Allocution prononcée par Monsieur le Bâtonnier André Renette à l'occasion de la Rentrée de la Conférence libre du Jeune barreau de Liège le 21 novembre 2014

Discours
Cher Orateur, En vous autorisant d’une insolence que vous qualifiez de minimale, vous vous êtes présenté à votre auditoire en ces termes, je cite : « Je suis un homme, de race blanche, hétérosexuel, gadjo et goy. Je ne peux me réclamer de la souffrance de personne, je n’appartiens à aucune communauté qui aurait été tourmentée par l’histoire et si je devais représenter un archétype, je serais plutôt le symbole de l’oppresseur que celui de l’opprimé». Serait-ce donc vous ce goy errant, cet apatride de toute souffrance mémorielle, ce sans papier du malheur, cet historien martyrisé et déchu de son droit de recherche, qui auraient perdu le territoire sacré, la mère patrie, des libertés et des droits absolus, ceux dont on doit jouir sans entrave comme un horizon indépassable ? Monsieur l’Orateur vous venez cependant d’accomplir, brillamment, toutes les étapes du rite initiatique de votre Bar-mitsvah d’orateur de Rentrée. Le devoir accompli, vous pouvez rejoindre vos illustres prédécesseurs dans le panthéon surpeuplé de la Conférence Libre du Jeune Barreau. Le rituel commande que le bâtonnier vous donne la réplique en commettant le crime d’apologie de la mauvaise foi. Ami, entendez-vous le cri sourd des orateurs qu’on enchaine, celui de ceux et de celles qui ont dû souffrir la réplique brutale et perverse de leur bâtonnier. Vous voilà instrumentalisé, comme une banale loi mémorielle, dans la posture d’une communauté d’orateurs opprimés et la figure du bâtonnier se fige dans celle de l’imposture, celle de l’archétype de l’oppresseur répliquant, ……. tel un séisme ! Cher Orateur, vous vous êtes présenté à nous, presque tout perdu, sans repère mémoriel, nostalgique ou jaloux de n’être la victime de rien, un plébéien du malheur, un prolétaire de l’oppression : il suffisait de demander : Je suis là ! Je vais faire de vous un aristocrate. Mais de ces caricatures, cher Orateur, évidemment vous ne prendrez rien aux mots. Je n’étais que dans la tentation de plaisanter au point de me prêter aux rires. L’humour est une façon de se tirer d’embarras, c’est l’euphorisant de la souffrance selon le dramaturge Touzalin. Car c’est bien dans les miasmes de la souffrance et de la tragédie des peuples malheureux que vous nous entrainez, dans les vacarmes universels de la haine et de l’horreur, de la mort par l’extermination, et de la barbarie des hommes qui, ayant inspiré certains législateurs par vous qualifiés d’arrogants, ont suscité votre vive critique. Alors, avant de brasser la douleur des peuples, « L’homme souffre si profondément qu’il a dû inventer le rire » selon Nietzsche, m’autorisez-vous à rester encore un peu dans l’air frais de la légèreté ? Fortissimi sunt Belgae ! De tous les peuples de la Gaulle les Belges sont les plus braves ! Déjà sous Jules César, les diables rouges étaient la meilleure équipe du monde ! On nous l’a appris, nous l’avons ânonné de l’école primaire au collège ou à l’athénée, en suant des gouttes sur la traduction de la guerre des Gaules.   Les cerveaux de plusieurs générations de belgicains ont été ainsi mécanisés : merci Jules, nous étions le peuple le plus brave ! A bien y regarder, cette bravitude est un cliché qui a été exploité par les historiographes de 1830 pour créer de toute pièce le mythe fondateur du Royaume de Belgique. Pour Baudouin Decharneux, qui, lui, a lu le texte complet de Jules César, la prétendue bravoure des belges ne serait qu’imposture, « une composante de leur condition de barbares » de « sauvages indomptés ». Ils n’étaient en somme que des abrutis brutaux et incultes, dénués de cervelle et de stratégie Ces idiots utiles qu’étaient ces braves belges ne se distinguaient que par leur bestialité et leur traitrise. On est bien loin de cette fierté nationaliste qui faisait l’éloge romantique du « peuple belge ». La propagande est, avec un autre, le plus vieux métier du monde. L’histoire a toujours été triturée pour être au service du prince, pour imposer son pouvoir, pour glorifier ses actes, et légitimer son action.     