Allocution prononcée par Monsieur le Bâtonnier Eric Lemmens à l'occasion de l'assemblée générale de l'Ordre le 21 juin 2012

Discours
 width=Madame et Messieurs les Bâtonniers, Mes chers confrères, Permettez-moi, avant tout, de vous remercier et de vous remercier doublement : pour le soutien que chacun d’entre vous m’a apporté tout au long de cette année, d’abord ; pour la confiance dont vous me témoignez à nouveau aujourd’hui, ensuite. La tâche du bâtonnier peut être ardue, elle peut être quelquefois aride, mais grâce à vous, elle reste, d’abord, un engagement irremplaçable au profit de tous et avant tout de l’idée que le bâtonnier se fait de la justice, du barreau, et de la société au cœur de laquelle il entend que chacun puisse vivre. De nouveaux conseillers nous rejoignent aujourd’hui. Qu’ils soient déjà remerciés de leur engagement. Les nouveaux venus découvriront un lieu de réflexion et d’échange qui peut être passionnant, les plus anciens - les récidivistes - nous reviennent avec la même ardeur et une expérience plus éprouvée encore, et c’est tant mieux.  Et que chacun s’en souvienne : le conseil de l’Ordre est une auberge espagnole où chacun apportera ce qui en fera le sel et quelquefois la dialectique la plus rude. D’autres, c’est la noblesse de la candidature et la dure loi du suffrage, n’ont pas été élus.  Qu’ils soient tout autant remerciés de leur engagement au profit de l’Ordre et du risque, pesé et réfléchi, qu’ils ont pris en se présentant à vous. Le conseil leur reste ouvert à l’avenir, tout comme chacune des commissions de l’Ordre où ils pourront concrétiser, s’ils le veulent bien, leur souhait de travailler au profit de la collectivité dès la prochaine rentrée judiciaire.

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Mes très chers confrères, C’est un bâtonnier heureux qui s’exprime devant vous aujourd’hui, et ce n’est en rien une figure de style. Un bâtonnier heureux d’avoir pu compter sur un conseil de l’Ordre qui n’avait rien d’une chambre d’entérinement, mais qui au contraire et tout au long de l’année a nourri de manière parfois rude, mais toujours riche, tous les débats que nous avons eu à mener. Je ne parlerai bien sûr que de ceux dont le mandat se termine bientôt, les autres attendront encore une année avant de s’entendre honorer. Monsieur le bâtonnier Luc Maréchal est un seigneur, à lui l’honneur donc. Il a exercé, avec autant de discrétion que d’efficacité, cette fonction d’ancien bâtonnier dont je soupçonne qu’elle est à la fois intéressante, mais aussi sans doute à bien des moments quelque peu frustrante. Je ne dirai pas, parce que vous le savez, que j’ai à chaque moment pu compter sur son aide et ses conseils avisés : ce serait trop simple ! Je vous dirai plutôt ceci : si le qualificatif n’était pas un peu bling bling, ce que Luc n’est pas, je dirais que le bâtonnier Luc Maréchal est la Rolls Royce des anciens bâtonniers en habit de belle-mère ! Car ses avis et ses conseils, quel luxe, sont certes fondés sur son ancienne expérience de bâtonnier, mais plus encore – et c’est bien là une ressource exceptionnelle – sur sa connaissance unique et irremplaçable de tous les barreaux et de tous les débats qui se sont tenus au sein de l’OBFG ces dernières années. Monsieur le bâtonnier Maréchal, mon cher Luc, à toi qui a bien voulu siéger à mes côtés tout au long de cette année, avec talent et bienveillance, avec la loyauté et le franc-parler que nous te connaissons tous, je veux non seulement te dire toute ma reconnaissance, mais aussi te dire que dès le 1er septembre prochain, je serai, mon cher Luc, ma chère Brigitte, votre obligé. Mais je vous connais assez pour savoir que vous n’en abuserez pas.   Maître Didier Grignard a prêté serment un an avant moi, c’est dire s’il fait partie des anciens du conseil ! Maître Grignard a trois qualités au moins, que j’apprécie tout particulièrement. Ce qui retient l’attention en premier chez lui, c’est sa profonde humanité qui le rend à chaque instant attentif aux autres, une attention active et toujours aussi humaine que confraternelle. Par ailleurs, Maître Grignard est économe de mots.  