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Comment mettre fin à une société ? (partie 1)
Me François Frederick, avocat au barreau de Verviers et de Liège-Huy
Si vous êtes actionnaire (ou administrateur) d’une société, vous vous poserez peut-être la question de savoir comment mettre un terme à celle-ci. De même, un tiers qui a un intérêt (par exemple un créancier) pourrait souhaiter la fin d’une société. Les motifs peuvent donc être variés : la société n’a plus d’activité, les actionnaires souhaitent une distribution des actifs, la société est financièrement en difficulté, les associés se disputent entre eux, …
Il y a trois façons de terminer une société :
- la dissolution volontaire de la société (A);
- la dissolution judiciaire de la société (B);
- la faillite de la société (C).
Remarque 1 : il existe en réalité une quatrième façon, à savoir la dissolution de plein droit qui survient quand la société a une durée limitée dans le temps ou lors de la réalisation d’une condition résolutoire convenue.
Remarque 2 : un actionnaire peut aussi céder ses actions mais, à ce moment-là, la société est maintenue. Il s’agit d’une toute autre chose.
La première partie du présent article portera sur la dissolution volontaire. La deuxième partie (dissolution judicaire et faillite) sera publiée lors du prochain numéro.
La dissolution volontaire (Article 2:71 du Code des sociétés et associations dit « CSA »)
1. Les actionnaires peuvent décider de dissoudre la société volontairement. Il faudra donc qu’une Assemblée Générale soit réunie en vue de voter sur la proposition de dissolution.
Cette proposition émanera du Conseil d’administration (lui-même peut être invité à le faire par les actionnaires de la société).
Les sociétés sont, après leur dissolution, réputées exister pour leur liquidation jusqu’à la clôture de celles-ci. Cela veut dire que les actifs vont être liquidés en vue du paiement des créanciers et, le cas échéant, des actionnaires.
On distinguera selon que la liquidation sera bénéficiaire - et permettra de désintéresser tous les créanciers de la société - ou déficitaire, c’est-à-dire qu’elle ne permettra pas un désintéressement de tous les créanciers.
2. Pour mettre une société en dissolution, il faut que le Conseil d’Administration inscrive le point à l’ordre du jour et justifie sa proposition dans un rapport auquel sera joint un état comptable de la société résumant la situation active et passive à une date ne remontant pas à plus de 3 mois (avant l’Assemblée Générale appelée à se prononcer sur la proposition de dissolution).
Un réviseur d’entreprise ou un expert-comptable externe désigné par l’organe d’administration fera un contrôle de cet état et établira un rapport en indiquant si celui-ci donne une image fidèle de la situation de la société.
Les actionnaires de la société se réuniront alors chez un notaire pour une Assemblée Générale en vue de décider de la dissolution. A noter que ce passage chez le notaire n’est pas obligatoire pour les sociétés qui ont pu être constituées sans acte notarié.
3. L’Assemblée Générale devra désigner un liquidateur s’il résulte de l’état résumant la situation active et passive que des dettes existent.
La nomination du liquidateur sera soumise au Tribunal de l’Entreprise. Le Tribunal vérifiera si le liquidateur proposé est apte à assumer ses fonctions. Le Tribunal vérifiera notamment si la personne n’a pas été déclarée en faillite ou si elle n’a pas encouru une peine d’emprisonnement pour certains types d’infractions.
Cette confirmation ne sera toutefois pas requise s’il résulte de l’état résumant la situation active et passive que la liquidation sera bénéficiaire (c’est-à-dire que tous les créanciers seront payés) ou que la société n’a de dettes qu’à l’égard de ses actionnaires et que tous les actionnaires confirment, par écrit, leur accord concernant la nomination.
4. Il est possible d’éviter l’intervention d’un liquidateur en cas de dissolution et de clôture de la liquidation en un seul acte (article 2:80 CSA). Pour ce faire, il faut que toutes les dettes à l’égard des associés ou actionnaires ou de tiers mentionnées dans l’état résumant la situation active et passive aient été remboursées ou que les sommes nécessaires à leur acquittement aient été consignées. Le réviseur ou l’expert-comptable désigné devra confirmer ce paiement ou cette consignation dans les conclusions de son rapport.
Ce remboursement ou cette consignation ne sera toutefois pas requis pour ce qui concerne les dettes à l’égard d’actionnaires, d’associés ou de tiers dont la créance figure dans l’état résumant la situation active et passive et qui ont confirmé, par écrit, leur accord sur l’application de cet article.
Cela suppose donc que des créanciers ne soient pas laissés sur le carreau.
En conclusion, dans l’hypothèse où une dissolution intervient et qu’il y a des créanciers, il y aura généralement désignation d’un liquidateur, lequel procèdera à la valorisation des actifs et proposera, à la fin de sa mission, une répartition aux créanciers en fonction des privilèges de ceux-ci. Et si des actifs subsistent après désintéressement des créanciers, ils pourraient être répartis entre les actionnaires (via une attribution en nature si cela s’avère possible). Il est important de savoir qu’un créancier qui n’a pas confiance dans le processus de liquidation pourra citer la société (en liquidation) en faillite. Le Tribunal examinera alors s’il existe une transparence à l’égard des créanciers et si leur confiance n’est pas factice, si la dissolution/liquidation n’a pas été entamée au préjudice de leur droit et si l’activité du liquidateur est correctement accomplie.