Notre actualité politique ne démontre-t-elle pas la relativité de la compréhension de notre histoire récente, qui varie selon la communauté linguistique à laquelle appartient ces braves belges, jusqu’à aboutir aux plus courtes excuses de notre histoire parlementaire pour une faute que son Président de parti affirmait que son auteur, frais émoulu secrétaire d’Etat, n’avait pas commise. Les Belges sont donc devenus les plus braves dans l’excuse. Ils seront vite imités. Nous le verrons plus loin, souvenez-vous en. Curieuse actualité politique qui nous ramène à une époque brunâtre toujours sensible, qui est en fond d’écran de vos propos. Curieuse actualité politique au moment où certains considèrent que les clés de la maison Belgique ont été remises avec les codes de l’alarme à un parti qui œuvre à sa disparition.     Les manipulations de l’histoire travestie sont donc toujours des manipulations politiques et vous avez, à juste titre, rappelé la pantalonnade du Vlaams Belang devenu subitement le chantre du génocide arménien lorsqu’il fallait contrarier la prétention de la Turquie à entrer dans l’Europe. La France s’illustre par des débats passionnés et clivant sur son histoire récente. A peine est-elle remise de sa période vichyssoise, qu’elle perpétue sa gueule de bois avec l’Algérie française et ses guerres coloniales. Et selon les Présidents de la République, l’Etat sera répudié comme responsable dans ces moments tragiques de l’histoire, « ce n’était pas la République » dira Mitterrand qui refusera d’inscrire Vichy dans la continuité de ses gouvernements. Pour d’autres présidents de cet Etat, la nation, la République, la France doit se répandre en repentance et reconnaissance victimaire. Cher Orateur, en tant que spectateur attentif d’un débat franco-français sur les lois mémorielles, n’êtes-vous pas amené à prendre un particularisme franchouillard pour une généralité.     Notre culture Belgo-Belge est plus raisonnable sur ces enjeux, plus modeste diriez-vous, ou plus inculte, ou plus distraite par des querelles trivialement communautaires. Chez nous, pas de débat apologique sur une identité nationale considérée comme un corps unique ou une valeur absolue, qui serait menacée de fragmentation par des politiques mémorielles fondée sur la commémoration des morts et des persécutions de communautés diverses, qui seraient causées par la faute de l’Etat ou de la Patrie. En d’autres mots, ne confondons pas Pétain et Léopold III. Ne confondons pas une vieille nation rurale et jacobine politiquement bipolaire, qui ne parvient pas à cicatriser son passé colonialiste, blessures ouvertes dans ses banlieues, avec un Etat artificiel, orphelin de son épopée patriotique et nationale linguistiquement bipolaire mais politiquement pluraliste, alors que, sommet du paradoxe, sa capitale Bruxelles s’encre au cœur de l’Europe, là où se croisent toutes les langues, toutes les cultures, toutes les origines.  

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Passons à la nuit et au brouillard. Passons de la légèreté à la tragédie. La nuit et le brouillard, en allemand nacht und nebel, ou NN en nom de code, est, avant d’être une chanson, le titre donné au décret Nazi du 7/12/1941 ordonnant la déportation de tous les ennemis ou opposants du IIIè Reich. En inventant l’industrie de l’extermination, les Nazis ont prémédité la négation du crime jetant les victimes dans la nuit et le brouillard, là où la visibilité est nulle, là où la mémoire devient brume et chute dans l’abîme de l’oubli. La mémoire est donc entrée en résistance contre le péché originel de la négation nazie. Cette négation originaire consubstantielle à la Shoah a été transmise en héritage nauséeux aux négationnistes, lesquels ont perpétué ce but unique d’effacer les traces de ce crime contre l’humanité. Dans cette lutte contre la négation du crime et le mensonge, cette mémoire torturée et résistante a fait appel à la force du droit, à la loi.