Il est rarement le premier à parler, et quand il s’exprime, c’est qu’il a réfléchi, et que sa conscience a été heurtée ou simplement mise en éveil par tel débat ou telle situation. La troisième de ses qualités, c’est une manière d’écoute, d’ouverture et de délicatesse qui peuvent le mener à un avis différent de celui exprimé initialement. Maître Grignard a ce trait qui lui permet tout à la fois de défendre ses idées avec force, mais aussi de remettre en question un point de vue soumis à la contradiction. Je n’en dirai pas plus, hormis ces trois aspects si attachants de sa personnalité, à peine de le troubler. Qu’il sache néanmoins toute l’estime que je lui porte mais aussi que ces deux années à ses côtés, et ses réflexions muries et avisées, auront été pour moi et pour chacun un réel bonheur.   Maître Marie-Hélène Leroy, ma très chère Marie : nos chemins se sont croisés bien souvent tout au long de ce quart de siècle commun dans notre beau barreau, et je ne pourrai jamais dire – et moins encore publiquement – toute l’amitié que j’ai pour toi, et tous ces souvenirs que même le non-dit façonne et auxquels je tiens tant. Tes convictions puissantes, exprimées avec force, constance et gentillesse, ton engagement de chaque instant au profit des femmes, des jeunes, mais aussi des plus faibles et des plus démunis dans notre société, ta défense de l’aide juridique, mais aussi, et ô combien, de la médiation, ton attention constante aux plus jeunes et aux plus isolés d’entre nous, et malheureusement il y en a, ont fait de toi une voix unique, pertinente et attachante au conseil. Tu n’as pas besoin de nous pour poursuivre ta route sur la voie de la médiation, en particulier, mais aussi de la solidarité. Je sais que chacun peut encore compter sur toi demain, et je m’en réjouis. Je dis à l’avocat : bon vent, à l’amie : tu vas me manquer, et aux deux : on se reverra ! Et j’ajoute, en notre nom à tous : merci.   Maître Jean-Paul Reynders, qui ne s’en souvient, est le meilleur d’entre nous ! Top ten, pole position, ni pénalité ni passage par la pit-lane ! J’aime taquiner Maître Reynders précisément parce que tout cela est vrai ! Au sein du conseil comme à la barre, c’est un sans-faute. Car si Maître Reynders ne se départit jamais d’un certain flegme, ses opinions n’en sont pas moins exprimées avec force, au terme d’une réflexion que l’on devine mature et sereine.  Je me demande, mon cher Jean-Paul, si tu ne devrais pas faire de la politique… Maître Reynders, c’est évidemment et avant tout la réflexion du pénaliste. Mais aussi l’esprit de synthèse en toute occasion et l’attention permanente aux choses de l’Ordre, mais aussi en particulier à l’intérêt général. En voilà un qui, s’il le veut, et j’espère qu’il le veut, reviendra bientôt ici, car il a encore beaucoup à apporter à la collectivité. Qu’il soit remercié pour le travail déjà accompli.   Maître Xavier Baus, et c’est un connaisseur qui vous le dit, c’est une base, un pilier inébranlable, solide et fidèle. Fidèle à ses convictions d’abord. Tant en droit de la famille que dans les relations entre le barreau et le notariat, ses avis sont toujours éclairés par une longue pratique et un grand professionnalisme, mais aussi sont-ils toujours – c’est une seconde nature chez lui – critiques et explicites. Maître Xavier Baus n’hésite jamais à exprimer avec force ses accords, et ses désaccords, aussi bien dans le débat que lors des votes. Il a des convictions chevillées au corps, et il sait les défendre, le plus souvent avec calme, mais toujours avec fermeté. Maître Baus c’est aussi une attention portée aux « familialistes », et à ceux qui, parmi nous, travaillent dans des structures plus individuelles. Cela lui va bien, car n’est-il pas lui-même un individualiste, indépendant et libre comme savent l’être ces êtres étranges que sont les avocats, mais aussi pour les mêmes raisons qui l’ont fait avocat, un homme généreux et chaleureux. Enfin, qui ne l’a déjà relevé : c’est Pantagruel, la bonne chère, le bon vin, le plaisir de la vie qu’il partage et cultive avec autant de talent qu’il partage avec nous ses convictions et ses indignations. Merci, mon cher Xavier, de ton travail et de ton amitié complice avec le conseil et surtout : ne change rien.   