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Détenir un compte de paiement auprès d’une banque : un droit ?
Me Charline Nahon, avocate au Barreau de Liège-Huy
Être titulaire d’un compte de paiement bancaire est aujourd’hui indispensable afin d’effectuer des opérations de paiement quotidiennes. Afin d’éviter l’exclusion totale de certaines personnes du système bancaire de base, le législateur belge a imposé aux banques belges l’obligation d’offrir un « service bancaire de base » à tous les consommateurs et a fortement limité les cas dans lesquels celles-ci pouvaient refuser ce service minimum aux entreprises.
Depuis la loi du 8 novembre 2020, entrée en vigueur le 1er mai 2021, le Livre VII du Code de droit économique régit en effet le service bancaire de base.
Le Code de droit économique définit ce « service bancaire de base » comme un service de paiement proposé sur le territoire de l’Union européenne intégrant à tout le moins la possibilité de détenir un compte de paiement et d’y exécuter les opérations de paiement habituelles telles que le versement et le retrait d’espèces, l’exécution de paiements électroniques et de virements bancaires, ainsi que l’exécution de domiciliations et ordres permanents.
En ce qui concerne les particuliers
Toute personne considérée comme un consommateur, c’est-à-dire « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale » et qui réside légalement dans un Etat de l’Union européenne a droit au service bancaire de base, que tout établissement de crédit belge est obligé d’offrir.
Ce service bancaire de base n’est pas pour autant gratuit. Le coût forfaitaire annuel de ce service de base est limité par la loi.
Le législateur a cependant prévu des cas dans lesquels la banque était en droit de refuser l’ouverture d’un compte de paiement, moyennant une motivation écrite, à savoir :
- si l’accès au service bancaire de base entraîne une violation de la loi anti-blanchiment ;
- si le consommateur a déjà en Belgique un autre compte de paiement ou un compte dont le solde créditeur cumulé moyen annuel dépasse 6 000 euros.
La banque pourra également décider de résilier le service bancaire de base en cas de condamnations pénales spécifiques ou d’utilisation du compte de paiement à des fins illégales dans le chef du consommateur.
En ce qui concerne les entreprises
Le droit au service bancaire de base pour les entreprises est d’autant moins absolu.
Les établissements bancaires sont en effet en droit de refuser/résilier une demande d’ouverture de services de paiement, moyennant motifs écrits, dans les mêmes cas applicables aux consommateurs :
- si l’ouverture est contraire aux dispositions de la loi anti-blanchiment ;
- si l’entreprise possède en Belgique ou dans un autre Etat de l’UE, un compte de paiement ;
- si un membre de l’organe légal d’administration de l’entreprise ou une personne chargée de la direction effective a été condamné pour escroquerie, abus de confiance, banqueroute frauduleuse ou faux en écriture ;
- si le compte de paiement de l’entreprise a été utilisé à des fins illégales.
Afin de pouvoir prétendre au service bancaire de base, l’entreprise devra démontrer avoir essuyé un refus d’ouverture de compte de paiement auprès d’au moins trois établissements de crédit différents.
La demande du droit au service bancaire de base devra être accompagnée d’une déclaration sur l’honneur de l’entreprise en ce qu’elle ne possède pas encore de service bancaire de base ou de compte de paiement lui permettant de bénéficier des services de paiement, ni auprès d’un établissement de crédit de droit belge, ni auprès d’un établissement de crédit établi dans un autre État membre de l’Union européenne.
Si ces trois refus d’ouverture de services de paiement sont démontrés, la « Chambre du Service bancaire de base » du SPF Economie, créée par la loi précitée, sera chargée de désigner un établissement de crédit « par défaut », à la demande écrite de l’entreprise.
La Chambre du service bancaire de base sollicitera de la Cellule de traitement des informations financières (la « CTIF ») un avis confidentiel au sujet de l’entreprise, notamment en ce qui concerne le respect de ses obligations en matière de lutte contre le blanchiment.
En cas de réception d’un avis positif de la CTIF ou d’absence de réaction dans un délai de 60 jours calendrier, il reviendra à la Chambre de désigner l’établissement de crédit établi en Belgique qui sera tenu d’offrir le service bancaire de base à l’entreprise.
Enfin, le Code de droit économique instaure le droit à un recours extrajudiciaire contre un refus d’ouverture de compte ou une décision de résiliation du service bancaire de base. Le Service de médiation des services financiers visé à l’article VII.216 du Code peut être saisi et sa décision sera contraignante tant à l’égard de l’établissement de crédit qu’à l’égard de l’entreprise ou du consommateur concerné. Il s’agit cependant d’un travail de longue haleine…