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  Pour ceux qui habitent Liège, la rue Lairesse vous est connue. Elle s’étend sur près d’un kilomètre, et opère la jonction avec le quartier Natalis, la rue Gretry, et le pont du Longdoz. La rue Lairesse traverse un quartier qui a connu tous les courants migratoires, un quartier qui semble endormi, immuable, entré dans le temps et pas prêt d’en sortir, hors d’atteinte des excès de modernité de la Médiacité. Regardez l’immeuble qui se situe au 128 de la rue Lairesse, tel qu’il nous apparaît encore aujourd’hui. A partir d’août/septembre 1942, partout en Belgique, on passe de la mise au travail obligatoire des juifs à leur déportation pour la solution finale. Au début d’octobre 1942, Hinda Koltum, qui se cache rue des Bonnes Nouvelles, dans le quartier Saint-Léonard, vient chercher quelques vêtements de rechange à son domicile, au 128 de la rue Lairesse. Hinda y est arrêtée à cette adresse par un collaborateur rexiste, auxiliaire de la section anti-juive de la Scher Reits Polizei de Liège. Elle est emprisonnée à la Citadelle de Liège, transférée et enfermée le 30 octobre 1942 à la caserne Dossin, camp de rassemblement de Malines. Elle est déportée par le 17ème convoi et porte le numéro 871. Elle est gazée à son arrivée à Auschwitz. Hinda est la grand-mère d’un de nos confrères, orateur de rentrée en 2001.  

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  La région liégeoise comptait en 1939/1940, 410.232 habitants, dont une population juive de 2.560 hommes, femmes, enfants. Parmi les juifs déportés dans la région liégeoise, 728 hommes, femmes, enfants ne sont jamais revenus. Leurs maisons sont toujours là, à l’identique, comme au 128 de la rue Lairesse. Ces maisons où ils ont vécu, où ils ont été arrêtés, où ils se sont cachés, témoignent par leur présence familière que ces âmes perdues sont toujours parmi nous. Vient alors comme un murmure de leur présence, la citation biblique gravée sur les pierres tombales juives qui nous dit « que son âme reste liée au faisceau des vivants ». La Shoah, la catastrophe en hébreu, ce n’est pas de la poussière du temps passé, des résidus de l’oubli ou de l’habitude que l’on peut cacher sous le tapis de l’histoire. Non définitivement, la Shoah, dont vous prétendez dénoncer l’exploitation « sacralisée et sacrée », ce ne sera jamais une gentille chorégraphie guerrière à vocation touristique, comme la commémoration du bicentenaire de la bataille de Waterloo en juin 2015. La Shoah ce n’est pas une abstraction, une image floue, une photo jaunie et écornée, non, à Liège, la Shoah et ses victimes, ce sont des individus concrets, reconnus et connus, faits de chair et de sang, qui ont croisé et partagé l’histoire de mes grands-parents, de mes parents, qui croisent et lient mon histoire, celle que je partage avec mes amis, mes proches, avec les enfants, les petits-enfants, les arrière-petits-enfants de cette humanité perdue, toute aussi belge et liégeoise, que vous et moi. Je n’ai pas à m’excuser pour un excès de sensiblerie ou pour une euphorie de compassion abstraite sur fond de bonne conscience, cette tragédie est devenue la mienne, à titre personnel et par sa vocation universelle. Je pleure toujours le destin de ces victimes qui ont cette force universalisante, je salue toujours les héros, je condamne encore les salauds. Je suis toujours un spectateur en colère horrifié et non désincarné, à la mémoire intacte et entière. L’holocauste, le sacrifice par le feu, c’est une extermination d’individus qui n’était l’ennemi politique ou militaire de personne. C’est une machinerie de l’horreur, systématisée