L’apport d’universalité ou de branche d’activités

Me Bénédicte Comans, avocat au barreau de Liège

 

Plusieurs possibilités s’offrent à la société désirant se restructurer. Ainsi, outre la fusion et la scission, la société peut décider de procéder à un apport d’universalité ou de branche d’activités. Ces apports s’apparentent économiquement à la scission mais n’entraînent pas la disparition d’une personnalité juridique.

Le siège de la matière se trouve aux articles 759 et suivants du Code des sociétés.

 

L’apport d’universalité consiste en un transfert de l’intégralité du patrimoine d’une société, actif et passif, à une ou plusieurs sociétés, existantes ou nouvelles, en échange exclusivement d’actions ou parts bénéficiaires de la ou des sociétés recevant cet apport.

Ainsi la société A (société apporteuse) transfère l’ensemble de ses actifs et passifs à la société B (société bénéficiaire) et reçoit en contrepartie des actions de la société B. La société A continue ainsi d’exister.

 

Dans l’hypothèse d’un apport de branche d’activités, ce n’est pas l’entièreté du patrimoine qui est transmis mais uniquement une branche d’activité. Celle-ci consiste en un ensemble  qui du point de vue technique et sous l’angle de l’organisation, exerce une activité autonome et est susceptible de fonctionner par ses propres moyens. A la différence de l’apport d’universalité, la branche d’activités ne peut être apportée qu’à une seule autre société. Cela s’explique par le fait que la branche d’activités constitue un ensemble autonome.

 

Le régime qui va être abordé ci-dessous est optionnel en ce qui concerne l’apport de branche d’activités. Si l’on décide de ne pas suivre ce régime, l’apport n’entrainera pas de plein droit le transfert à la société bénéficiaire des actifs et passifs s’attachant à la branche d’activités.

 

 

1. Procédure

 

 

  • Le projet d’apport

     

    Que ce soit pour un apport d’universalité ou de branche d’activité, l’organe de gestion de chacune des sociétés participant à l’opération doit établir un projet d’apport. Ce projet peut prendre la forme d’un acte authentique ou d’un acte sous seing privé et doit contenir diverses mentions déterminées à l’article 760 du Code des sociétés (informations relatives à l’identité des sociétés participantes et à la prise d’effet de l’opération d’un point de vue juridique et comptable). Il n’est par ailleurs pas requis de mentionner le nombre d’actions émises en rémunération de l’apport.

     

    En cas d’apport d’universalité à plusieurs sociétés bénéficiaires ou d’apport de branche d’activités, le projet doit également indiquer quels actifs et passifs sont transmis à quelle société.

     

    Le projet d’apport doit être déposé au greffe du tribunal de commerce par chacune des sociétés participantes au moins 6 semaines avant la réalisation de l’apport. Lors d’un apport d’universalité, le projet doit être déposé au greffe au moins 6 semaines avant la tenue de l’assemblée générale de la société apporteuse (cfr infra).

     

     

  • L’intervention de l’assemblée générale et le rapport de l’organe de gestion

     

    Ici, il y a lieu de distinguer l’apport d’universalité de l’apport de branche d’activités. Les règles différeront également selon que l’on se trouve du côté de la société apporteuse ou bénéficiaire.

     

    La loi impose en effet la tenue d’une assemblée générale décidant de l’apport uniquement pour la société apporteuse et pour les apports d’universalité.

     

    Dans ce cas, l’organe de gestion de la société apporteuse doit au préalable établir un rapport écrit et circonstancié exposant la situation patrimoniale des sociétés concernées et expliquant d’un point de vue juridique et économique l’opportunité, les conditions, les modalités et les conséquences de l’apport. Ce rapport doit être communiqué avec le projet d’apport aux actionnaires au moins 1 mois avant la tenue de l’assemblée générale.

     

    Lors de l’assemblée générale, l’apport ne pourra être décidé que si les quorums de présence (1/2) et de vote (3/4) sont remplis conformément à l’article 558 du Code des sociétés. Ces quorums peuvent être renforcés par disposition statutaire. La décision de l’assemblée générale ne doit pas prendre la forme d’un acte authentique.

     

     

    Il n’est pas nécessaire de convoquer l’assemblée générale de la société apporteuse lorsqu’il s’agit d’un apport de branche d’activités. L’organe de gestion peut dès lors décider seul d’une telle opération (sauf disposition contraire des statuts). La décision de l’apport a alors lieu lors de la rédaction du projet d’apport.

     

     

    Concernant la société bénéficiaire, toute opération d’apport, que ce soit d’universalité ou de branche d’activités, consiste en un apport en nature. En conséquence, les règles spécifiques à l’apport en nature seront d’application (notamment la rédaction d’un rapport par le conseil d’administration ainsi que par un réviseur d’entreprise). Une assemblée générale sera requise sauf si l’apport est fait par voie de capital autorisé ou dans l’hypothèse où la société bénéficiaire est constitué au moment de l’apport.

     

     

    Il est important de noter que contrairement aux fusions et scissions, la loi n’a pas prévu que l’opération s’effectuait « automatiquement ». Tous les actes doivent dès lors être assortis de la condition suspensive de la prise de décision de réaliser le transfert par chaque société.
     

  • Publicité

    L’acte constatant l’apport (PV de l’assemblée générale ou projet d’apport de l’organe de gestion) doit ensuite être déposé au greffe du tribunal de commerce et publié dans les 15 jours du dépôt aux annexes du Moniteur belge.

    L’apport ne sera opposable aux tiers que lors de sa publication.

 

2. Sanction en cas de non-respect des formalités

Contrairement aux fusions et scissions, le non-respect des formalités prévues par le Code des sociétés n’est jamais sanctionné par la nullité. Les tiers pourront en revanche se prévaloir de l’inopposabilité de l’opération à leur égard.

 

 

3. Impact sur les créanciers de chacune des sociétés participantes

 

Les créanciers disposant d’une créance antérieure à la décision de l’opération à l’encontre de l’une ou l’autre des sociétés participantes peut, au plus tard dans les 2 mois de la publication de l’apport exiger une sûreté.

 

Cette demande peut être écartée par chacune des sociétés en payant la créance. A défaut d’accord ou si le créancier n’est pas payé, la contestation est soumise au président du tribunal de commerce siégeant comme en référé qui décidera de l’établissement ou non de la sûreté ainsi que du délai pour la constituer. Si la sûreté n’est pas fixée dans les délais, la créance devient immédiatement exigible, les sociétés concernées étant solidairement tenues.

 

Septembre 2016