justifie ? La réforme de la structure disciplinaire des Ordres n’a-t-elle pas préfiguré d’autres réformes à venir ? Et n’est-il pas souhaitable que cette réforme des Ordres provienne des barreaux eux-mêmes, plutôt que du législateur ? Je crois aussi que les Ordres locaux doivent devenir des think tank. En effet, depuis la réforme de l’Ordre National, il est un rôle naturel des Ordres locaux que ceux-ci n’ont pas encore à suffisance investi : celui de concepteur de propositions réglementaires et structurelles à destination de l’OBFG, là où ils ne sont aujourd’hui que les lieux d’analyse des propositions qui nous viennent de l’OBFG. Chacun de nous sera plus riche si la capacité même de réflexion et de proposition s’incarne aussi dans les Ordres locaux, et dans le nôtre en particulier.  

*

*          *

Si même, comme vous l’aurez relevé, j’ai préféré vous confier les lignes directrices qui guideront mon action, et les débats que j’appelle chacun et les membres du Conseil de l’Ordre en particulier à nourrir, je souhaite vous entretenir en quelques mots de trois projets importants qui seront mis en œuvre dans l’année qui vient. Nous fêterons, au mois de septembre prochain, le bicentenaire du Barreau de Liège. C’est en effet en 1811 qu’il fut créé, avec les Barreaux de Bruxelles et de Gand. Dans un entretien qu’il accordait au Monde Magazine sous le titre « l’Abécédaire de Michel SERRES » (Le Monde Magazine, 6 novembre 2010, pages 44 à 49), ce dernier choisissait sous la lettre D le mot « démocratie ». Il y dit notamment : « (…) Les nouvelles technologies donnent à l’individu un nouveau statut. Une autre démocratie très importante est en train d’apparaître : la naissance de l’individu. Mais comment faire des collectivités avec des individus ? Faire communauté, faire couple, faire classe, faire parti politique, faire gouvernement, faire équipe, est devenu difficile. A cet égard, l’échec de l’équipe de France de football est un paradigme magnifiquement moderne. Ce qui est arrivé en Afrique du Sud a montré qu’avec onze individus, on ne fait pas forcément une équipe. La naissance de l’individu crée une demande de démocratie qu’aucune institution ne peut compenser. Toutes les institutions politiques sont des dinosaures ».   Mes chers Confrères, deux cents ans, c’est la route qui naît de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen de 1789, pour aboutir à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et à ce que nous en avons fait aujourd’hui, nous avocats, nous juges, nous citoyens. C’est la route qui chemine de la sacralisation du citoyen à la sacralisation de l’individu. J’ai voulu que nous y réfléchissions au cours d’un colloque qui me tient profondément à cœur, et qui aura lieu les 8 et 9 septembre prochains. Son directeur en est Maître Didier PIRE, et son titre : « Bicentenaire du Barreau de Liège, deux siècles de libertés ». Je l’ai voulu pluridisciplinaire, et nous y entendrons des juristes, des historiens, des philosophes. Je l’ai voulu ouvert sur le monde d’hier et d’aujourd’hui, et nous y entendrons Maître Roland DUMAS nous parler de la défense des porteurs de valises pendant la guerre d’Algérie, et comme en écho Maître Radhia NASRAOUI nous parler du printemps de Tunis, porteur de tant de promesses, mais aussi de sa longue et courageuse résistance de toute une vie d’avocat.   Le 9 septembre, en présence du Bourgmestre et du Gouverneur de notre ville et de notre province, se déroulera une brève cérémonie protocolaire, suivie d’un apéro urbain sur le site du Tivoli. J’ai envie que nous ayons le sentiment de clore ces deux journées plus intelligents et plus heureux. Pour ma part, c’est votre présence, et elle seule, qui m’importe le plus. Venez faire honneur à votre Barreau. Le 18 novembre, à l’occasion de la rentrée solennelle du Jeune Barreau et en collaboration avec celui-ci, Maître Philippe HALLET et Maître Pierre PICHAULT ont accepté d’organiser un colloque commun à l’OBFG et au Barreau de Liège tout à fait essentiel : une matinée de réflexion sur la question récurrente et difficile des conflits d’intérêts, à travers tous les domaines de notre intervention. Je me réjouis de les entendre, eux et nos confrères de tout le ressort de l’OBFG qui auront consacré bien du temps et de l’énergie à réfléchir à ces conflits toujours difficiles à réduire. N’ont-ils pas du reste partie liée à notre indépendance ? Enfin, le colloque organisé par Monsieur le Bâtonnier Stéphane GOTHOT et dont Monsieur le Bâtonnier Patrick HENRY fut le maître d’œuvre inspiré, « Les défendre, tous et partout », a fait naître en moi grâce à l’intervention de Maître Jean-Louis GILISSEN en particulier, le désir de créer et de mettre en œuvre avec la Faculté de droit de l’Université de Liège une formation à la procédure pénale internationale. C’est qu’en effet nous sommes à quelques encablures à peine de La Haye, temple de la justice pénale internationale, et il m’a paru essentiel d’offrir à nos étudiants et à tous ceux de nos confrères qui le souhaitent, la possibilité de recevoir une formation universitaire de qualité qui leur permette de conquérir, petit à petit, des fonctions et des rôles passionnants et essentiels aussi bien auprès de la Cour elle-même que de ceux de nos confrères qui y travaillent avec une équipe complète de jeunes et brillants juristes. Comment, en voisins, pouvons-nous encore en être trop souvent absents ? La Faculté de droit et son doyen, Maître Olivier CAPRASSE, dont je veux saluer ici l’engagement et l’ouverture, de même que les Professeurs MASSET, WAUTELET et FLORE, ont relevé le défi dont je dois dire que Maître Jean-Louis GILISSEN a été une fois encore le brillant avocat. Dès l’année prochaine, nous aurons l’occasion de nous former, si nous le souhaitons, aux subtilités d’une procédure qui nous est en tout radicalement étrangère, de même qu’à sa philosophie même, et ce n’est pas moins essentiel. [adrotate group="3"]Comment en effet approcher quelque juridiction que ce soit sans en connaître, d’abord, les règles de fonctionnement et de procédure ? Nous devons, chacun le sait, élargir le périmètre de notre profession. Nous devons aussi tout simplement exercer nos fonctions devant toutes les juridictions, qui sont le lieu premier et naturel de l’exercice de notre compétence.

