Formalités administratives, comptables et fisco-sociales préalables
Me Virginie Bloom, avocate au barreau de Liège
Avant de lancer son activité, la personne physique (qui entend exercer une activité professionnelle à titre indépendant) ou le dirigeant d’une société (personne morale) va devoir veiller à réaliser différentes démarches, au besoin en se faisant conseiller par un avocat et un comptable. Il devra en effet répondre aux obligations suivantes en matières fiscale, sociale et comptable :
I. Inscription à la Banque-Carrefour des Entreprises
La Banque-Carrefour des Entreprises (BCE) est une banque de données créé au sein du SPF Economie centralisant les données d'identification des entreprises au sens large [personnes physiques exerçant une activité professionnelle à titre indépendant (avocats, médecins, comptables, professions paramédicales, comme logopédiste,...), personnes morales (sociétés et associations) de droit belge ou de droit étranger possédant un siège ou une succursale en Belgique, tout organisation même non dotée de la personnalité juridique se livrant à des opérations juridiques et convenant de droits et obligations avec des tiers, …] et leurs unités d’établissement (exemples : ateliers, magasins, points de vente, bureaux, directions, sièges, agences et succursales).
Le législateur impose l’inscription préalable à l’exercice de l’activité.
Lorsqu’il s’agit d’une entreprise personne morale (formes juridiques les plus courantes : SPRL, SA, SCRL, …), un acte constitutif devra être rédigé devant notaire sur base d’un plan financier, lequel sera déposé en une seule fois et de manière électronique auprès de la BCE, du greffe du tribunal de l’entreprise et du Moniteur belge. Le fait de déposer l’acte constitutif au greffe du Tribunal de l’entreprise entraîne comme conséquence l'octroi d'un numéro d'entreprise par la Banque-Carrefour des Entreprises mais l’entreprise devra néanmoins se faire inscrire auprès d'un guichet d'entreprises (ACERTA, XERIUS, EUNOMIA, FORMALIS, SECUREX, PARTENA, ZENITO ou UCM) en tant qu’entreprise soumise à inscription .
Les personnes physiques ainsi que les unités d’établissement doivent quant à eux passer uniquement par un guichet d’entreprises pour obtenir leur numéro d'entreprise auprès de la Banque-Carrefour des Entreprises.
Les données suivantes seront enregistrées dans la BCE :
- le numéro d’entreprise et les numéros d'unité d'établissement ;
- le nom, la dénomination ou la raison sociale ;
- la forme juridique ;
- le type d’entité (personne physique ou morale) ;
- les adresses du siège social et des éventuelles unités d’établissement en Belgique ;
- la situation juridique (active, en faillite,…) ;
- les dates de création et de cessation de l’entité enregistrée ou de l’unité d’établissement ;
- les données d’identification des fondateurs, mandataires et fondés de pouvoir ;
- les activités économiques qu’exerce l’entité enregistrée ;
- les capacités entrepreneuriales ;
- les autorisations, licences et agréments dont dispose l’entité enregistrée ou les qualités sous lesquelles cette dernière est connue auprès des différents services, autorités et administrations ;
- les références au site web de l’entité enregistrée, son numéro de téléphone, de fax ainsi que son adresse mail, c’est-à-dire les données de contact de l’entreprise ;
- les informations financières suivantes : montant du capital social, date de fin de l’exercice comptable, et, le cas échéant, date de début et de fin de l’exercice comptable exceptionnel, date de l’assemblée générale ordinaire ;
- radiation d’office suite au non-dépôt des comptes annuels ;
- le ou les compte(s) bancaire(s) ;
- les qualités sous lesquelles l’entité enregistrée est inscrite.
Les entités enregistrées doivent, en outre, demander la modification de leur inscription, afin que celle-ci soit, en tout temps, conforme à la réalité. Il en va de même pour la radiation d’une inscription.
Certaines données de la BCE sont publiquement consultables avec l’application Public Search.
Toute entité enregistrée à la BCE se voit attribuer un numéro d’entreprise ; il s’agit d’un numéro d’identification unique par entreprise (ce numéro d’entreprise remplace le numéro de registre de commerce, le numéro TVA et le numéro ONSS). Le numéro d’entreprise se compose de dix chiffres.
