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Comprendre le nouveau règlement sur les services numériques en sept points
Me Florian Ernotte, avocat du barreau de Liège-Huy
Internet et les réseaux sociaux ne sont pas des zones de non-droit. La législation actuelle est morcelée et l’Europe a réagi avec l'introduction du Règlement sur les Services Numériques (RSN ci-après). Ce règlement vient moderniser une directive européenne de 2000 et vise à créer un environnement numérique sûr et transparent. Une grande partie des dispositions entreront en vigueur en février 2024. Dans cet article, nous détaillons les sept points essentiels de cette nouvelle réglementation.
1 Objectifs clés
Nous pouvons résumer les objectifs clés du RSN comme suit :
1) Améliorer la sécurité des utilisateurs européens et la protection de leurs droits fondamentaux.
2) Favoriser la croissance des petites entreprises au sein de l’UE.
3) Accroître la surveillance démocratique des plateformes d’envergure et minimiser leurs risques systémiques.
2 Champ d’application
Le RSN s’applique aux fournisseurs de services numériques (FSN ci-après) ; y compris ceux qui sont basés hors de l'UE mais offrant leurs services aux utilisateurs européens. Ce règlement s’applique aux services qui jouent un rôle d'intermédiaire en transmettant, hébergeant ou indexant des contenus générés par les utilisateurs ou fournis par d'autres entreprises. Sont notamment visées les plateformes qui hébergent et rendent accessible du contenu et les moteurs de recherche.
3 Responsabilité renforcée des fournisseurs
Les fournisseurs de services numériques (FSN ci-après) sont tenus à une responsabilité accrue. Les RSN rappellent que les FSN n’ont pas d’obligation générale de surveillance, mais doivent adopter des mécanismes pour gérer les contenus illicites et permettre aux utilisateurs de notifier de tels contenus. Une importance est donnée à la transparence dans la modération des contenus. Des recours clairs sont également exigés pour les utilisateurs dont le contenu a été modéré ou supprimé.
4 Protection accentuée des consommateurs
Le RSN met l'accent sur la protection des consommateurs. Les utilisateurs bénéficieront d'une transparence accrue sur les conditions d'utilisation, les politiques de modération du contenu et les pratiques publicitaires. A noter que le règlement précise, à plusieurs reprises, que les règles et conditions d’utilisation des FSN doivent être rédigées « en langage clair, simple, intelligible, aisément abordable et dépourvu d’ambiguïté, et sont mis à la disposition du public dans un format facilement accessible et lisible par une machine. »
5 Transparence et surveillance approfondie
La transparence est un pilier du RSN. Les fournisseurs doivent publier des rapports détaillés sur leurs activités, y compris la gestion des contenus illicites. Les autorités de l'UE et nationales auront un œil attentif, assurant la conformité et la responsabilité à travers des audits réguliers. Les FSN devront notamment assurer la transparence quant aux algorithmes utilisés ou la publicité en ligne. Les FSN devront procéder à une identification claire de la publicité et de la personne pour le compte de laquelle la publicité est opérée.
6 Gestion efficace des contenus illicites
Le RSN instaure des mécanismes de notification et d'action rapides pour traiter les contenus illicites. Les fournisseurs doivent réagir promptement, garantissant un espace numérique sûr et respectueux pour tous les utilisateurs. Le RSN met également en place des injonctions d’agir contre des contenus illicites et impose que lorsqu’un contenu est supprimé, un exposé clair des motifs de cette suppression doit alors être adressé à l’auteur du contenu. Pour renforcer la lutte contre le contenu illicite, les FSN devront coopérer avec des "signaleurs de confiance". Ce statut est attribué dans chaque pays à des entités ou organisations en raison de leur expertise et de leurs compétences.
7 Sanctions
La non-conformité au RSN a des conséquences importantes. Les sanctions, y compris les amendes, sont structurées pour être dissuasives, garantissant ainsi que les règles soient prises au sérieux et que les fournisseurs de services opèrent dans les limites établies. La limite est de 6 % du revenu ou du chiffre d’affaires annuel de la société (plafond abaissé à 1 % en cas d’informations incorrectes ou de refus d’enquête sur place). Les astreintes sont limitées à 5 % du chiffre d’affaires quotidien. Pour les très grandes plateformes, la Commission peut contrôler elle-même le respect de la législation. Les entreprises qui ne respecteraient pas les règles de manière répétée pourront être interdites.
Le RSN marque une étape importante pour un espace numérique plus sûr, transparent et responsable en Europe. Les fournisseurs de services, les autorités et les utilisateurs ont tous un rôle à jouer pour faire de ce cadre réglementaire un succès, garantissant que l'Europe reste à la pointe de l'ère numérique, caractérisée par l'intégrité, l'innovation et la sécurité. Nous devons néanmoins regretter une certaine forme d’abandon des Etats dans la modération des contenus. Le RSN déplace, encore un peu plus, la responsabilité de la modération des contenus vers des acteurs privées, alors que la liberté d’expression ne peut connaître d’ingérence que dans certains cas bien définis par la loi et contrôlés par le Juge. Espérons que la pluralité des opinions et la liberté d’expression ne seront pas réduites par le RSN.