Maître Olivier Evrard est un homme de qualités. De qualités et non d’une qualité ! Comme un nombre significatif de membres du conseil de l’Ordre cette année, Maître Olivier Evrard fut président de la Conférence libre du jeune barreau. C’est dire si son engagement au profit du bien commun est ancien et apprécié, c’est dire aussi s’il connaît les avocats de notre barreau, mais aussi ses structures et ses règles. Maître Olivier Evrard, à l’instar de Maître Grignard, a aussi cette qualité de parler peu, mais de parler bien. Je ne vois que deux explications possibles à ce trait commun : soit c’est un art consommé qui unit la fin de leur patronyme, soit c’est leur culture juridique commune de commercialiste qui veut que dans ce métier-là, messieurs, on ne cause pas : on travaille. Voilà encore un homme de conscience et de confiance. Un avocat et un conseiller très attaché à la liberté de l’avocat, mais aussi à l’avenir de notre profession et à ses aspects entrepreneuriaux et concurrentiels. D’un calme olympien, il vient toujours me rappeler que les débats et les questions sont rarement binaires et qu’ils méritent nuance. Mais il est aussi, je vous le dis, capable de colère et d’indignation à l’égard de ceux qui auraient porté atteinte à l’image ou à l’intérêt de l’avocat et du barreau. Le conseil a eu bien de la chance de le compter parmi les siens durant ces deux années.   Maître Julie Coste, je le dis sans ambages, est l’une de celles qui font l’orgueil du barreau, et qui font honneur au barreau. D’abord, Maître Coste, vous avez accepté d’assumer au sein du conseil la fonction de secrétaire adjoint, et vous avez exercé celle-ci sans coup férir à chaque fois que notre excellent secrétaire a eu besoin de vous. Vous avez accepté la tâche ô combien essentielle mais aussi ingrate et chronophage, de préparer pour chaque conseil de l’Ordre les avis en matière d’honoraires. Cette tâche, vous l’avez assumée tout au long de l’année avec régularité, précision, et de bonne grâce, même lorsque, quelquefois, elle se faisait un peu répétitive et difficile… Vous avez, avec la gentillesse mais aussi la fermeté qui vous caractérise, défendu au nom de principes sur lesquels vous ne transigez en aucune occasion, les plus jeunes, les plus faibles, les plus démunis, les actions collectives comme les sauvetages individuels, avec une constance, une fidélité et une élégance que chacun ici, j’en suis sûr, s’accorde à vous reconnaître. Et cette élégance dans l’action, comme cette élégance de conviction, font de vous, je le dis à dessein, l’une des consciences de notre Ordre. J’espère avoir demain, et encore bien des fois à l’avenir, l’occasion de soutenir vos actions, et d’écouter avec la plus grande attention vos indignations. Maître Coste, ma chère Julie, je vous dis au revoir et j’attends ce revoir de pied ferme.   Maître Pascal Rodeyns n’a pas été réélu ce midi. Mon cher Pascal, je sais combien c’est douloureusement difficile.  Je sais que ta motivation était grande, et que tu aurais vraiment voulu entrer au conseil de l’Ordre par une élection directe et claire. Tu y reviendras sans doute ! Ce n’est pas à toi que j’apprendrai la dure loi du scrutin et de l’échec, tous les pénalistes la connaissent bien, mais tu la connais mieux que quiconque, toi qui es candidat à Liège aux prochaines élections communales. Je te souhaite une longue vie professionnelle, aussi féconde demain que hier, et je te souhaite plus encore le succès électoral que ta campagne entamée mérite. Ce succès-là, qui représentera aussi un engagement au profit de la collectivité, sera le baume qui te fera bien vite oublier ce jour.   