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Contester une décision administrative : comment introduire un recours au Conseil d’Etat
Maître Sara Habibi, avocate au barreau de Liège-Huy
Vous êtes confronté à une décision administrative dont vous souhaitez obtenir l’annulation. Cette décision peut être contestée devant le Conseil d’Etat, dans un délai de 60 jours.
Quelles sont les formalités à respecter pour introduire un tel recours ?
Le Conseil d’Etat est particulièrement rigoureux dans l’appréciation des formalités d’introduction du recours. Tout d’abord, il convient d’être extrêmement attentif au respect du délai : le recours doit être introduit dans les 60 jours suivant la notification de la décision attaquée. C’est la date de la réception de la décision qui fait courir le délai.
Ensuite, la requête, intitulée « requête en annulation », doit impérativement contenir :
- le nom et l’adresse de chaque partie requérante, ainsi que la mention du « domicile élu », c’est-à-dire de l’adresse à laquelle tous les documents de la procédure pourront être notifiés pendant la durée du recours ;
- l’identité et l’adresse de la partie adverse, c’est-à-dire de l’autorité administrative qui a adopté la décision contestée ;
- un exposé des éléments de fait qui justifient l’introduction du recours ;
- un exposé des moyens de droit invoqués à l’appui du recours, c’est-à-dire des règles de droit qui n’ont pas été respectées par l’autorité administrative lorsqu’elle a adopté la décision.
A cette requête en annulation doit être joint un dossier, comprenant toutes les pièces (numérotées) utiles à l’examen du recours, en ce compris une copie de la décision attaquée.
Il convient de veiller à énoncer tous les arguments de contestation dans la requête en annulation. Il ne sera pas possible par la suite d’ajouter des arguments qui n’auraient pas été soulevés dans la requête, sauf s’il s’agit de moyens d’ordre public.
Votre requête doit être adressée au Conseil d’Etat :
- soit par courrier recommandé, en un original ainsi que trois copies certifiées conformes + une par partie adverse, accompagnée d’une copie du dossier de pièces, rue de la Science, 33 à 1040 Bruxelles ;
- soit via la procédure électronique, sur le site https://eproadmin.raadvst-consetat.be/ sur lequel vous pouvez vous connecter au moyen de votre carte d’identité électronique.
Dans quel délai pouvez-vous espérer obtenir une décision du Conseil d’Etat ?
Le Conseil d’Etat se prononce dans un délai d’un à deux ans à partir de l’introduction du recours. Lorsqu’il annule une décision, celle-ci disparait de l’ordonnancement juridique. En d’autres termes, elle ne peut plus en aucun cas être exécutée.
En cas d’urgence, il est toutefois possible d’accompagner le recours d’une demande de suspension, voire d’une demande de suspension d’extrême urgence, qui permettent d’obtenir une décision plus rapidement. Le Conseil d’Etat apprécie toutefois de manière stricte le caractère urgent de la situation.
Quel est le coût de la procédure ?
Dans les 30 jours de l’introduction de la requête, le greffe invite la partie requérante à verser une somme de 220,00 €.
Si le Conseil d’Etat vous donne gain de cause, la partie adverse sera condamnée à prendre en charge ces frais. Si vous êtes assisté d’un avocat, une indemnité de procédure entre 140,00 € et 1.400,00 € destinée à couvrir ses frais honoraires vous sera généralement octroyée.
A l’inverse, si le Conseil d’Etat rejette votre recours, vous pourriez vous-même être condamné à verser à chaque partie adverse une indemnité de procédure.
Vous l’aurez compris : introduire un recours au Conseil d’Etat nécessite une bonne connaissance de la procédure et de la législation applicables. Le Conseil d’Etat n’annulera la décision litigieuse que si vous faites valoir des arguments d’ordre juridique qu’il estime fondés. De plus, passé le délai de soixante jours, si votre recours n’a pas été introduit dans les formes requises, il ne vous sera plus possible de contester ladite décision.
Il est donc toujours préférable de vous faire conseiller par un avocat spécialisé en droit administratif, afin de vous prémunir contre de mauvaises surprises.