Administrateurs : plus moyen d’échapper à la TVA à partir du 1er juin 2016 ?

Me Vanessa Huynh, avocate au barreau de Liège

Vous êtes administrateur d’une société et vous n’êtes pas encore assujetti à la TVA. Il se pourrait que les nouvelles dispositions en matière de TVA vous obligent désormais à vous assujettir et à soumettre vos prestations à la TVA. Dans quel cas êtes-vous tenu de vous assujettir à la TVA ? N’existe-t-il pas des exceptions ?

L’administration a mis fin à la tolérance permettant aux administrateurs-personnes morales de choisir de soumettre ou non à la TVA leurs prestations d’administrateurs.

Depuis le 1er juin 2016, les administrateurs-personnes morales n’ont plus le choix : ils doivent soumettre leurs prestations d’administrateurs à la TVA, ce qui crée inévitablement des complications administratives et comptables pour ces derniers qui n’avaient pas d’autres activités soumises à la TVA (immatriculation à la TVA, dépôt de déclarations périodiques à la TVA, etc.).

Tous les administrateurs ne sont toutefois pas concernés par cette mesure. Il existe des exceptions !

Préalable : seuls les administrateurs-personnes morales sont concernés

La situation des personnes physiques agissant comme administrateur, gérant ou liquidateur d’une société ne change pas : elles sont toujours considérées comme des non-assujettis à la TVA et ne doivent pas soumettre leurs prestations d’administrateurs à la TVA.

Possibilité de bénéficier du régime de la franchise 

Les administrateurs-personnes morales peuvent demander à bénéficier du régime de la franchise pour les petites entreprises si leur chiffre d’affaires annuel ne dépasse pas 25.000 EUR.

Le régime de la franchise a comme avantage que l’administrateur-personne morale ne devra pas appliquer de la TVA sur ses prestations de services (mandat d’administrateur et éventuellement d’autres prestations).  Cependant, en contrepartie, l’administrateur-personne morale n’aura pas le droit de déduire de la TVA supportée sur ses achats de biens et de services.

Former une unité TVA  avec la société dans laquelle le mandat d’administrateur est exercé

Les rémunérations des administrateurs-personnes morales ne sont pas soumises à la TVA si ces derniers, ainsi que la personne morale au sein de laquelle ils exercent leur mandat d’administrateurs, sont membres de la même unité TVA.

L’unité TVA consiste en effet à considérer comme un seul assujetti à la TVA des personnes qui sont indépendantes juridiquement mais qui sont étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et organisationnel.

En pratique, cela signifie que les  opérations (livraisons de biens et prestations de services) réalisées entre les membres de l’unité TVA, appelées opérations internes, n’entrent pas dans le champ d’application de la TVA.

Dès lors, si l’administrateur-personne morale et la société dans laquelle il exerce son mandat d’administrateur font partie de la même unité TVA, les prestations de services réalisées par l’administrateur-personne morale pour la société dans laquelle il est administrateur ne sont pas soumises à la TVA (et inversement).

Les livraisons de biens et les prestations de services réalisées par des tiers/fournisseurs à chaque membre sont faites, pour l’application de la TVA, à l’unité TVA.

Les livraisons de biens et les prestations de services faites par chaque membre de l’unité TVA à des tiers à l’unité TVA, appelées opérations externes, sont réalisées par l’unité TVA.

Le système permet donc que les opérations réalisées entre les membres ne soient pas soumises à la TVA.

Il permet également de rationaliser les obligations administratives des sociétés en ce sens que, l’unité TVA étant un assujetti unique, c’est elle qui assume tous les droits et toutes les obligations de ses membres.

Les autres exemptions  en matière de TVA  restent d’application

Une opération (prestation de services ou livraison de biens) est soumise à la TVA pour autant qu’une exemption de TVA ne soit pas applicable.

Les prestations des administrateurs-personnes morales n’échappent pas à cette règle.

Il se peut en effet qu’un administrateur-personne morale fournisse à la personne administrée d’autres services que ceux liés à sa mission statutaire « pure » de gestion, de contrôle et de direction. Tous les services prestés par l’administrateur-personne morale doivent donc être analysés de manière distincte.

Exemple : Une société de courtage en assurances a fait l’apport d’un portefeuille à une société opérationnelle. En échange, la société de courtage aura un mandat d’administrateur dans la société opérationnelle. Par ailleurs, la société de courtage a négocié le fait qu’elle pourrait continuer à s’occuper de la clientèle et d’intervenir en tant  qu’intermédiaire en assurances pour cette clientèle. Dans cette hypothèse, outre sa rémunération d’administrateur de la société opérationnelle, la société de courtage peut se voir rétrocéder un pourcentage des commissions de courtage perçues par la société opérationnelle en contrepartie de son intervention dans la conclusion des contrats.

En principe, il appartient à l’administrateur-personne morale de déterminer de manière objective et formalisée la répartition de ses revenus d’administrateur, entre d’une part, les prestations soumises à la TVA (qualité d’administrateur « pure ») et d’autre part, les  activités qui seraient exemptées de TVA en application des règles TVA  (comme par exemple des prestations d’intermédiaire en assurance).

Lorsque l’administrateur-personne morale n’effectue pas une telle répartition objective, l’administration fiscale a prévu une répartition applicable par défaut.  Ainsi, selon l’administration,
25 % au moins de la rémunération perçue par l’administrateur-personne morale doivent être considérés comme de la rémunération de ses fonctions d’administrateur « pures » et donc soumis à la TVA.

Autrement dit, à tout le moins, dans le cas où un administrateur-personne morale, qui effectuerait des prestations exemptées de TVA dans le cadre de son mandat d’administrateur, n’arrivait pas à déterminer de manière objective la proportion exacte (pourcentage) entre ses revenus d'administrateur exemptés de TVA et ceux qui ne le sont pas, l’administration considérera que le pourcentage suivant s’applique :

  1. 25% de ses revenus relatifs à son mandat d’administrateur sont soumis à la TVA ;
  2. 75 % de ses revenus relatifs à son mandat d’administrateur sont exemptés de TVA.

Ces pourcentages étant applicables par défaut, l’administrateur-personne morale peut démontrer objectivement (le descriptif de sa fonction d’administrateur, l’objet mentionné dans ses statuts, l’activité de la société administrée, etc.) que plus de 75 % de ses revenus d’administrateur (voir même la totalité) sont exonérés de TVA.

Il ressort de ce qui précède, qu’au-delà de la règle selon laquelle les administrateurs-personnes morales doivent désormais être assujettis à la TVA, il y a lieu d’être attentif à la situation spécifique de chacun d’entre eux.  Cela  pourra en effet leur permettre d’éviter une charge administrative et comptable en inadéquation avec leur réalité économique.

Pour le surplus, il est renvoyé à la décision administrative n°E.T.127.850 du 30 mars 2016, laquelle comporte des nuances complémentaires.  En tout état de cause, il est préférable de consulter un avocat fiscaliste, lequel pourra alors vous proposer une solution adaptée à votre situation.