Les entreprises doivent mentionner leur numéro d’entreprise sur l’ensemble des documents sortants (facture, ordre, e-mails, fax, tickets de caisse, annonces, lettres,…), les bâtiments et les moyens de transport (commerce ambulant, construction).
Mode de notation : Si assujetti à la TVA : TVA BE 0123.456.789
Si non assujetti : 0123.456.789
Tarif (2018) pour l’inscription à la BCE : Activités « commerciales » = 87 € (non soumis à TVA)
Activités « non commerciales » = gratuit (1ère inscription)
II. Tenue d’une comptabilité et établissement des comptes annuels
Dès lors que la comptabilité est admise à faire preuve non seulement à l'encontre de l'entreprise qui la tient, mais également à son profit, il est normal que le législateur formule un certain nombre d'exigences quant aux qualités intrinsèques auxquelles la comptabilité des entreprises doit répondre (Livre III, Titre III, ch. 2 du Code de droit économique, ci-après CDE).
Elle permet également à l’entreprise qui la tient de dégager et chiffrer les résultats, de trouver une rentabilité et de mettre en évidence les éléments qui orienteront les activités futures. A l’égard des tiers, elle permet notamment de dégager les causes d’une éventuelle défaillance ou de détecter une situation de faillite.
De manière générale :
- la comptabilité doit être complète, c’est-à-dire couvrir l'ensemble des opérations, des avoirs et droits de toute nature, des créances, dettes, obligations et engagements de toute nature de l’entreprise (personne physique ou morale) ;
- l'enregistrement (c’est-à-dire l'inscription) des opérations doit être opéré, sans retard, de manière fidèle et complète et par ordre de dates ;
- toute écriture doit s'appuyer sur une pièce justificative datée et porte un indice de référence à celle-ci ;
- les documents comptables doivent être conservés pendant sept ans (intérêt à les conserver 10 ans pour la récupération de créances généralement soumises à la prescription décennale).
L’étendue des obligations comptables varie néanmoins en fonction de la taille des entreprises. Le Code des sociétés permet quant à lui de distinguer trois types de sociétés (Art 15 et 15/1 C. Soc) selon des critères liés au CA, au total du bilan et au nombre de travailleurs occupés (les micro-sociétés, les petites sociétés et les grandes sociétés). Le CDE fait la distinction entre les entreprises qui sont tenues à une comptabilité simplifiée et celles qui sont tenues à une comptabilité complète.
1/ Celles qui sont tenues à une comptabilité simplifiée sont généralement qualifiées de « petites entreprises ». Elles sont exercées soit en personne physique, en organisation sans personnalité juridique, en société en nom collectif (SNC) ou en société en commandite simple (SCS) et ont un chiffre d’affaires annuel qui n’excède pas 500.000 € (A.R. 21 octobre 2018, art. 1).
Ces entreprises peuvent se contenter d'une comptabilité simplifiée, comprenant :
- Un journal financier, reprenant les mouvements des disponibilités en espèces ou en compte, avec description de l'objet des opérations et mention spéciale des prélèvements privés, ainsi que les soldes journaliers en espèces / en caisse ;
- Un journal des achats, reprenant les achats, les importations effectuées et les prestations reçues, avec mention du montant, du mode et de la date des paiements qui s'y rapportent, (factures entrées - enregistrées par date de réception) ;
- Un journal des ventes, reprenant les ventes, les exportations, les prestations fournies et les prélèvements en nature privés, avec mention du montant, du mode et de la date des encaissements qui s'y rapportent (factures sorties – enregistrées suivant date d’émission) ;
- Un livre d’inventaire.
2/ les sociétés :
Si l’entreprise ne rentre pas dans les critères imposés aux petites entreprises, elle est tenue à une comptabilité complète, mais une nouvelle distinction est établie entre les entreprises sujettes au dépôt de comptes annuels sous la forme abrégée et aux entreprises qui doivent les déposer sous la forme complète.
2.1. les micro-sociétés :
Sont celles qui, n'étant pas de petites entreprises, ne dépassent pas plus d'une des limites suivantes: 10 travailleurs occupés, 700.000 € de chiffre d'affaires annuel HTVA, 350.000 € de total de bilan (étant entendu que dans le cas d'une entreprise liée à une autre, ces chiffres sont à apprécier sur une base consolidée). Si une entreprise dépasse deux de ces trois critères durant deux années consécutives, elle changera de catégorie.
