Droit d'auteur et I-dépôt
Me Diane Allard, avocate au barreau de Liège
Quel est l’objet de la protection du droit d’auteur ?
Le Code de droit économique accorde la protection du droit d’auteur à toute œuvre littéraire ou artistique et aux logiciels informatiques à condition que :
- la création soit originale autrement dit qu’elle comporte l’empreinte personnelle de l’auteur,
- la création soit mise en forme autrement dit qu’elle soit extériorisée et pas au stade de l’idée.
Les œuvres littéraires visent notamment les romans, les pièces de théâtre, les scénarios, les conférences, les manuels techniques, les documents publicitaires,...
Les œuvres artistiques peuvent être des peintures, des sculptures, des œuvres musicales, des œuvres audiovisuelles, des photographies, des chorégraphies, de l’architecture, ….
Cette protection est définie dans le Code de droit économique au Titre 5 relatif au droit d’auteur et droit voisin et au Titre 6 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur.
Un programme informatique ne peut pas en principe être protégé par un brevet. Il s’agit d’une option prise par les législateurs qui ont décidé de protéger les programmes informatiques par le biais du droit d’auteur en les assimilant à des œuvres littéraires.
Combien de temps le droit d’auteur est-il protégé ?
La durée de protection du droit d’auteur s’étend depuis la date de création de l’œuvre dans les conditions énumérées ci-dessus jusqu’à 70 ans après le décès de l’auteur. La protection est acquise à l’auteur sans devoir accomplir de formalités ni d’enregistrement contrairement aux marques et aux dessins et modèles.
Qu’est-ce qu’un I-Dépôt ?
Etant donné que le Code de Droit Economique accorde une protection automatique à toute œuvre et tout logiciel informatique sans formalité ni enregistrement, il est intéressant pour l’auteur de donner à sa création une date officielle dont il pourra se servir en cas de conflit avec un tiers pour prouver que sa création est antérieure à la contrefaçon du tiers par exemple et qu'il est bien lui-même l'auteur de la création.
C’est la raison pour laquelle il est conseillé à l’auteur non seulement de conserver les brouillons de son projet, ses notes manuscrites et les documents relatifs à son projet en les datant mais aussi, pour s’assurer une protection encore plus efficace, de procéder à un I-dépôt à l’Office Benelux de la Propriété Intellectuelle comme moyen de preuve de la date de la création. Le cout de ce I-dépôt pour une conservation de 5 ans est de 37,00 € si l’I-dépôt est réalisé en ligne. Le renouvellement ultérieur pour 5 ans est de 26,00 € en ligne.
Quels sont les droits de l’auteur sur sa création ?
L’auteur bénéficie de droits moraux et patrimoniaux sur sa création. L’auteur ne peut jamais céder ses droits moraux tandis qu’il peut céder ou accorder des licences de tout ou partie de ses droits patrimoniaux. Afin que la cession des droits d’auteur patrimoniaux soit valable, les parties doivent prévoir dans un contrat écrit pour chaque droit cédé, la rémunération de l’auteur, l’étendue et la durée de la cession.
Les droits moraux de l’auteur sont les suivants :
- le droit de divulgation de son œuvre ;
- le droit de revendiquer la paternité de l’œuvre ou de rester anonyme ;
- le droit au respect et à l’intégrité de l’œuvre (ce qui inclut le droit de s’opposer à toute modification de l’œuvre).
Les droits patrimoniaux de l’auteur ciblent l’aspect économique du droit d’auteur et plus précisément accordent à l’auteur et aux personnes que l’auteur autorise (moyennant paiement de royalties) :
- le droit de reproduction de la création ;
- le droit de traduction de la création ;
- le droit d’adaptation de la création ;
- le droit de location et de prêt de la création ;
- le droit de communication au public de sa création ;
- le droit de distribution au public par la vente notamment ;
- le droit de suite et le droit d’accès à sa création ;
Des exceptions aux droits patrimoniaux de l’auteur sont reconnues au nom de la liberté de critique (citations ou parodies), de la liberté de l’information, de l’objectif pédagogique ou dans le cadre d’un usage privé.
Quelle est la protection d’une création réalisée dans le cadre d’un contrat de travail ?
