Allocution d'introduction au colloque : le droit du sport prononcé par Monsieur le Bâtonnier André Renette le 4 mai 2015

Colloque droit du sport
 width=Allocution d'introduction de Monsieur le Bâtonnier André RENETTE au colloque sur le droit du sport le 4 mai 2015 Mesdames, Messieurs, Le sport va chercher la peur pour la dominer, la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre, ainsi parlait Pierre de Coubertin, à propos du sport, mais je peux vous dire que l’on peut parler dans les mêmes termes de la profession d’avocat, qui lui aussi va chercher la peur pour la dominer, la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre. Jamais autant dans notre société moderne, le sport a pris une telle place dans notre vie quotidienne. Je parle du sport loisir, celui qui nous apporte détente, bien-être et qui doit nous garantir une bonne santé. Son développement actuel est exceptionnel. Le 12 avril dernier a eu lieu le marathon de Paris, qui a réuni 50.000 personnes sur les 42 km et 195 m de l’épreuve. Une petite dizaine de coureurs jouaient la gagne, tandis que le reste du peloton était là pour se confronter à la distance, au mythe et à l’effort. Paraphrasant Mauriac ne peut-on dire du sport actuellement qu’il est devenu l’usurpation par le corps de la vocation spirituelle de se dépasser soi-même, même si je vous le concède le terme usurpation est dépassé ? Le 26 avril 2015, avait lieu la 35è édition du Marathon de Londres. Le premier à arriver est Eliud Kipchoge, qui terminait le parcours en 2 heures 4 minutes et 42 secondes, bien loin du record du monde établi à Berlin en 2014, en 2 heures 2 minutes et 57 secondes. Loin de la foule des amateurs, les coureurs professionnels atteignent des performances que l’on pensait inaccessibles. La BBC retransmettait dans le monde entier la course qui a été vue par des millions de personnes, et l’amateur de sport pouvait basculer après le marathon de Londres sur Liège/Bastogne/Liège, où d’autres professionnels réalisaient des prouesses. Là aussi, c’est notre région qui était mise en valeur et vue par des millions de spectateurs, la course étant retransmise dans le monde entier. Le sport est donc devenu une entreprise de spectacle où l’argent et les intérêts économiques, souvent par leur apparente obscénité en période de crise, semblent si loin des valeurs de l’éthique du sport. C’est que nous parlons bien d’éthique. Avec son humour dérangeant Coluche disait "Que les sportifs arrêtent le doping... On aura l'air malin devant nos téléviseurs en attendant qu'ils battent les records." Le Ministre de la fonction publique et des sports de la Communauté française s’exprime comme suit : « De manière générale, le sport est aujourd’hui soumis à un certain nombre de contraintes liées à son environnement social, économique, voire politique. Des logiques purement mercantiles ou commerciales sont de plus en plus fréquentes. Il n’en demeure pas moins que le sport est porteur de valeurs, et, à ce titre, il doit être préservé de la corruption, de la tricherie, du dopage et de la violence. Une grande majorité des sportifs s’adonnent à leur sport favori en prenant les valeurs essentielles que sont le fair-play, le respect de soi et de l’autre, le respect de l’arbitrage, le refus de tout produit dopant, l’acceptation des différences, la solidarité et l’esprit d’équipe. L’éthique sportive se vit d’abord comme une affaire personnelle, la conduite de chacun relevant de sa conscience individuelle ». Et même si comparaison n’est pas raison, Permettez-moi de voir dans cette citation relative au sport, la même essence que les valeurs que portent l’avocat et le barreau. Ne sommes-nous point une entreprise éthique, soumise à notre déontologie, le fair-play et chargée de défendre dans un Barreau, la solidarité, les intérêts de nos clients en âme et conscience, l’acceptation des différences, accrochée aux principes d’humanité, de dignité, de probité et de délicatesse ? Qui dit sport, dit règles du jeu ; Qui dit règles du jeu, dit juriste ; Qui dit conflit des règles du jeu, dit procédure et plaideur. Et, de tout temps, le barreau a été associé à la conduite des affaires du sport, qu’il soit amateur ou professionnel. C’est bien un ancien avocat du barreau de Liège qui est devenu directeur général du