et programmée, articulée sur l’idéologie de la race inférieure. Elle prend appui sur le droit et la bureaucratie autochtone et nazie. Elle n’a été rendue possible que par le déploiement d’une logistique européenne et des moyens industriels. C’est cela qui la rend unique dans l’histoire de l’humanité. Unique, universelle et non sacralisée. Je ne puis admettre l’oxymore « religion laïque ». La religion est la croyance en une chose dont l’existence n’est pas prouvée. La foi est l’attitude de l’homme qui tient pour vraies des réalités qui sont invisibles ou incontrôlables. La Shoah est un fait historique définitivement établi et non une religion qui sépare les croyants et les mécréants sur une preuve impossible. Ce concept de religion masque à peine une récusation du fait historique : « je n’y crois pas, donc cela n’existe pas ». Voilà déjà qu’apparaissent les métastases du négationniste par l’abus de langage de politiques maladroits et suffisants. Et puis, rappelons ce petit détail de l’histoire, la Shoah c’est d’abord et surtout le paroxysme de l’antisémitisme. La haine du juif est une constante de l’histoire européenne de l’Atlantique à l’Oural. Cher Orateur, avec l’holocauste dans les seules mains des historiens, délié, grâce à vous, du joug des lois mémorielles, la catastrophe antisémitisme ou arménienne serait-elle plus supportable ou plus accessible aux incultes, aux ignorants, et enfin aux victimes. Pouvez-vous affirmer devant nous que la Shoah est une vieillerie historique qui, ayant vécue, ne renaitra jamais de ses cendres, si j’ose dire. Telle une momie, elle ne serait juste qu’un sujet d’étude pour les seuls historiens dont la science lumineuse serait la garantie donnée à l’humanité de l’absence de récidive. J’admire votre confiance sans limite à l’égard d’une liberté d’expression sans limite, mais j’ai des craintes, des craintes sérieuses quand je regarde la pente que prennent les évènements. Je suis de ceux qui constatent la renaissance du phénix maléfique de la banalisation de la parole antisémite. C’est un inventaire à la Prévert, mais voici quelques exemples de l’actualité, j’ai dû faire des choix, il y en avait tant et trop. Évidemment, il y a la tuerie au musée Juif de Bruxelles ce 24 mai 2014, dans le prolongement des tueries de l’école juive du 19 mars 2012 à Toulouse. Sous le vocable de terrorisme se cache l’imitation de la Shoah par balles des EINSATZGRUPPEN, avant l’industrialisation de l’extermination par le gaz. Il y a cette affiche en juillet 2014 à Saint-Nicolas, « Entrée autorisée au chiens, mais aux sionistes, en aucune façon », l’affiche rédigée dans la langue de son auteur que l’on distingue en arrière-plan mentionnait le terme « juifs », sans équivoque.   C’est une paraphrase ratée et imbécile de l’interdiction nazie faite aux juifs de pénétrer divers lieux avec d’autres personnes. L’ignorance de l’histoire permet de dépasser « sans le savoir » l’ignominie de l’antisémitisme nazi.   Et puis dans la continuité de la stupidité, l’abime de la bêtise, le comité de baptême Philo et Lettres de l’ULg en octobre 2014, proposant une « soirée aller simple » illustré par une locomotive à vapeur, pour jouer à la guerre à Gaza contre le « grand méchant juif ». Il paraît que c’était de l’humour décalé.   