Maître Jonathan Wildemeersch enfin, monsieur le secrétaire de l’Ordre, celui qui a bien voulu sur mon instance m’accompagner un an, celui sans qui l’Ordre n’est rien, celui à qui j’ai dit, il y a une année, que je préférais l’avoir à mes côtés un an, plutôt que jamais. Maître Wildemeersch vous avez été un secrétaire remarquable, bien sûr. Non tant parce que vous avez tout au long de l’année ciselé des PV synthétiques et fidèles de débats quelquefois complexes, non tant parce que vous avez été aux côtés du bâtonnier avant chaque conseil pour passer avec lui en revue l’état de l’Ordre, non tant parce que chaque fin de semaine vous proposiez un ordre du jour pour la séance suivante. Tout cela, en effet, n’est rien de plus que l’arrière-cuisine. Vous fûtes, monsieur le secrétaire, le brillant adjoint que j’attendais, et sur la qualité duquel je n’avais pas l’ombre d’un doute. Astreint par fonction, mais non par nature, à faire montre d’une relative réserve, vous n’y avez jamais manqué, tout en réussissant le tour de force d’exprimer à chaque occasion avec talent et conviction votre opinion, voire votre différence. N’avez-vous pas même osé, ici ou là, main de velours dans un gant de velours, remettre le bâtonnier sur les rails lorsqu’il se prenait à emprunter quelque chemin de traverse ? Vous êtes aussi, Monsieur le secrétaire, un homme de science.  Et votre science du droit, en particulier européen, nous a été bien utile lors de certains débats sur l’avocature et sa déontologie. Monsieur l’Avocat général à la Cour de Justice de l’Union européenne a bien de la chance, et le barreau bien de la peine, mais je gage que nous nous consolerons car je sais que votre expérience et votre parfaite connaissance de notre métier et de ses enjeux dans une Union démocratique feront de vous la vigie bienveillante à l’argumentation solide dont nous avons grand besoin à Luxembourg. Je gage que dans quelques jours le conseil de l’Ordre actera votre prochain départ, et vous accordera un honorariat qui, plus qu’à vous-même, fera honneur au barreau de Liège : les services que vous lui avez rendus sont d’importance et je veux croire que demain, ou après-demain, vous nous reviendrez. Mon très cher Jonathan, au nom de l’Ordre, je te remercie, en mon nom personnel je t’exprime ma gratitude et mon amitié, et je te souhaite le même vent, léger et puissant, que celui qui t’a porté au barreau.

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Mes très chers confrères, L’année prochaine, peut-être sera-t-il temps de parler du passé et de ce que les conseils de l’Ordre et moi-même auront réalisé ou manqué au cours de ces deux années. L’année prochaine, peut-être. Aujourd’hui, c’est de l’avenir que j’aimerais vous entretenir. C’est que des questions importantes se posent au barreau, et ces questions ont, de près ou de loin, partie liée à la continuité de l’Etat, au respect de ses engagements, et à la confiance que le citoyen devrait pouvoir placer dans la parole d’un ministre ou d’un gouvernement. La grève, voilà un mot qui nous fait mal. La grève de l’aide juridique, voilà un mot qui nous fait deux fois mal. Et pourtant… Pourtant, ainsi que les débats tenus lors de notre assemblée générale extraordinaire l’ont montré, et ainsi que les bâtonniers réunis en assemblée générale extraordinaire de l’OBFG par deux fois l’ont considéré, la deuxième fois à l’unanimité : nous n’avons pas eu le choix ! Confrontés à un gouvernement totalement absent, et à une ministre de la justice qui exprime publiquement, dans la presse et au parlement, qu’elle ne s’estime pas tenue par les engagements de ses prédécesseurs, nous n’avons pas eu le choix. Face aux difficultés de nombre de nos confrères confrontés à une baisse de plus de 10% de la rémunération – par ailleurs indigne – de l’aide juridique, nous n’avons pas eu le choix. Face à l’absence de paiement du moindre centime d’euros pour les prestations accomplies dans le cadre de la jurisprudence Salduz, du 1er janvier 2011 au 9 mars 2012, nous n’avons pas eu le choix. Face à la volonté de la ministre de la justice flamande d’affaiblir la justice, de l’appauvrir sans limite avant de la régionaliser, nous n’avons pas eu le choix.   