Lorsqu’un travailleur réalise des œuvres en exécution de son contrat de travail ou d’un statut, ses droits patrimoniaux sur ses créations peuvent être cédés à son employeur si cette cession est prévue dans son contrat de travail ou le statut et que la création de l’œuvre rentre dans les tâches affectées au travailleur. De toute façon, le travailleur conserve ses droits moraux sur ses créations.
Dans le cadre d’un contrat de travail, les modalités de la cession des droits d’auteur sont moins rigoureuses car l’employeur n’est pas obligé de convenir par écrit pour chaque droit cédé de la rémunération de l’auteur, de l’étendue et de la durée de la cession.
Quel est le statut d’une œuvre sur commande ?
Lorsqu’un auteur crée une œuvre en exécution d’un contrat de commande (par exemple : la création d’un logo par un graphiste sur commande d’un client), ses droits patrimoniaux peuvent être cédés à son client pour autant que la cession soit bien mentionnée dans le contrat de commande, que son client exerce une activité non culturelle ou dans la publicité et que l’œuvre commandée soit destinée à cette activité.
Comme dans le cadre du contrat de travail, la cession des droits d’auteur pour une œuvre de commande est moins encadrée et les parties ne sont pas obligées de convenir par écrit pour chaque droit cédé de la rémunération de l’auteur, de l’étendue et de la durée de la cession. A nouveau, l’auteur conserve ses droits moraux sur ses créations.
Quelles sont les actions judiciaires envisageables contre les atteintes au droit d’auteur ?
La copie d’une œuvre sans l’autorisation préalable de l’auteur est qualifiée de contrefaçon et est strictement interdite. La difficulté pour l’auteur réside dans l’obligation de prouver qu’il a bien créé l’œuvre lui-même et que sa création est antérieure à celle incriminée de contrefaçon. Cette preuve peut se rapporter par un I-dépôt, des photos, des croquis, des ébauches, des captures de site internet, des témoignages,...
S’offrent ensuite à l’auteur différentes possibilités d’actions judiciaires contre les atteintes à son droit d’auteur qu’il est recommandé d’envisager avec un avocat spécialisé qui connait les avantages et inconvénients de ces procédures et les délais d’actions.
- La procédure de saisie-description
Il s’agit d’une procédure en urgence introduite unilatéralement en vue de demander au juge la désignation d’un expert judiciaire pour se rendre par surprise avec un huissier dans le lieu de fabrication ou de stockage des contrefaçons pour constater l’existence et l’ampleur des contrefaçons (prendre des photographies, avoir accès aux listings de fournisseurs et de clients, consulter la comptabilité) voire plus rarement de saisir la marchandise litigieuse.
Cette procédure a pour but de fournir des preuves incontestables de la contrefaçon au titulaire du droit d’auteur.
- L’action en cessation
Cette action peut-être intentée soit lorsque le rapport de l’expert de la saisie-description est parvenu à l’auteur, soit elle est intentée immédiatement sans préalablement mener l’action en saisie-description.
Cette action est introduite aussi en urgence et vise à faire interdire au contrefacteur de continuer de copier illégalement la création de l’auteur car cet acte constitue une violation des droits d’auteur. Le jugement rendu établit que le contrefacteur a commis une faute ce qui présente un intérêt pour obtenir ensuite une indemnisation du préjudice. En effet, la procédure en cessation ne permet pas d’obtenir la condamnation à des dommages et intérêts.
- L’action en indemnisation du préjudice
Cette action est introduite par l’auteur selon la procédure classique et a pour objet d’obtenir la condamnation du contrefacteur à indemniser le préjudice subi par la commercialisation des contrefaçons (réparation intégrale).
La fixation des dommages et intérêts pour le préjudice causé se base notamment sur le montant des licences d’exploitation éludées pour les contrefaçons (manque à gagner) mais ne peut aboutir à un montant punitif, sans rapport avec le préjudice réel subi par la victime. Les dommages et intérêts peuvent aussi réparer la perte subie par le créateur du fait de l’atteinte à son monopole, à sa situation d’exclusivité, à son image de marque.
- La répression pénale des contrefaçons
Les atteintes portées au droit d’auteur constituent enfin des infractions pénales qui sont réglées par le Code de droit économique et peuvent être sanctionnées d’une amende pénale de 500 à 100.000 euros et d’un emprisonnement d'un an à cinq ans ou d'une de ces peines seulement (sanction de niveau 6).
Décembre 2018