Fin octobre encore, il y avait manifestement quelque chose dans l’air, un échevin humaniste de Crainhem, s’exprime comme suit sur sa page facebook dans un français très approximatif, quoique francophone : «Pour moi, c’est clair, j’ai investigué dessus, je me suis littéralement plongé dedans, j’ai été consulté (sic) des archives à Auschwitz, j’ai rencontré un juif ancien déporté, j’en (ai) parlé avec des historiens de musée (sic) de la déportation, j’en ai parlé avec un ancien résistant devenu révisionniste, j’ai lu un tas de truc (sic). J’ai été cherché (sic) des bouquins, j’ai rencontré Faurisson (NDLR: un historien négationniste) et ma conclusion est la même qu’Olivier Mathieu (NDLR: un négationniste condamné à Bruxelles en 1991): «Les chambres à gaz, c’est du bidon».   Enfin, début de ce mois de novembre un prêcheur koweitien, leader des frères musulmans, chanteur et star de la télévision, invité de la foire musulmane, est privé de visa en Belgique. Il est accusé par le nouveau Ministre de l’Intérieur, je cite, de « propos antisémites inacceptables », comme s’ils y en avaient des acceptables. Lui en réplique accuse le Gouvernement belge de prendre sa décision « sous la pression du lobby sioniste », …à savoir la Ligue Belge contre l’antisémitisme. Voici ses citations : «la chose la plus dangereuse, le plus grand ennemi auquel sont confrontés les musulmans ce sont les Juifs», et ce brave garçon de lancer un appel à «chaque mère musulmane à biberonner ses enfants à la haine des fils de Sion afin qu’une nouvelle génération se lève pour les rayer de la surface de la planète». Pour tenter d’obtenir son visa, il a formulé des excuses, imitant notre Secrétaire d’Etat, pour des propos "tenus sous l'effet de la colère au vu des injustices chroniques en Palestine". Il dit "Je n'ai aucune honte, ni aucun regret, à reconnaître mes erreurs et mes dérapages verbaux qui ont alimenté l'antisémitisme sur internet". Est-il si absurde quand on entend les termes « les chambres à gaz c’est du bidon » et « il faut les rayer de la surface de la terre » de faire appel à la protection de la loi ? Et nous y voilà enfin à ces lois mémorielles, mais il m’a fallu en faire des détours pour les replacer dans leur contexte, m’attarder sur la longue queue de gaz et de poussières de la météore.   Cher Orateur, vous avez porté l’essentiel de votre éclairage sur la France. On y dénombre 4 lois mémorielles.   1. La loi du 13 juillet 1990, dite Loi « Gayssot », « tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe ». Aucun comité d’intellectuels ne réagira comme en 2005. Relevons que cette loi ne parle pas du génocide en ce qu’elle se fonde sur l’autorité de chose jugée du procès de NUREMBERG, procès qui n’a poursuivi personne pour faits de génocide pour la bonne et simple raison que ce néologisme n’existait pas encore. La racine « génos » est grec, elle signifie « genre », « espèce » et le suffixe est latin « caedere », « tuer », « massacrer ». On doit ce terme à un Professeur de droit international américain d’origine juive polonaise, Raphael LEMKIM, et ce terme s’imposera en droit international par l’adoption de la convention ONU du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de Génocide dont LEMKIM a été le principal rédacteur.   2. La loi du 29 janvier 2001 dont l'article unique affirme que « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915 ». Aucun Comité d’intellectuels ne réagira comme en 2005.   3. La loi du 24 mai 2001, dite Loi « Taubira », « tendant à la reconnaissance, par la France, de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité » et demandant que les programmes scolaires leur accordent « la place conséquente qu'ils méritent ». Aucun Comité d’intellectuels ne réagira comme en 2005. 4. La loi du 23 février 2005, dite loi « Mekachera » du nom du ministre-délégué aux anciens combattants, « portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés », C’est l'article 4 qui fera polémique en exigeant que « Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit ». Cet article 4 fut abrogé en 2006 et là un débat nourri a eu lieu entre intellectuels.   