Mes chers confrères, Madame et Messieurs les bâtonniers, Nous n’avons pas eu le choix et nous avons pris nos responsabilités. Et je crains que nous soyons contraints de les prendre encore, mais d’autre manière bien sûr, lors de la réforme du paysage judiciaire qui s’annonce et dont certains aspects méritent toute notre attention, j’y reviendrai. Le combat mené pour l’aide juridique a deux aspects. Nous devons, demain, et les travaux ont commencé au sein d’un groupe de travail qui se réunit au cabinet de la ministre et dont j’ai veillé à ce qu’il comprenne d‘éminents représentants de notre barreau, nous devons demain écrire une aide juridique radicalement nouvelle, qui prenne en compte sur un plateau de la balance le droit au droit et sur l’autre la nécessaire dignité du barreau. Cette nouvelle aide juridique passera par la table rase que nous aurons faite du passé, car le temps du prodéo, du probono même pour certains, est révolu : 25 % de la population de notre pays a accès à l’aide juridique, voilà, d’une part, qui crée un besoin structurel, et qui, d’autre part, réduit d’autant la clientèle rémunératrice potentielle de nos cabinets. Ne nous y trompons pas : la question de l’aide juridique nous concerne tous, et non seulement une part d’entre nous que l’on voudrait classer, catégoriser, voire diviser. Nous nous devons, dès aujourd’hui, de veiller à faire respecter par tous les moyens possibles, y compris l’action judiciaire bien entendu, la parole du ministre De Clerck, la valeur du point ne peut descendre sous 26,91 euros.  A 24,03 euros, nous en sommes loin, et seule la course au nombre de dossiers au risque de la qualité du travail, permet à certains de couvrir des frais qui, eux, ne diminuent pas.  Et ne nous y trompons pas, une fois encore : l’enjeu est avant tout d’assurer à chacun une défense de qualité, qu’il soit riche, pauvre, ou issu de la classe moyenne dont nous savons qu’elle-même aujourd’hui peine à assurer la charge d’un procès. C’est, pour la Belgique, une obligation constitutionnelle et une obligation internationale. C’est, pour le barreau, une obligation morale. Les justiciables à qui nous expliquons le sens de notre action nous comprennent. La presse elle-même nous comprend. J’aimerais que chacun, ici, comprenne aussi pourquoi le bâtonnier, le conseil de l’Ordre, l’OBFG, estiment avoir un devoir moral, tant à l’égard des citoyens qu’à l’égard du BAJ qui se bat et se dépense sans compter.

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L’année qui vient sera aussi celle de la réforme du paysage judiciaire. C’est finalement l’option de 12 arrondissements, qui correspondront pour l’essentiel aux limites des provinces, qui a été retenue par le gouvernement. La ministre de la justice y travaille, elle a déjà établi de nombreux avant-projets successifs et les barreaux n’y sont guères associés. Pour ce qui concerne l’arrondissement de Liège, il devrait grandir et englober les arrondissements actuels de Huy et de Verviers, mais non celui d’Eupen qui correspond par ailleurs à une communauté, et qui restera dès lors autonome. Ce projet important est incontestablement pour les barreaux une occasion à saisir, mais il présente aussi des risques auxquels nous devons rester très attentifs. J’y vois une occasion à saisir pour la justice elle-même, tout d’abord. En effet, par l’élargissement des arrondissements, l’Etat s’autorise un plus grand nombre de magistrats par arrondissement, leur mobilité et leur spécialisation. N’est-ce pas à cette condition qu’une justice de qualité pourra être rendue dans des délais raisonnables par des magistrats auxquels aura été offerte la possibilité de se spécialiser dans des matières parfois complexes tels les droits intellectuels par exemple ? Car quelle que soit la qualité des magistrats, laquelle est bien entendu totalement indépendante de la taille de l’arrondissement, il ne peut y avoir aujourd’hui dans un arrondissement de taille réduite, ni place pour un tel magistrat spécialisé ni contentieux qui le nourrirait et justifierait sa spécialisation mais aussi sa formation continuée. J’y vois bien plus encore pour les barreaux une occasion à saisir. C’est que les barreaux ont intérêt à disposer d’une taille critique suffisante qui leur permette à la fois de disposer des ressources nécessaires au fonctionnement idéal des Ordres dans l’intérêt commun, mais aussi de faire choix d’un bâtonnier qui, durant son mandat, puisse consacrer à l’Ordre, à l’OBFG et à chaque avocat de son barreau, tout le temps, toute l’expérience et toute l’énergie que cette fonction requiert.   