Départ d’un travailleur : quand et comment fermer sa boîte ?

Général

Maître Sabine Cornélis, avocate au barreau de Liège-Huy

Dans une récente décision contentieuse[1], l’Autorité de Protection des Données (ci-après « APD ») a précisé ce qu’il devait advenir de l’adresse e-mail d’un travailleur lorsque celui-ci quitte l’entreprise. Un travailleur indépendant avait saisi l’APD d’une plainte après avoir constaté que son adresse e-mail professionnelle n’avait pas été désactivée plus de deux ans et demi après son départ de l’entreprise. En l’espèce, l’APD a infligé une amende de 15.000 EUR à l’entreprise.

Selon l’APD, lorsqu’un travailleur – qu’il soit indépendant ou salarié – dispose d’une adresse e-mail professionnelle composée de son nom et de son prénom ou uniquement de son prénom et qu’il quitte l’entreprise, l’employeur doit bloquer la messagerie électronique de celui-ci au plus tard le jour de son départ effectif. Avant de procéder à ce blocage, l’employeur doit en informer le travailleur et veiller à insérer un message automatique avertissant tout correspondant ultérieur du fait que le travailleur a quitté ses fonctions. Ce message peut également renseigner les coordonnées de la personne qui le remplace. Il doit être généré pendant une période de temps raisonnable, soit d’un à trois mois en fonction du contexte et, en particulier, du degré de responsabilité exercé par le travailleur concerné. Après cette période, la messagerie doit être supprimée.

L’adresse e-mail professionnelle au nom d’un ancien travailleur ne peut plus être utilisée après le départ de celui-ci. Cela implique notamment qu’un transfert automatique des courriels du travailleur à une autre adresse de courrier électronique de l’entreprise ne saurait a priori être admise. En effet, en cas de transfert automatique, il existe un risque que des informations d’ordre privé potentiellement sensibles soient divulguées à l’insu non seulement de l’ancien travailleur mais également de son correspondant.

Si tout ou partie du contenu de la messagerie doit être récupéré pour la bonne marche de l’organisation, l’employeur doit prendre des mesures appropriées avant le départ du travailleur et si possible en sa présence[2]. Le travailleur doit également disposer de la possibilité de faire le tri et de transférer ou de supprimer les éventuels messages privés que sa messagerie professionnelle pourrait contenir.

Pour éviter toute difficulté liée à l’utilisation et la clôture de la messagerie professionnelle d’un travailleur au moment du départ de celui-ci, l’employeur veillera à régler ces questions dans le règlement de travail, le contrat de travail ou une charte interne relative à l’utilisation des outils informatiques. L’employeur peut également privilégier les adresses génériques du type « secrétariat@.... » « comptabilité@... » accessibles, le cas échéant, à plusieurs travailleurs.


[1] Décision quant au fond 64/2020 du 29 septembre 2020.

[2] §14.5 de la Recommandation CM/Rec(2015)5 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe sur le traitement des données à caractère personnel dans le cadre de l’emploi.