Cher Orateur, vous avez fait chahut et mousse de tout sur ces lois mémorielles en les mélangeant toutes. Vous avez fait grand cas de la pétition des 19 du 13 décembre 2005, intitulée « l’appel pour la liberté de l’histoire », vent debout contre la quatrième loi essentiellement, mais contre les autres aussi. Mais vous ne nous avez pas entretenu de la contestation de l’appel des 19, je tenterai de réparer donc cette omission par quelques brèves citations, parmi d’autres. Le 20 décembre 2005, une trentaine d'écrivains, juristes et historiens, ont signé un texte marquant leur opposition à l'appel des 19, parce qu'il fait, selon eux, l'amalgame entre la loi du 23 février 2005 et les trois autres lois mémorielles : je cite quelques passages : Ne mélangeons pas tout. En nous opposant à la pétition « une liberté pour l’Histoire », nous pensons que le droit à la dignité ne limite pas la liberté d’expression. Nous revendiquons pour tout un chacun une pleine et entière liberté de recherche et d’expression. Mais il paraît pernicieux de faire l’amalgame entre un article de loi éminemment discutable et trois autres lois de nature radicalement différente. La première fait d’une position politique le contenu légal des enseignements scolaires et il paraît souhaitable de l’abroger. Les secondes reconnaissent des faits attestés de génocides ou de crimes contre l’humanité afin de lutter contre le déni, et de préserver la dignité de victimes offensées par ce déni. Ces trois lois ne restreignent en rien la liberté de recherche et d’expression.   Quel historien a jamais été empêché par la loi Gayssot de travailler sur la Shoah et d’en parler ? Ces lois votées ne sanctionnent pas des opinions mais reconnaissent et nomment des délits qui, au même titre que le racisme, la diffamation ou la diffusion de fausses informations, menacent l’ordre public(….).   Enfin, sur la loi GAYSSOT, je citerai Claude LANZMANN, réalisateur du film Shoah et directeur des Temps modernes, qui, le 10 janvier 2006, dans ‘Libération’ justifiait l'historicisation de la Shoah, qualifié d'« événement le plus central du XXème siècle » en ces termes : La loi Gayssot, qui porte sur le désastre le plus paradigmatiquement antihumain du XXe siècle, est aussi une garantie et une protection pour toutes les victimes [...]. La loi Gayssot n'est pas une limitation de la liberté de l'historien, mais se déduit au contraire de la rigueur propre à sa discipline : elle n'est rien d'autre que le rappel de l'obligation de vérité [...]. La loi Gayssot n'opprime personne, n'exerce nulle contrainte, elle défend des valeurs consubstantielles à la démocratie. On ne trouve pas, grâce à elle, les ordures négationnistes aux étals de nos librairies, dans les colonnes de nos journaux et sur nos écrans de télévision [...]. N’ai-je pas bouclé mon propos ? Que risquent ces faussaires de l’histoire et ces « ordures négationnistes » que dénonce LANZMAN ? La complaisance d’un plateau médiatique ou d’un buzz sur internet ?   Cher Orateur, on vous connait comme un chasseur impitoyable des poncifs de notre temps. Vous êtes un polémiste talentueux, mais vous avez de l’exercice de la liberté d’expression une vision trop ingénue. A un moment donné de l'exercice de sa liberté, le libertaire tombe sur un concept qui lui résiste :  
  • tel un déni qui est un délit ;
  • une valeur absolue qui vous impose un silence dogmatique et péremptoire telle que la famille ou la nation ;
  • des faussaires de cette liberté qui la travestissent, tels Faurrison, Soral ou Dieudonné.