Standard de Liège pour l’amener jusqu’au titre. Passé ensuite comme administrateur délégué de White Star et consultant à Mons, le voilà maintenant administrateur délégué de la nouvelle structure de la Pro League. Voici donc, comme d’autres, un confrère à qui on promettait une carrière exceptionnelle, fasciné et séduit par les sirènes du sport professionnel. Qu’allait-il donc faire dans cette galère, diront certains ? Nombreux sont les confrères, voire même des magistrats, qui se targuent, comme s’il s’agissait d’un exploit académique, de mieux connaître les 329 pages du règlement de l’Union Belge qui se termine par l’article 2.132, que les 185 pages du Code Larcier, reprenant 2.281 articles du Code civil. A vrai dire, les deux Codes, le Code sportif et le Code étatique, ne s’apprécient guère. Ils se détestent à ce point que le premier fait la gueule à l’autre et qu’ils font juridiction à part, le contentieux sportif n’appréciant guère l’intrusion dans son intimité des juridictions étatiques et de ses règles nationales et internationales. S’il n’y a plus d’étanchéité entre le sport et le droit, les deux Ordres juridiques se confrontent lorsque les plaideurs ont perdu leur confiance dans les règles et juridictions sportives et se tournent vers la juridiction étatique. Ils vont chercher du réconfort dans les règles nationales et internationales qui régissent le droit social, le droit économique et les libertés fondamentales issues des traités internationaux. Mais l’Ordre juridique sportif entend conserver jalousement son autonomie et conçoit comme un acte de violence, de trahison et de rébellion, le sportif audacieux et téméraire qui prétend opposer règles sportives et la norme étatique nationale et internationale. Mais lorsque le sportif professionnel est un travailleur, faut-il s’étonner que le droit social s’en préoccupe ? Lorsque le sportif professionnel est un travailleur migrant, faut-il s’étonner que les règles relatives à la libre circulation des travailleurs s’appliquent ? Lorsque les entreprises sportives des spectacles se font concurrence, de manière déloyale, faut-il s’étonner que le droit de la concurrence s’en émeuve ? Lorsqu’une fédération sportive prononce à l’égard d’un de ses membres un interdit professionnel, qui n’est rien d’autre qu’une mort civile que bannit notre droit ou une sanction pénale, telle qu’elle est reconnue par la Cour Européenne des Droits de l’Homme comme une peine, faut-il s’étonner, que le sport suscite quelques réflexions au niveau des droits fondamentaux des droits de la défense, des droits à un procès impartial, et au principe de l’égalité des armes ?

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Je suis fier de participer à un barreau riche en personnalités et Confrères qui ont investi par leurs compétences le domaine du droit du sport. Avec un bâtonnier, qui avait, je précise je parle au passé, avant son bâtonnat et ses exigences sédentaires et anti-diététiques, quelques prétentions sportives auxquelles il refuse encore de renoncer, tant la pratique du sport m’a apporté à titre personnel, la proposition qui m’a été faite d’organiser un colloque sur le droit du sport, répondait je le crains à un excès de flagornerie doublé d’un abus de faiblesse. J’ai dit oui au projet avec fierté et détermination et au terme d’une absence radicale de réflexion. Et s’ils étaient tous les deux à mes côtés, on se demanderait quel est ce type qui blablate entre Maître Luc Misson et Maître Laurent Stas de Richelle, qui, avec le directeur de l’Ordre, Eric Franssen, et Maître Géraldine Dujardin, ont contribué à la réussite de ce colloque. Je vous demande de les applaudir tous les quatre. Nous allons consacrer la matinée au dopage et aux droits fondamentaux. L’après-midi sera consacrée au sport et au droit européen dans la libre circulation des sportifs, et le droit de la concurrence. Nous terminerons sur la prospective en nous posant la question de savoir si l’Europe à construire, l’identité européenne n’oblige pas à réfléchir à une équipe de l’union européenne aux jeux olympiques. Voilà le défi, quasi sportif, de cette journée qui nous apprendra beaucoup et qui parmi les plus jeunes susciteront des vocations. La parole est aux orateurs, à vos marques, partons pour un colloque fructueux.