Secrets d’affaires : un nouveau cadre juridique belge plus protecteur des entreprises détentrices de secrets !

Maître Éléonore Colson, avocate au barreau de Liège

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Depuis lors, un cadre juridique concret s’est peu à peu développé, tant au niveau européen qu’au niveau belge. Le 24 août dernier, la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection des secrets d’affaires est entrée en vigueur. Un petit tour d’horizon s’impose !

Qu’entend-on par « secrets d’affaires » ?

Pour être qualifiée de « secret d’affaires », une information doit remplir les conditions suivantes :
 

  • être « secrète » en ce sens que, dans sa globalité ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, elle n’est pas généralement connue des personnes appartenant aux milieux qui s’occupent normalement du genre d’information en question, ou ne leur est pas aisément accessible ;
     
  • avoir une valeur commerciale (parce qu’elle est secrète) ;
     
  • faire l’objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à la garder secrète (au moyen de clauses contractuelles par exemple).

 

Du moment que ces trois conditions sont remplies, l’information est considérée comme un secret d’affaires. Ce qui signifie que le secret ne doit pas être « déposé » ou enregistré d’une quelconque façon.

La loi belge du 30 juillet 2018

Dans le passé, toute personne souhaitant faire valoir la protection de ses secrets d’affaires pouvait le faire en s’appuyant sur la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, sur l’article VI.104 du Code de droit économique (actes de concurrence déloyale) ou bien encore, sur base de l’article 1382 du Code civil.

La loi du 30 juillet 2018 insère un nouveau titre, le titre 8/1 « secrets d’affaires », dans le Livre XI du Code de droit économique. Celui-ci consacre expressément la protection des secrets d’affaires.

Quand y a-t-il violation du secret ?

Le détenteur d’un secret d’affaires peut s’opposer à l’obtention, l’utilisation et la divulgation de ceux-ci. Mais attention, encore faut-il que l’acte en question soit considéré comme illicite.

Par exemple, l’obtention d’un secret d’affaires aux moyens du reverse engineering ou résultant d’une création indépendante sera considérée comme licite.

A contrario, l’obtention d’un secret d’affaires sans le consentement du détenteur est considérée comme illicite lorsqu’elle est réalisée par le biais :
 

  • d’un accès non autorisé à tout document ou objet contenant le secret d’affaires ;
     
  • de tout autre comportement qui, eu égard aux circonstances, est considéré comme contraire aux usages honnêtes en matière commerciale.

De la même façon, l’utilisation ou la divulgation d’un secret d’affaires est considérée comme illicite lorsque :
 

  • le secret d’affaires a été obtenu de façon illicite ;
     
  • elle a lieu suite à la violation d’un accord de confidentialité ou toute autre obligation de non-divulgation/limitation d’utilisation.

Quelles mesures le juge peut-il ordonner ?

En cas d’obtention, utilisation ou divulgation illicite, le détenteur du secret d’affaires peut demander au juge l’application de certaines mesures.

Le juge pourra ordonner :
 

  • la cessation ou l’interdiction de l’obtention, de l’utilisation ou de la divulgation du secret d’affaires ;
     
  • l’interdiction de produire, d’offrir, de mettre sur le marché ou d’utiliser des produits en infraction (idem pour l’importation, l’exportation ou le stockage) ;
     
  • le rappel des biens en infraction (lorsque ceux-ci se trouvent déjà sur le marché) ;
     
  • la suppression du caractère infractionnel du bien en infraction ;
     
  • la destruction des biens en infraction ou leur retrait du marché.

La victime pourra également obtenir réparation du préjudice subi, et ce, sur base d’un éventuel accord de confidentialité qu’elle aura signé, ou bien sur base de la loi du 30 juillet 2018 qui prévoit expressément le droit à la réparation.

Une procédure judiciaire confidentielle

Bien souvent, les entreprises détentrices de secrets d’affaires se montrent réticentes à l’idée d’agir en justice, de peur que la procédure dévoile davantage d’éléments confidentiels les concernant.

La loi du 30 juillet propose une innovation considérable sur ce point. Elle insère un nouvel article 871bis dans le Code judiciaire qui garantit aux détenteurs la confidentialité de leurs secrets d’affaires pendant et après la procédure judiciaire.

L’information pourra être qualifiée de confidentielle à la demande motivée d’une partie intéressée ou bien d’office. À noter que cette qualification pourra être demandée pour toutes les procédures, même celles qui ne visent pas à condamner l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’un secret d’affaires.

Le juge pourra, par exemple :
 

  • restreindre l’accès aux documents contenant des secrets à certaines personnes ;
     
  • restreindre l’accès aux audiences à certaines personnes (ainsi qu’aux procès-verbaux ou notes d’audience) ;
     
  • mettre à disposition des versions non confidentielles des décisions judiciaires dans lesquelles les passages contenant des secrets d’affaires ont été supprimés ou biffés.

Si le nouveau cadre juridique belge offre certaines perspectives réjouissantes aux entreprises détentrices de secrets, encore faut-il qu’il soit d’application. Chaque entreprise doit donc veiller à bien qualifier les informations confidentielles qu’elle détient de « secrets d’affaires » et à faire signer à ses employés, cocontractants, prestataires ou autres, des accords prévoyant des obligations de confidentialité. Il lui sera ainsi plus facile de démontrer que les informations, objets de la violation, doivent être qualifiées de secrets d’affaires et, par conséquent, bénéficient de la protection.