  Vous avez sacralisé votre foi en l’intelligence de l’individu par nature cultivé et empathique. L’idéalisation de l’homme en contact avec l’histoire, n’est-ce pas le mythe du bon sauvage revu et visité par Henri Guillemin. Vous voulez donner aux historiens le pouvoir exorbitant de régenter la mémoire collective, alors que c’est de la société que viennent ces questions, auxquels répondent ces jugements politiques sur le passé. Le philosophe Paul Ricœur a dit « l’histoire n’est pas tout à fait un objet, et ne le devient que si je m’en évacue moi-même, à la façon dont le corps propre devient corps-objet, pour un spectateur pur et désincarné, pour un spectateur non-situé». Il ne suffit pas de s’indigner, il faut résister pour ne pas trop se désincarner, pour demeurer dans la « Chair », pour ne pas être un objet de pur esprit, pour ne pas devenir un « spectateur non-situé ».  

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  Connaissez-vous l’origine de l’expression « sauter du coq à l’âne ». Le mot asne est l’ancien ancien mot pour une cane au XIVe siècle, la femelle du canard : sauter du coq à l’âne serait donc, pour un coq, de confondre la cane avec la poule. Cette expression sera connue sous la forme saillir du coq à l’asne, et il semble que les coqs tentent parfois de saillir des canes. De tous les gallinacés, les coqs sont les plus braves ! Le sens de l’expression aurait glissé, l’asne devenant l’ane, par déformation, et sans accent circonflexe. Ce dernier n’aurait été ajouté qu’à la suite du contresens opéré pour rejoindre l’orthographe âne. Vous voilà informé, et j’espère avoir réussi ma transition pour passer à un tout autre sujet. Quittons la nuit et le brouillard.

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  Le barreau de Verviers et le Barreau de Liège se sont engagés dans un processus de rapprochement. Le nouvel article 430 du Code judiciaire précise que «Chaque barreau ou Ordre s'organise auprès d'une division du tribunal ou près du tribunal de l'arrondissement ». Notre ambition est de créer une nouvelle identité professionnelle dépassant les identités locales. Notre souhait est celui d’un barreau unique regroupant tous les avocats wallons et bruxellois dans une seule et même structure et c’est dans cette perspective que nous avons pris l’initiative de nous rapprocher des barreaux du nouvel arrondissement, ce qui est la seule ambition aujourd’hui autorisée par la loi. Le mode actuel de fonctionnement de nos barreaux est à bout de souffle, et il est nécessaire de nous doter de structures locales et d’une structure communautaire plus efficace et professionnelle. La fonction de bâtonnier n’est plus accessible dans des conditions de quasi bénévolat, elle n’est plus accessible à une seule personne quand la charge de travail est supérieure à un plein temps, activité qui est en inflation constante. Dans le cadre des travaux de rapprochement entre le barreau de Liège et le barreau de Verviers, il est prévu de créer une structure collégiale composée des bâtonniers de division et d’un bâtonnier de la nouvelle entité. Cela donne déjà une équipe de trois personnes, qui avec un ancien bâtonnier ou un vice-bâtonnier, un secrétaire, un secrétaire adjoint, et un directeur des travaux de l’Ordre, constitueront l’ossature d’un comité de direction. Nous suggérons également de prévoir une mesure transitoire qui donnera au sein du conseil de l’Ordre une représentation garantie au barreau de Verviers, le temps nécessaire à la création de la nouvelle identité. Le pouvoir décisionnel du conseil de l’Ordre devient de plus en plus limité. Il n’est plus juridiction disciplinaire. La compétence réglementaire appartient à l’Ordre communautaire. Le conseil de l’Ordre a conservé sa compétence d’avis en matière d’honoraires. Le barreau de Verviers s’organise en chambre d’avis sur délégation du conseil de l’Ordre. Le conseil de l’Ordre dresse chaque année le tableau, et a d’importante responsabilité dans l’organisation de l’aide juridique de seconde ligne. Le conseil de l’Ordre est devenu la chambre de réflexion locale sur les travaux de l’Ordre communautaire. A cet égard, il est utile que les positions des barreaux locaux