Vous connaissez mon attachement au barreau citoyen. L’avocat s’inscrit dans un tissu économique et social de relative proximité avec les citoyens et les autorités de son arrondissement. Cette relation doit être entretenue et sera renforcée par le professionnalisme et l’investissement total dont je viens de parler. Avec des barreaux de bonne échelle, la voix des avocats dans le concert politique sera plus forte, plus audible, plus structurée.  Pour reprendre une expression qui m’est chère et qui fait sourire d’aucun : n’ayons pas peur. N’ayons pas peur, ni nous, ni les avocats des plus petits barreaux qui conserveront leur spécificité et leur ancrage local même si le barreau auquel ils appartiennent aujourd’hui s’élargit, et qui bénéficieront eux aussi à leur tour d’une structure des Ordres professionnelle et forte qui sera chaque jour à leur service et au service de leurs intérêts collectifs et citoyens. A qualité égale, et elle est égale bien entendu, ils conserveront leurs clients qui n’auront pas le moindre intérêt ni la moindre envie de se déplacer vers la plus grande cité pour assurer la défense de leurs intérêts. Sans quoi, ils le feraient déjà aujourd’hui, car ce n’est pas la structure du barreau qui fait la clientèle de l’avocat, c’est sa qualité. Faut-il rappeler des exemples fameux d’avocats de renom dont le cabinet est établi hors de toute ville, petite ou grande ? Les barreaux doivent saisir la chance que leur offre cette réforme des arrondissements judiciaires car pour l’heure le gouvernement nous en laisse la liberté. Je sais, je veux croire que nous serons à la hauteur de cette liberté qui, si elle tient sans doute plus du désintérêt que de la bienveillance, n’en est pas moins une liberté réelle. Nous verrons ensuite s’il y a lieu de réformer la structure de l’OBFG, son fonctionnement et la composition de son assemblée générale.  La question reste ouverte, et je ne considère pas – à titre personnel et pour l’heure – que l’exemple de l’OVB soit l’exemple à suivre, mais la messe n’est pas dite, et ma religion n’est pas faite. Deux occasions à saisir, disais-je, mais des risques à surveiller de près.  Il ne faudrait pas que cette réforme du paysage judiciaire soit menée pour des motifs qui soient, exclusivement ou de manière prépondérante, des motifs budgétaires. En ce cas, d’une part,  l’effet d’échelle, de mobilité et de spécialisation sera manqué faute de magistrats, de greffiers et de personnel administratif en nombre et en qualité suffisants. L’Etat n’attirera pas et ne conservera pas des juristes de qualité dans la magistrature avec des mirages.  De surcroît, la volonté actuellement affichée de préservation des lieux d’audience – susceptibles de cultiver le lien et la confiance entre le citoyen et sa justice – serait rapidement mise à mal et réduirait pour le coup l’un des bénéfices de la réforme. Mais la vision budgétariste aurait aussi un autre effet, beaucoup plus grave pour la bonne marche d’une justice de qualité, essentielle au fonctionnement harmonieux d’un Etat de droit. Nous voyons se profiler des organes de gestion des cours et tribunaux, où des gestionnaires qui ne sont pas magistrats joueront un rôle.  Le barreau doit y être représenté, bien sûr, et il ne peut être question de ne lui conférer qu’une voix consultative. C’est l’un des enjeux mais ce n’est pas l’enjeu essentiel. Celui-ci est ailleurs : des enveloppes budgétaires seront fixées par arrondissement ou par ressort, et la vraie question sera la détermination des critères selon lesquels le montant de l’enveloppe sera déterminé. Ceux-ci doivent impérativement prendre en compte la population, la géographie, mais aussi la sociologie de l’arrondissement, son taux d’emploi, ses besoins actuels et futurs… Que ferons-nous si demain l’enveloppe s’avère trop étroite ?  Attendre l’année suivante pour mener les enquêtes pénales, les expertises, les écoutes ?  Pour photocopier et notifier les jugements ? Comment les moyens pourront-ils être revus ? Quels en seront les grands critères d’allocation à tel ou tel besoin ?  Face à une ministre de la justice dont je pressens - j’ose le dire – qu’elle est sans doute plus flamande que belge, et dont je crains – j’ose encore le dire – qu’elle ait un agenda caché de régionalisation de la justice, il est de notre devoir d’être vigilants, et de n’être à aucun moment et sous aucun prétexte angéliques.

