Droit des marques

Me Damien Dessard, avocat au barreau de Liège

 

Qu’est-ce qu’une marque ?

La marque est un « signe », au sens large du terme, qui peut être soit uniquement verbal, soit uniquement graphique, soit encore une association des deux. Elle servira à distinguer les produits ou les services vendus par une entreprise ou une personne physique.  Il s’agit donc en quelque sorte de l’ « étiquette » sous laquelle est vendu un produit ou une prestation de services émanant de l’entreprise « X » ou de Monsieur ou Madame « Y ».

La marque se distingue de la dénomination commerciale d’une entreprise par le fait qu’elle doit faire l’objet d’un enregistrement particulier. 

 

Quelle est la raison de l’enregistrement d’une marque ?

La première fonction de la marque est bien évidemment celle de l’identification pour le consommateur de l’objet ou du service qu’elle désigne.  Grâce à celle-ci, et aux campagnes publicitaires l’accompagnant, le consommateur reconnaît, à terme, le service ou le produit qu’elle recouvre.

Par ailleurs, comme évoqué ci-dessus, la marque a également une fonction publicitaire indéniable.  On pense par exemple, à certains slogans, comme « Les hommes savent pourquoi »®, qui sont notamment utilisés dans les publicités radio, et qui sont enregistrés au titre de marque. Ils apportent une réelle plus-value à la bonne connaissance par le consommateur du produit ou du service visé et dès lors, in fine, au bon résultat des ventes.

Il est bien connu de tous que grâce à des investissements publicitaires importants, certaines marques, en elles-mêmes, ont acquis une valeur pour celui ou celle qui les possède et qui détient alors entre ses mains un réel actif à valoriser dans le cadre d’opérations juridiques diverses.

On peut donner à titre d’exemple : une entreprise automobile de marque connue qui tombe en faillite et dont la marque est vendue parfois très chère par le curateur car elle représente aux yeux du public un pouvoir attractif et une réputation certaine. Ce sera parfois même le seul actif réellement valorisable par le curateur.

Enfin, la marque a également une utilité quant à l’indication d’origine d’un produit ou d’un service et quant à ses critères de qualité.  Il s’agit là certainement d’un des rôles essentiels, du moins d’un point de vue économique, de la marque qui n’a cependant pas toujours de réalité technique, concrète.

 

Comment cela fonctionne-t-il ?

Une marque s’enregistre pour un territoire bien spécifique.  Nous connaissons essentiellement, pour ce qui nous concerne, les marques dites « benelux » qui sont donc valables sur les trois pays composant le Benelux et les marques « communautaires » qui sont valables dans tous les pays de la communauté européenne.

Une fois le signe qui fera l’objet de la marque choisi, il est relativement aisé de procéder à son enregistrement mais quelques conseils s’imposent néanmoins …

En effet, une marque de produits ou de services s’enregistre pour une ou plusieurs classes bien spécifiques de produits ou de services.  Ces différentes classes ont fait l’objet d’un ordonnancement bien spécifique dit de la « classification de Nice ».  On y retrouve de la classe 1 à classe 34 tous les différents types de produits qui vont des produits alimentaires aux produits textiles en passant par les jeux, mobiliers d’intérieur, …

A partir de la classe 35 et jusqu’à la classe 45, se trouvent toutes les prestations de services comme la gestion d’affaires commerciales, les services de publicité, les services de restauration, d’hébergement, …

Il est bien évidemment primordial à ce stade de bien choisir parmi ces différentes classes le ou les produits et/ou services qui feront l’objet de la demande de protection au titre de marques et ce, en fonction de l’activité dans l’entreprise ou de la personne physique.  Il faut donc bien entendu parfaitement cibler l’activité actuelle mais également penser à ce que pourrait être son développement futur.

Une fois ce choix réalisé, la procédure d’enregistrement peut débuter.  Si l’activité de l’entreprise est limitée à la région du Benelux et n’a pas vocation à s’étendre en dehors de celle-ci, une marque Benelux sera utilement choisie, d’autant que la taxe d’enregistrement de cette marque à payer à l’Office Benelux de la Propriété Intellectuelle est de 240,00 € pour un dépôt ordinaire.  Ce dépôt peut couvrir jusqu’à trois classes de produits et/ou de services.

Si, par contre le marché visé s’étend, dès le départ, au-delà de ces trois pays, il sera beaucoup plus vite rentable de procéder directement  à un enregistrement communautaire dont le coût, pour tous les pays de la communauté, s’élève à 850,00 € pour une classe,  montant auquel on peut ajouter 50,00 € par classe supplémentaire et ce, jusqu’à trois classes également.

Dès cet enregistrement effectué, les offices Benelux ou Communautaire disposent de la faculté de refuser un enregistrement pour ce que l’on qualifie être « les motifs absolus de refus ».  Il s’agira essentiellement du caractère trop descriptif d’une marque.

En effet, la marque doit être distinctive et non descriptive, c’est-à-dire qu’elle ne peut en aucune manière ne décrire que le produit ou le service qu’elle représente.

A titre d’exemple élémentaire, le dépôt d’une marque « voiture » pour la vente de véhicules serait bien entendu refusé au titre des motifs absolus des refus.

Il en est de même pour les atteintes à l’ordre public, mais également l’interdiction d’enregistrer les drapeaux, noms de pays ou autres emblèmes étatiques.

Une fois cet examen de l’existence ou non de motifs absolus de refus passé avec succès, l’Office concerné publiera la demande d’enregistrement sur son site.  S’ouvrira alors la possibilité pour le titulaire de droit de marques enregistrées antérieurement, dans un délai de deux ou trois mois en fonction de la marque choisie, d’introduire une opposition au sein de l’Office concerné aux motifs que, en substance, la marque sollicitée créerait confusion en raison de son caractère identique ou similaire à la marque antérieure détenue par ce tiers.

La procédure d’opposition, qui est nécessairement écrite, demande l’intervention de spécialistes en la matière et ne fera bien évidemment pas l’objet de développement plus long à ce stade.

Quand le délai d’opposition s’est écoulé sans encombre, ou la procédure d’opposition menée à son terme, avec succès pour le nouveau déposant, celui-ci recevra un certificat et l’enregistrement sera publié au Registre des marques Benelux ou au Registre des marques Communautaires.

 

Quels sont vos droits dès que vous possédez cet enregistrement de marque ?

Le propriétaire d’une marque peut bien entendu utiliser ladite marque et ce, à titre exclusif ;  son utilisation s’entendant dans différents aspects, à savoir son exploitation commerciale, mais également la donner en licence (ceci est bien connu pour tous les franchiseurs et franchisés) ou encore la vendre.

Une chose que, par contre, il ne peut pas faire sous peine de risquer de perdre sa marque, c’est de ne pas l’utiliser pendant une période de cinq ans.

Corrélativement à son droit d’exploitation, le titulaire d’une marque peut également faire interdiction à tous les tiers d’utiliser un signe, qu’il s’agisse d’une marque enregistrée, mais également d’une dénomination sociale ou d’une dénomination commerciale, identique ou similaire qui créerait la confusion dans l’esprit du consommateur.

Cette défense de la marque s’opérera soit via la procédure d’opposition telle que décrite ci-dessus, soit via des actions judiciaires ordinaires, que nous ne développerons pas dans ce très bref résumé.

Sachez qu’en aucune manière, la bonne foi, même réelle de l’utilisateur d’un signe déjà déposé au titre de marque, ne sera prise en considération pour ne pas le sanctionner !

A bon entendeur …

 

Août 2016