Leur principal avantage consiste dans le fait qu'elles ont la faculté d'établir leurs comptes annuels selon un micro schéma simplifié, outre quelques avantages fiscaux (tax shelter, taux plus élevé de déduction pour investissement,…).
2.2. les petites sociétés :
Sont celles qui, n'étant pas de petites entreprises, ne dépassent pas plus d'une des limites suivantes: 50 travailleurs occupés, 9.000.000 € de chiffre d'affaires annuel HTVA, 4.500.000 € de total de bilan (étant entendu que dans le cas d'une entreprise liée à une autre, ces chiffres sont à apprécier sur une base consolidée).
Ces entreprises doivent tenir une comptabilité complète mais selon un schéma abrégé, c'est-à-dire couvrant l'ensemble de leurs activités professionnelles et conforme aux règles usuelles de la comptabilité en partie double.
2.3. les grandes sociétés :
À savoir toutes les autres, c’est-à-dire concrètement celles qui dépassent plus d'une des limites susvisées.
Le dépassement par une société des critères de taille de la grande entreprise entraîne les conséquences suivantes (en plus des obligations susvisées pour les micro et petites sociétés) :
- Obligation d'établir et de publier les comptes annuels selon le schéma complet ;
- Obligation d'établir et de publier un rapport de gestion (articles 94 et suivants du Code des sociétés) ;
- Obligation, sauf exception, de nommer un commissaire (réviseur) chargé du contrôle des comptes annuels (article 142 du Code des sociétés).
Pour toutes les sociétés, les comptes annuels sont en principe établis sur un modèle de continuité de l’entreprise. La périodicité est le découpage de la vie de la société en tranches de 12 mois qui correspond à un exercice comptable. A chaque périodicité, il faut établir les comptes annuels de l’entreprise :
- le bilan (avoirs et dettes de l’entreprise) ;
- le compte de résultat (bénéfice ou perte de l’année) ;
- les annexes (informations complémentaires).
Les comptes annuels doivent être publiés dans les 30 jours de leur approbation par l'assemblée générale annuelle des associés dont la date est fixée par les statuts et au plus tard sept mois après la date de clôture de l'exercice comptable (soit de manière générale au plus tard le 31/07 lorsque l’exercice comptable se termine le 31/12 de chaque année). Ils sont consultables sur le site de la BNB (https://www.nbb.be/fr/centrale-des-bilans).
III. Etre immatriculé à l’administration de la TVA
Toute entreprise doit déposer une déclaration de commencement d’activité au bureau de contrôle de la TVA dont dépend son domicile / son siège social (qui doit être le siège administratif réel) pour obtenir son immatriculation. Elle doit se munir d’un extrait fourni par la BCE et d’un numéro de compte bancaire.
IV. S’affilier à une caisse d’assurances sociales
• personnes physiques / dirigeant :
- avant le démarrage de l'activité d'indépendant
- cotisations proportionnelles aux revenus
• sociétés :
- dans les 90 jours qui suivent sa constitution
- cotisation annuelle forfaitaire
V. Disposer d’un compte auprès d’un organisme financier (compte bancaire professionnel)
Le numéro de compte doit être inscrit sur tous les documents commerciaux provenant de l’entreprise par lesquels elle réclame le paiement, de même que le nom de l’établissement financier où le compte est établi. La sanction de ces obligations est simple : aussi longtemps que ces indications n’ont pas été communiquées au débiteur, les intérêts moratoires ne sont pas dus, nonobstant toute mise en demeure, sommation ou clause contractuelle. (AR n° 56 du 10 novembre 1967)
VI. S’immatriculer comme employeur à l’ONSS (facultatif)
L’entreprise qui veut engager du personnel pour la première fois (un ou plusieurs travailleurs) est tenue d'en informer l'O.N.S.S. en vue de l’attribution de sa qualité d’employeur, soit via le service en ligne Wide de l’ONSS, soit par l’intermédiaire d’un secrétariat social agréé.
VII. Poids et mesures
Obligation d’utiliser le système métrique décimal. Les poids et mesures doivent être vérifiés avant d’être exposés à la vente ou utilisés comme outils de mesure.
Décembre 2018