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Mes très chers confrères, Permettez-moi quelques mots encore au sujet plus particulièrement de notre Ordre. Vous avez lu à n’en pas douter que je souhaite, avec le conseil que vous venez d’élire, mener au cours de l’année judiciaire prochaine une réflexion approfondie sur le stage, mais aussi sur la rémunération des stagiaires. Sur le stage d’abord et avec l’OBFG, il faudra demain mettre enfin sur le métier cette formation commune et uniforme de tous les stagiaires des barreaux francophones. La question, posée depuis longtemps, doit être saisie à maturité, et je pense que l’heure est venue. Je ne doute pas que Liège à travers son bâtonnier, mais aussi à travers Monsieur le bâtonnier Patrick Henry et Monsieur le bâtonnier Stéphane Gothot, vice-Président et administrateur de l’OBFG, saura faire entendre sa voix. Et je compte bien sur Monsieur le bâtonnier Stéphane Gothot qui sera précisément en charge de la formation au sein de l’OBFG dès le 1er septembre prochain. Plus fondamentale encore à mon estime est la question de la rémunération des stagiaires, pour de multiples raisons. J’en retiendrai deux. La première qui vient à l’esprit est à l’évidence celle de la dignité même de la condition du stagiaire. Comment assurer celle-ci en allouant au stagiaire de 1ère année 800 euros bruts mensuels à peine, et comment de surcroît justifier qu’après 5 années d’études universitaires son travail, certes perfectible comme celui de tout professionnel qui débute, ne vaudrait pas plus pour le patron qui le forme, certes, mais aussi qui l’emploie ? La deuxième raison tient à l’intérêt du barreau lui-même, et dès lors à l’intérêt bien compris de chacun de ses membres. Un grand barreau, c’est un barreau de renom, un barreau qui brille par la réputation de ses membres au-delà de ses frontières. Un grand barreau n’existe qu’à travers et grâce à de solides avocats spécialisés, performants, et attentifs aux moyens qu’ils mettent en œuvre pour accomplir les missions qui leurs sont confiées. Nos stagiaires aujourd’hui non seulement peuvent être ceux qui apporteront aide, science et force de travail à ces solides avocats, mais nos stagiaires aujourd’hui sont aussi ceux qui seront les grands avocats de demain, ces personnalités puissantes qui assurent notre rayonnement. Dans un monde tel que le nôtre, qui peut encore penser un instant que nous attirerons et que nous conserverons parmi nous les meilleurs, si nous ne leur assurons pas des moyens à la hauteur de leurs qualités ? Je vois là un enjeu majeur pour les barreaux de demain, ceux qui naîtront de la fusion des Ordres et qui auront toujours face à eux l’attrait de la capitale.  Celle-ci ne doit pas nous faire peur, mais elle doit être la mesure de ce que nous voulons afin de sauvegarder pour chacun de nous une clientèle – nationale et internationale – de qualité, seul gage de prospérité et d’avenir pour le barreau. Dès lors que nous pouvons, aujourd’hui, partager la charge d’un stagiaire entre deux patrons, les intérêts de chacun ne seront pas affectés par cette recherche bien comprise de l’intérêt collectif mais aussi individuel.

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Madame et Messieurs les Bâtonniers, Très chers confrères, Il est encore mille choses que j’aimerais vous dire, mais le temps me manque. Rassurez-vous, ou craignez le pire : je vous en parlerai tout au long des jours de cette année judiciaire nouvelle. Cette année à venir nous réserve en effet d’autres chantiers sur lesquels nous travaillons déjà au conseil de l‘Ordre et à l’OBFG, dont celui de l’assujettissement des avocats à la TVA. Si nous y avons échappé en 2012, nul ne sait encore ce que le prochain conclave budgétaire nous réserve. Notre déontologie, le sens de ses règles, la distinction entre l’essentiel, qui fonde et distingue notre profession, et sa périphérie qui, elle, n’assure que la confraternité, doivent être chaque jour remis sur le métier face en particulier à nos concurrentes que sont les professions du chiffre. J’ai été frappé à deux reprises par les discours prononcés lors de la rentrée récente du barreau de Madrid. Dans l’un d’entre eux, Maître Miguel Estrada, ancien président du barreau Mexicain, appelait à l’affiliation obligatoire, dans son Pays, de tous ceux qui se disent avocat, de tous ceux qui plaident, à un barreau et à sa déontologie, pour éviter la jungle comportementale actuelle. Dans l’autre, le bâtonnier de Madrid, Maître Antonio Hernandez, parlait de l’internationalisation de la profession d’avocat et des volontés dérégulatrices en ces termes : « Précisément à une époque soit disant de déréglementation des activités professionnelles pour mieux les soumettre au principe de la libre concurrence, et à une époque où le métier d’avocat a acquis plus que jamais tous les traits de l’activité économique où sont consacrées d’importantes ressources à la satisfaction efficace, rapide et différenciée des exigences du marché de services juridiques, où chaque avocat et chaque bureau est à la recherche de sa propre place dans un environnement compétitif, et il est nécessaire qu’il en soit ainsi, laissez-moi revendiquer aujourd’hui, ici, les signes d’identité d’une profession avec une âme. Une profession qui a le privilège d’utiliser comme outils de travail, les droits de l’Homme et qui en elle-même incarne le droit de défense (…) Une profession qui a deux servitudes au-delà du client et au-delà du propre avocat : le service à la société et sa subordination à la valeur de la justice ». Si je ne partage pas le propos dans son intégralité sans réserve, je constate avec soulagement que les débats qui sont les nôtres et leur pertinence paraissent partagés sous toutes les latitudes. Ce n’est pas Monsieur le bâtonnier Patrick Henry qui me contredira lorsque j’affirme que notre salut passe aussi par l’organisation de notre réflexion et la défense de notre profession dans l’intérêt même de l’Etat de droit au niveau international, au sein du Conseil des barreaux européens bien sûr, mais aussi de la CIB et sans doute de l’UIA.