*

*          *

Mes chers Confrères, rien de tout cela n’a été, ni ne sera possible sans l’intelligence et le concours bienveillant de chacun de vous. Je sais déjà que je peux compter sur votre présence à mes côtés, ici et là, à travers les travaux des commissions. J’aurai l’occasion de dire tout le bien que je pense de chacun de ceux qui animent les commissions plus tard, mais qu’ils soient d’ores et déjà remerciés pour le travail remarquable et l’engagement sans faille qui est le leur. Permettez-moi un mot de remerciement tout particulier à Maître Pierre CAVENAILE qui a accepté, et qu’aurais-je fait sans lui, d’assurer la présidence de la Commission des Finances et de succéder ainsi à Maître Pierre RAMQUET, et à Maître Marc LEVAUX qui a accepté de poursuivre ses activités de trésorier. Ils veilleront au grain dans l’intérêt de tous, et ce ne sera jamais tâche facile. Aux conseillers élus, sachez tout le plaisir que j’aurai de travailler avec vous au bénéfice de l’Ordre. Aux candidats qui n’auront malheureusement pas été élus aujourd’hui, qu’ils se souviennent que certains d’entre nous, qui ont fait une longue et brillante carrière au sein du Conseil de l’Ordre par la suite, n’ont pas été élus lorsqu’ils s’y étaient présentés pour la première fois. Qu’ils sachent aussi que les institutions et les commissions de l’Ordre leur sont ouvertes, et que je serai très heureux de les y rencontrer et de bénéficier du fruit de leur travail. Au personnel de l’Ordre, dont la qualité m’impressionne chaque jour, qu’il sache aussi tout le plaisir que j’aurai à côtoyer chacun au cours de l’année qui vient.

