Conséquences pour les entreprises de l'assujettissement à la TVA des avocats

1. Coût pour l’entreprise

La question de savoir si ce changement constitue ou non un coût pour les entreprises dépend évidemment du statut TVA  de l’entreprise cliente des services de l’avocat.
 

Si l’entreprise cliente de l’avocat est assujettie à la TVA et qu’elle dispose du droit de déduire intégralement la TVA sur les services qui lui sont portés en compte, les conséquences sont plus que limitées, et en tous cas indolores pour ses finances.
 

En effet, puisque cette entreprise bénéficie d’un droit intégral à la déduction, bien qu’elle doive désormais payer à son avocat un montant  majoré de 21 %  de TVA sur les honoraires portés en compte, cette différence de 21% de TVA, est déductible  dans son chef. Elle doit être reportée comme montant de  TVA déductible dans le cadre de sa déclaration périodique à la TVA, au même titre que tous les autres montants de TVA qu’elle supporte et qui sont déductibles sur base des règles usuelles.
 

Si l’entreprise cliente de l’avocat est assujettie à la TVA (parce qu’elle réalise des activités économiques) mais qu’elle ne dispose qu’en partie du droit à la déduction de la TVA, elle devra supporter le coût de la TVA non déductible.  Ainsi, une société qui  est assujettie « mixte »  est une entreprise qui effectue, en plus d’une activité pleinement soumise à la TVA,  des activités exemptées de TVA. Pensons à l’exemple d’une entreprise qui vend des biens qu’elle fabrique, mais qui, étant aussi propriétaire de biens immeubles, exerce également des activités de mise en location sous forme de baux d’immeubles, activités de locations qui sont exemptées de TVA.
 

Pour ces entreprises qui n’ont pas le droit de déduire intégralement la TVA,  il va de soi que la partie non déductible de la TVA due sur les services de l’avocat, viendra s’ajouter à ses coûts d’achat de biens et services, ainsi que de ses investissements. Ici, la fin de l’exemption des services d’avocats se traduit par un alourdissement des charges par rapport à la période antérieure (toutes autres choses étant égales).
 

2. Formalités TVA pour l’entreprise 

Les avocats sont  des acteurs de la vie économique qui achètent des biens et services auprès des entreprises et ils sont désormais des assujettis non exemptés.
 

Lorsqu’une entreprise assujettie à la TVA et tenue au dépôt de déclarations périodiques à la TVA compte des avocats parmi ses clients, elle devra, à partir de l’année 2014, ne pas omettre de mentionner le n° de TVA de ses clients avocats sur les factures qu’elle leur adresse. Elle prendra également soin d’inclure ce nouveau type de clients assujettis non exemptés au sein de la liste annuelle des clients assujettis ( formulaire qui est à rentrer avant le 31 mars de chaque année pour l’année calendrier précédente).
 

3. Autres points d’attention

3.1. Moment de la déduction des TVA portées en compte par les avocats

Compte tenu des règles particulières applicables en matière de fait générateur de la TVA, la TVA est assurément déductible au plus tard au moment de son paiement. Toutefois, selon les situations, la TVA peut être déductible avant le paiement (notamment en cas d’établissement d’un décompte pour prestations successives établi et émis par l’avocat ou lorsque des prestations achevées sont portées en compte par celui-ci).
 

Relevons que depuis le 1er janvier 2013, en ce qui concerne les prestations de services, l’émission d’une facture elle-même ne coïncide plus nécessairement avec le moment de la naissance du droit à la déduction dans le chef de celui qui la reçoit. Ce n’est que si l’émetteur de la facture a choisi de conserver la facturation survenant avec le fait générateur ou l’encaissement comme une cause d’exigibilité de la TVA qu’il en va ainsi. Ce régime transitoire qui n’est plus conforme à la loi  est en principe appelé à disparaître. L’assujetti qui émet la facture a encore le droit d’opter pour prendre en considération la facturation comme cause d’exigibilité pour une période transitoire débutant le 1er janvier 2013 et qui a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2014 par le gouvernement.  En vertu des règles européennes en matière de TVA, le moment d’établissement d’une facture ne doit plus constituer une cause d’exigibilité spécifique de la TVA et c’est au moment de l’achèvement du service (ou l’établissement d’un décompte intermédiaire en cas de services successifs) que survient le fait générateur de la TVA. C’est à ce moment que la TVA est due par le prestataire du service rendu  et que la TVA est aussi déductible par l’assujetti  bénéficiaire desdits services.
 

