Les permanences de médiation : une innovation salutaire ?

La médiation est à la mode et l’on en parle à tous propos, parfois même de manière inadéquate, car certains processus présentés comme des médiations n’en ont pas les caractéristiques : la médiation impose le recours à un tiers neutre, indépendant et impartial (médiateur), en vue d’aider les parties à trouver elles-mêmes la solution à leur conflit.

Depuis la loi du 21 février 2005, la médiation est ancrée dans le code judiciaire (articles 1724 à 1737 du code judiciaire) comme MARC (mode alternatif de résolution des conflits – ADR en anglais pour alternative dispute resolution).

Le phénomène est devenu européen : une directive du 21 mai 2008 impose aux Etats Membres d’adapter leurs législations nationales afin de permettre aux tribunaux de suggérer aux parties le recours à la médiation dans les litiges transfrontaliers en matière civile et commerciale.

Plus récemment, un certain nombre de juridictions ont, avec la collaboration d’avocats médiateurs, instauré des permanences en vue d’expliquer aux justiciables l’intérêt du recours à celle-ci, suivies par un nombre croissant d’initiatives du même type.

Le tribunal de commerce et le barreau de Liège ont signé en date du 18 juin 2012 un protocole d’accord, qui souligne le souhait du Tribunal de Commerce de Liège de promouvoir la conciliation et la médiation commerciale comme mode alternatif de résolution des conflits et la volonté identique du Barreau de Liège, qui a lui-même constitué une Commission «médiation» active depuis plusieurs années.

Le protocole d’accord prévoit que le Tribunal de Commerce convoque les parties en vue de les informer de la possibilité de recourir à la procédure de médiation, de la possibilité de recourir à une permanence avec des médiateurs agréés, de les informer sur le processus et d’entamer la médiation si elles le souhaitent.

Le tribunal du travail de Liège a organisé de semblables permanences et de nombreuses autres initiatives sont en cours (tribunal de première instance de Liège, justices de Paix,…)

Comment peut-on entamer une médiation ?


La loi du 21 février 2005 prévoit 2 types de médiations :

  • La médiation judiciaire est une médiation demandée par les parties ou ordonnée par le Tribunal avec l’accord de cellez-ci lorsqu’une procédure judiciaire est introduite. Le médiateur est alors désigné par un jugement et doit faire part au Tribunal de l’ acceptation de sa mission et rendre compte au même Tribunal à l’expiration d’un délai de trois mois maximum de la conclusion ou non d’un accord.
  • La médiation volontaire est mise en place par les parties elles-mêmes, alors que le litige n’a pas été porté devant les tribunaux. Elle peut aussi intervenir en cours de procédure si les parties n’estiment pas utile de demander la désignation du médiateur par jugement. Les accords signés à l’issue d’une médiation volontaire sont homologables si le médiateur est agréé.

Un troisième type de médiation peut être envisagé a contrario des dispositions du code judiciaire : la médiation libre. Elle est exercée par un médiateur non agréé et ne respecte pas nécessairement le prescrit de la loi (notamment les règles relatives à l’interruption de la prescription - art. 1730 du code judiciaire). Les accords pris sous l’égide de médiateurs non agréés peuvent valoir transaction, si les parties se sont fait des concessions réciproques mais ne peuvent être homologués. L’article 1726 du code judiciaire prévoit que, pour obtenir l’agrément, le candidat médiateur doit entre autres:

  1. posséder, par l'exercice présent ou passé d'une activité, la qualification requise eu égard à la nature du différend;
  2. justifier, selon le cas, d'une formation ou d'une expérience adaptée à la pratique de la médiation;
  3. présenter les garanties d'indépendance et d'impartialité nécessaires à l'exercice de la médiation;

Les avocats, par leur expérience des différends, leurs qualités d’indépendance et leurs connaissances juridiques (qui leur permettent de vérifier le caractère exécutoire des accords conclus par les parties) ont un atout évident pour exercer les fonctions de médiateurs, à conditions d’avoir suivi avec fruit le cursus de formation ad hoc.

