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Davantage de justice fiscale en Wallonie ? Décret du 22 décembre 2021 «pour un impôt plus juste»
Me Laura De Sabato, avocate au Barreau de Liège-Huy
Le 22 décembre dernier, le législateur wallon adoptait, non sans difficulté, un décret « pour un impôt plus juste » (M.B. 12 janvier 2022). « Juste », en tous cas du point de vue du législateur, puisque ce nouveau décret alourdit considérablement la fiscalité successorale et crée, in fine, certaines disparités (injustes ?) entre Wallons, Flamands et Bruxellois. La présente brève a dès lors pour vocation d’introduire succinctement les trois modifications majeures qui ont été apportées en matière de fiscalité successorale et en matière de donations.
Trois modifications majeures pour les successions et donations
Tout d’abord, ce décret modifie l’article 7 du Code des droits de succession, en allongeant la « période suspecte » qui suit une donation mobilière non enregistrée à cinq ans, pour toutes les donations réalisées à partir du 1er janvier 2022.
Dès lors, bien que le choix de ne pas enregistrer une donation permette – de manière tout à fait légale – d’échapper aux droits de donation, si le donateur décède dans les cinq ans qui suivent la donation, cette dernière est de ce fait réincorporée fictivement dans la succession pour le calcul des droits de succession, qui atteignent jusqu’à 30% en ligne directe et jusqu’à 80% entre collatéraux au-delà du troisième degré.
Partant, pour éviter ce risque, il convient de faire enregistrer la donation moyennant le paiement de droits d’enregistrement qui s’élèvent actuellement à 3,3% pour les donations en ligne directe, ainsi qu’entre époux et cohabitants légaux, et à 5,5% pour les donations réalisées en faveur d’autres personnes.
Nous le voyons, le législateur wallon tente d’encourager, via l’allongement de la « période suspecte », l’enregistrement des donations, qui permet – même en cas de décès à bref délai – d’échapper aux droits de succession.
Donations mobilières
Deuxièmement, ce nouveau décret modifie le régime fiscal applicable aux donations mobilières à terme suspensif du décès du donateur, en insérant d’une part un article 131bis, §1, alinéa 2, 2° au Code des droits d’enregistrement et d’autre part un nouvel article 4, 4° au Code des droits de succession wallon.
Ainsi, depuis le 1er janvier 2022, les donations entre vifs de biens meubles avec un terme suspensif qui survient par suite du décès du donateur sont, à l’instar des donations faites sous condition suspensive qui se réalisent par suite du décès du donateur, assimilées à un legs et dès lors, entièrement soustraites aux droits fixes de donation pour être soumises aux droits de succession.
Depuis le 1er janvier 2022, il est donc impossible de contourner le paiement des droits de succession en effectuant une donation sous terme suspensif du décès du donateur.
Contrat d’assurance-vie
Troisièmement, ce nouveau décret réduit les possibilités d’échapper aux droits de succession via le mécanisme du contrat d’assurance-vie.
Le décret étend pour ce faire l’application de la stipulation pour autrui – assimilée à un legs – aux donations de contrats d’assurance-vie prévoyant une cession de droits post-mortem, en soumettant de telles donations aux droits de succession pour ce qui concerne la prestation d’assurance attribuée au décès. Toutefois, pour éviter une éventuelle double imposition dans l’hypothèse où des droits de donation auraient déjà été perçus sur cette donation, la base imposable aux droits de succession est diminuée du montant ayant servi de base imposable aux droits de donation.
De la même manière, ce décret assimile à un legs le rachat ultérieur d’un contrat d’assurance-vie par son titulaire ou l’exécution de la prestation d’assurance-vie au profit du bénéficiaire. Dans ces hypothèses, en vertu des nouveaux articles 37, 38 et 40 du Code des droits de succession introduits par le décret, il est prévu qu’une nouvelle déclaration de succession devra être déposée par la personne qui rachète le contrat d’assurance-vie ou par la personne qui reçoit le versement effectué en vertu de ce contrat, ce qui a pour objectif de permettre la juste perception des droits de succession.
Finalement, au regard notamment des disparités qu’il crée entre les contribuables, ce nouveau décret « pour un impôt plus juste » – qui s’inscrit dans une lignée de décrets wallons futurs visant à offrir aux contribuables wallons une fiscalité plus « juste » – n’a-t-il pas de juste que le nom ?