reflètent les problèmes rencontrés au niveau du nouvel arrondissement et assure une meilleure représentativité et influence au sein d'AVOCATS.BE. Cette dynamique et vision nouvelle au niveau des Ordres locaux sera le moteur d’une même inspiration active au sein d’AVOCATS.BE. Nos travaux respectent les identités locales qui se maintiendront dans leur spécificité, mais nous avons l’appétence, l’élan et la volonté politique de créer une nouvelle identité et une nouvelle solidarité professionnelle qui se déploiera sur un territoire équivalent à celui de l’arrondissement avec un pouvoir décisionnel et d'orientation permettant un dialogue d’égal à égal avec les nouveaux chefs de corps. La crainte de la diminution de clientèle au profit de gros cabinets est indifférente à la question de la fusion des arrondissements et de la fusion des barreaux. Cette clientèle est déjà mobile et cherche la qualité là où elle se trouve, ou plutôt là où elle croit la trouver.   Un barreau unique au niveau de l’arrondissement autorisera des rapprochements stratégiques entre cabinets de division pratiquant la même matière débarrassés de la contrainte des autorisations d’établissement actuellement en vigueur. C’est un facteur de croissance évident sur le plan économique et celui du service à la clientèle. Pour la clientèle sédentaire, elle sera rassurée de savoir que son avocat appartient à un barreau qui a vocation à travailler sur le même territoire que son juge d’instance et d’appel. La création du bâtonnier de division conservera la visibilité locale à l’autorité de l’Ordre, notamment pour les incidents d’audiences et la déontologie. Quant à la moins bonne connaissance des confrères et la perte de convivialité, il faut raison garder pour une taille cumulée de nos deux barreaux, qui donnerait un barreau de 950 + 130 confrères, soit un peu moins de 1.100 membres, soit encore quatre fois moins que le barreau de Bruxelles. En toute hypothèse, le bâtonnier de division veillera, avec les Jeunes Barreaux qui restent autonomes, à animer la vie de la division concernée. Les contacts permanents qui se sont noués d’ores et déjà entre les membres de l’équipe qui travaillent au rapprochement, entre les deux conseils de l’Ordre et leurs bâtonniers donnent de toute évidence une nouvelle dimension à la convivialité, aux qualités d’accueil et à l’amitié. L’information a débutée au sein des deux barreaux, et nous sommes dans le timing d’assemblées générales informatives et délibératives pour conclure à des élections communes, si la fusion se concrétise, en juin de l’année prochaine. Comme ce fut le cas lors de la fusion des barreaux du Luxembourg, il n’y a pas de problème réellement objectif, et à chaque question une réponse est donnée. Il en va ainsi des implications financières, les deux barreaux ont des réserves quasi équivalentes, et des cotisations moyennes similaires. Quant aux engagements contractuels, l’essentiel de ceux-ci sont liés, hors les contrats de travail, aux assurances collectives qui nous sont communes. Les deux BAJ se parlent et le critère de choix de l’avocat, subsidiairement à la liberté du justiciable, sera celui de la résidence de celui-ci. L’effet de levier d’un rapprochement permet de réfléchir à l’engagement d’un directeur chargé de la gestion du personnel et de l’uniformisation des pratiques à long terme que seule cette professionnalisation autorise. Un élan, une impulsion, une dynamique a été donnée par des confrères de qualité qui, issus des deux barreaux, travaillent main dans la main à la création de cette nouvelle identité, cette nouvelle solidarité professionnelle. Nous croyons que cette démarche est judicieuse. Elle rencontre les exigences de la modernité et la volonté politique d’un Etat Fédéral. Nous devons dépasser le repli sur soi égoïste. Il s’agit d’une aventure, d’une autre dimension, d’une autre exaltation. Cette aventure est à notre portée.  

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La partie relative au rapprochement entre le barreau de Verviers et le barreau de Liège ayant été écrite à quatre mains par ses bâtonniers, j’appelle ici Monsieur le bâtonnier Jean Baivier. Je vous remercie pour votre attention.