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Permettez-moi enfin, mes très chers confrères, un mot de remerciement en notre nom à tous et en mon nom personnel à ceux qui font vivre, mais surtout penser, notre barreau. Toute la Conférence Libre du Jeune barreau d’abord, et son président, Maître Bernard Maquet dont le parcours  - et le voyage - furent parfaits et dont chaque rentrée partagée avec lui et Marguerite fut un réel bonheur.  J’ai entendu son propos lors de l’assemblée générale de ce mardi, et je dis déjà à Maître Pierre Bayard, nouveau Président de la Conférence, que leur offre de participation à la réflexion sur le stage me réjouit. Toutes les commissions de l’Ordre et chacun de leurs présidents, dont le travail inlassable et bénévole nourrit nos activités et notre réflexion, mais aussi assure notre rayonnement.  Si le barreau de Liège peut s’enorgueillir de l’ampleur de ses actions, c’est avant tout grâce à eux qui, je l’espère, nous aideront tous encore demain, et pour longtemps. Permettez-moi de relever en particulier cette année le travail de la commission communication dont les Présidents Jean-François Henrotte et Jean-François Derroitte ont assuré le renouveau de notre site internet et de notre bulletin informatique, dirigé de main de maître aujourd’hui par Maître Jean-Pierre Jacques.   La commission jeunesse et sa présidente, Maître Valérie Gabriel, commission dont le rôle pionnier est connu internationalement et qui, à Liège, en avril dernier, a vu se concrétiser son jumelage avec le CRIC, son homologue bordelais.  Le bâtonnier de Bordeaux, Maître Quesnel, et moi-même nous sommes accordés pour organiser des échanges de stagiaires dont les deux commissions et les jeunes eux-mêmes recueilleront les fruits. J’en suis déjà heureux.   Le BAJ et son président, Maître Serge Mascart, dont le travail cette année fut – vous l’aurez remarqué – titanesque.  Ce travail n’est pas fini, mais je veux souligner la qualité des relations entretenues avec le conseil de l’Ordre et le bâtonnier sur les dossiers Salduz et aide juridique en particulier, même dans les moments les plus difficiles.   Maître Muriel Boelen, directrice de l’Ordre ou chef de cabinet du bâtonnier comme l’on voudra, dont les qualités d’organisatrice et la veille attentive à tous les intérêts de l’Ordre et du bâtonnier ont été exceptionnels, comme toujours, dans les bons comme dans les mauvais jours.   Un mot encore, mais non le moindre, pour ceux sans lesquels l’Ordre et le bâtonnier seraient impuissants : Silvia, qui sait tout et ne dit rien, Carine, dont le travail relatif aux contestations d’honoraires en particulier est d’une utilité quotidienne remarquable, Simone qui tient serrés précieusement les cordons de la bourse, et enfin Eric, dont le travail cette année fut particulièrement difficile et remarquable puisqu’il a assumé et mené avec brio, avec le bâtonnier Stéphane Gothot, le déménagement de notre bibliothèque et la création de la bibliothèque Jacques Henry, qui sera inaugurée officiellement en janvier prochain ; enfin, je veux remercier tout le personnel du bureau d’aide juridique qui – lui aussi – a été mis à rude épreuve cette année. Merci à chacun d’entre eux, qu’ils sachent toute notre reconnaissance.

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Enfin, avant de remettre les prix qui reviennent aux six lauréats de l’exercice de plaidoirie, accordez-moi une minute pour quelques propos plus personnels. Je veux en effet remercier les associés et tous les membres du cabinet Actéo qui ont suppléé avec tant d’efficacité mon absence presque totale tout au long de l’année, et en particulier Elisabeth, Véronique, Clarisse et Caroline. Je veux remercier enfin Laurence, qui m’a accompagné chaque jour et partout et sans qui rien n’aurait été possible, ainsi que Marine et Maxime, mes supporters les plus fidèles.

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Remise des prix du concours de plaidoiries -

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Je déclare close l’assemblée générale de l’Ordre et vous invite à me rejoindre dans la deuxième cour du palais.