*

*          *

Avant de bientôt conclure, accordez-moi quelques instants au profit de ceux qui me sont proches, sans lesquels je ne serais pas là aujourd’hui et pour l’année qui vient. Je voudrais dire à Clarisse, Elisabeth et Caroline que je sais tout ce que je leur dois aujourd’hui, mais sans doute bien plus encore demain. Et finalement, sans doute mes collaboratrices les plus proches et si chères souffriront-elles moins puisque je ne serai guère là… A mes associés Pierre, Dany et Claude, Vincent, Pierre, Pierre encore (ce n’est plus un cabinet, c’est une cathédrale) et Jean-Luc, et encore à Laurence, Nicolas et Justine, à Marie-Christine, Christine, Nathalie, Ingrid, Martine, Grégory et France, je sais que je dois beaucoup à chacun et que chacun supportera sa part de mon absence et de mes attentes. J’aurai aussi une pensée particulière pour mon ami, Maître Pierre DEFOURNY, qui me manquera et il le sait. Un grand président de la Conférence libre du Jeune Barreau a accepté d’assumer la lourde tâche de secrétaire de l’Ordre. Maître Jonathan WILDEMEERSCH, mon cher Jonathan, je me réjouis déjà de nos débats à venir. Quant au Jeune Barreau et à ton successeur, Maître Bernard MAQUET, qu’il sache que je serai toujours à leurs côtés pour les soutenir ou les appuyer. Maître Bernard MAQUET sera un excellent président, qui apportera au Jeune Barreau son expérience du Conseil de l’Ordre, tant il faut de tout pour faire un bon barreau, y compris des gens suffisamment indépendants pour faire les choses à l’envers. Un mot enfin pour Marine, qui à coup sûr ne sait pas tout ce que je lui dois depuis vingt et un ans et qui est venue de Bordeaux pour être là aujourd’hui, pour Maxime qui m’oblige tous les jours à réapprendre que rien ne va de soi, et pour Laurence qui m’accompagne et me supporte dans cette grande aventure. Elle doit savoir, elle, la part essentielle qu’elle y prend.  

*

*          *

L’heure est venue de conclure. La justice, comme toutes nos institutions, est en crise ici et là. En Belgique, Jean-Claude MATGEN titrait le 5 janvier 2011 : « La justice, chantier béant » (La Libre Belgique, 5 janvier 2011). En France, Denis SALAS disait le 9 février 2011 au sujet de la justice : « On comprend la lassitude des professionnels, forcément fautifs puisqu’assignés à une mission imaginaire », propos qu’il développait notamment ainsi : « Deux récits se font face. L’un dans l’imaginaire, dans l’utopie de l’insécurité, en appelle à un monde sans risque et sans danger, à une tolérance zéro. L’autre, celui des métiers, est ancré dans la réalité. On comprend la lassitude des professionnels forcément fautifs puisqu’assignés à une mission imaginaire et donc impossible. Le récit politique est un discours de purification, une sorte de réplique instantanée à l’écho de la souffrance des victimes. C’est un rituel d’exorcisme. Les professionnels de la justice, celle que  Paul RICOEUR appelait une « médiation imparfaite », en sont les boucs émissaires. Ce sont aussi deux conceptions de la démocratie qui ne peuvent se rejoindre. L’identification aux victimes qui caractérise la présidence Sarkozy incarne une démocratie directe qui tourne le dos à une démocratie représentative ». N’ayons pas peur. Nous avons la force et les moyens de résister, d’inventer, d’écrire l’avenir. J’espère, chers Confrères, que vous aurez envie de m’accompagner sur cette route. Je vous remercie, chers amis, et vous convie dans la deuxième cour pour honorer la plus agréable de nos traditions.   Le Bâtonnier de l’Ordre, Eric LEMMENS