3.2. Secret professionnel

Pour toute entreprise, recourir aux services d’un avocat reste une démarche qui ne peut être banalisée, ni assimilée purement et simplement à l’achat de n’importe quel type de services professionnels.
 

Et pourquoi cela ? Parce que le conseil et la défense en justice sont des activités qui doivent bénéficier de nombreuses garanties, caractéristiques d’un État de droit.
 

La pierre angulaire des garanties d’un État de droit se cristallise notamment dans la portée du  secret professionnel qui s’attache à l’activité de l’avocat, et qui protège le client de l’avocat et non l’avocat lui-même.
 

Dans le contexte du passage à la TVA de la profession d’avocat, le difficile équilibre entre les nécessaires contrôles croisés entre clients et fournisseurs de services par les autorités de la TVA et les exigences de secret professionnel liées aux activités des avocats est loin d’être abouti.
 

À cet égard, il parait intéressant d’attirer l’attention de tous sur un des compromis qui concerne tous les entrepreneurs et notamment les entrepreneurs qui exercent leurs activités en tant que personnes physiques.
 

La nature des services rendus par l’avocat à son client entrepreneur sont couverts par le secret professionnel. Or, le droit à la déduction à la TVA dans le chef d’un client de l’avocat ne peut pas être octroyé si les services demandés à l’avocat sont étrangers à l’activité économique de ce client. Dans ce contexte, la circulaire administrative du 20 novembre 2013 précitée a admis que la facture de l’avocat sera jugée suffisamment précise quant à la nature des services rendus par l’avocat, si elle porte l’une ou l’autre des mentions suivantes :

  • Prestations d’avocats à des fins professionnelles, ou

  • Prestations d’avocats à des fins privées.
     

Il est donc vivement conseillé aux entreprises d’être attentives à exercer leur droit à déduction de la TVA qui leur est portée en compte, en respectant le principe de non-déduction des frais d’avocats encourus pour des fins privées de l’assujetti client. À défaut, il est bon de rappeler à tous que l’exercice irrégulier du droit à déduction par un déclarant à la TVA expose celui-ci à  des amendes et des pénalités substantielles, a fortiori, s’il peut être établi que  ces irrégularités ne sont pas involontaires.
 

Enfin, nous recommandons aux entreprises clientes des services d’avocats d’organiser d’emblée la tenue de leurs documents et justificatifs comptables de manière à donner une portée réelle à l’avantage que constitue le secret professionnel auquel elles ont droit dans leurs échanges avec leur avocat. Ainsi, l’on évitera de classer parmi les documents comptables avec la facture formelle au sens TVA, lesquels sont ouverts à tous vents lors de tout contrôle fiscal, les correspondances confidentielles et relevés détaillés des prestations fournies par ses avocats qui sont - quant à eux - bien couverts par le secret professionnel.
 

Le tout n’est pas d’avoir des droits, encore faut-il se donner les moyens d’en jouir utilement (voire même pourquoi pas, avec une certaine forme de plaisir).
 

(1) Mentionnons les rares exceptions. Font ainsi l’objet d’une exemption, les prestations que l’avocat accomplit en tant que médiateur de dettes, d’administrateur provisoire d’une personne incapable de gérer ses biens, ou encore en qualité de tuteur, de tuteur ad hoc ou de médiateur familial. Quant aux prestations accomplies dans le cadre de l’aide juridique (pro deo), elles ne sont pas exemptées, mais taxées au taux de 0 % (Circulaire AGFisc n° 47/2013 (E.T. 124.411) d.d. 20 novembre 2013).