L’intervention des avocats en tant que conseils au cours de la médiation est souhaitable pour accélérer le processus et rassurer chaque partie quant au respect de ses droits.

La médiation a, par nature, un caractère confidentiel, qui vise tout ce qui se dit et s’écrit pendant le processus. Afin que les débats puissent se développer librement et sans entrave, les parties sont tenues à un devoir de confidentialité tandis que le médiateur est tenu au secret professionnel. L’espace de médiation est donc un lieu confidentiel dont les murs n’ont pas d’oreille. Aucune information obtenue dans le cadre de la médiation ne peut sortir de cet espace particulier.

A titre d’exemple, la médiation se justifie spécialement lorsque :

  • La solution juridique serait inéquitable ou emporterait des conséquences démesurées pour l’une ou l’autre des parties ;
  • La procédure s’éternise ou risque de s’éterniser en raison d’incidents prévisibles ;
  • La décision risque d’être difficilement exécutable ;
  • Les concessions réciproques sont envisageables mais n’ont pu être obtenues par une négociation classique ;
  • Le conflit résulte d’un malentendu et manifestement des explications réciproques s’avèrent souhaitables.
  • Les parties ont intérêt à poursuivre ou reprendre des relations commerciales continues;
  • Les parties ont besoin que leur conflit reste confidentiel ;
  • L’une des parties a besoin d’avoir rapidement une issue au conflit pour pouvoir envisager une cession de l’entreprise dans des conditions saines.

Son grand avantage réside dans la satisfaction pour les parties d’arriver à un accord négocié qu’elles acceptent car il leur convient. La valeur ajoutée du médiateur résulte des techniques qu’il met à profit pour arriver à une maturation du conflit bénéfique à la recherche solutions et pour mettre à profit la créativité nécessaire à l’aboutissement de la négociation.

En conclusion, la médiation en qualité de MARC visée par le code judiciaire permet aux parties de trouver une solution adaptée à leurs intérêts respectifs. La solution n’étant pas imposée aux parties est exécutée volontairement puisqu’elle fait l’objet d’un accord pris par les parties elles-mêmes. Elle sort du cadre strict d’application de la loi puisque, si elle respecte l’ordre public, la solution est imaginée par les parties elles-mêmes pour combler leurs besoins et intérêts.

Les permanences de médiation sont-elles utiles ? Oui, si l’on examine le nombre de médiations qui sont mises sur pied à l’issue de ces rencontre organisées sous l’égide du magistrat : il s’agit de susciter une réelle réflexion quant au mode de résolution des conflits qui sera le mieux adapté aux parties en cause et au litige.

Sont-elles salutaires ? Oui, car les réflexes des avocats et des parties sont encore trop souvent purement judiciaires, alors que les voies alternatives devraient à tout le moins être envisagées. Les anglo-saxons ont, à cet égard, comme dans d’autres domaines, quelques longueurs d’avance sur nous.

En pratique, les parties qui souhaitent recourir à la médiation peuvent :

  • Soit s’adresser à la ligne téléphonique ouverte au sein du tribunal de commerce de Liège (04/222.70.17 – Mme Jeanfils) ou par mail (à l'adresse : Klicken Sie hier, um die E-Mail-Adresse anzuzeigen. ).
  • Soit demander à leur avocat de les renseigner sur le processus, les noms des médiateurs agréés, de participer à la rédaction du protocole et de les assister dans la procédure de médiation
  • Soit choisir elle-même un médiateur agréé sur le site www.mediation-justice.be.

Il ne s’agit pas de forcer la médiation dont le mode volontaire est garanti par la loi mais d’aider au choix du mode de résolution des conflits le mieux adapté : permettre le choix en application de la pensée philosophique selon laquelle L’ignorant n’est pas libre.