Bases de données

Me Damien Dessard, avocat au barreau de Liège

 

Peu de personnes le savent et peut-être encore moins les « créatifs », mais une base de données, lorsqu’elle respecte certaines conditions, au demeurant assez simples, est protégée par des droits de propriété intellectuelle à part entière.

 

Qu’est-ce que la base de données ?

 

La base de données est définie dans la loi, car oui, il existe une loi issue d’une directive européenne concernant la protection juridique des bases de données. Cette loi définit la base de données comme étant « un recueil d’oeuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou d’une autre manière ».

 

Dès lors pour être considérée comme une base de données au sens de la loi, trois conditions cumulatives doivent être remplies :

- Il doit s’agir d’un recueil d’oeuvres, de données ou d’autres éléments ;

- Ceux-ci doivent être accessibles individuellement ;

- Ces éléments, oeuvres ou données doivent être organisés de manière systématique ou méthodique.

 

La loi sur les droits d’auteur prévoit aussi une protection de la base de données, laquelle doit remplir les mêmes conditions de validité que tous les autres droits d’auteur, à savoir : la mise en forme et l’originalité.

 

En effet, une idée en tant que telle n’est pas protégeable. Pour pouvoir revendiquer une protection via le droit d’auteur pour une « idée » ou un « concept », celui-ci doit impérativement être mis en forme. Sans cette mise en forme, le principe est, et demeure, que les idées sont en quelque sorte de libre accès (ndlr : à bon entendeur, si vous avez une bonne idée, gardez-la bien pour vous avant de consulter des spécialistes pour organiser sa protection…).

 

Pour ce qui concerne l’originalité, celle-ci peut être considérée comme étant la création intellectuelle de son auteur. Il ne faut pas y rechercher une quelconque connotation esthétique ou une gradation dans le niveau de création, seul ce critère de création intellectuelle ou d’effort intellectuel suffit, mais est nécessaire.

 

Attention, pas de protection sur le contenu !

 

Il faut ici avoir clairement à l’esprit que comme énoncé ci-dessus, c’est la base de données en elle-même qui fait l’objet d’une protection via la loi sur les bases de données, et la loi sur les droits d’auteur. Le titulaire de ces droits, personne physique ou personne morale, ne peut bien évidemment pas revendiquer des droits sur le contenu même de la base de données si celui-ci ne lui appartient pas.

 

A titre d’exemple, un musée ou une galerie d’art qui créerait une base de données recensant de manière méthodique l’ensemble des oeuvres qu’elle contient, voire des oeuvres qui ne sont pas exposées en son sein, le tout étant accessible au public, ne peut bien entendu pas revendiquer un droit d’auteur sur les oeuvres en question. Elle pourra par contre, le cas échéant, revendiquer une protection sur sa base de données uniquement.

 

 

Les droits du titulaire

 

Comme pour tous les droits d’auteur, le titulaire de droit bénéficie sur son oeuvre de droits que l’on qualifie de moraux et patrimoniaux.

 

Les droits moraux sont ceux liés à sa personne et sont en quelque sorte incessibles, alors que les droits patrimoniaux sont ceux qui ont trait à l’aspect économique de la création, comme le droit de reproduction, le droit d’adaptation, la location, …

 

Il faut cependant être attentif que, dans le cadre d’un contrat de travail, la loi sur les droits d’auteur prévoit un régime spécifique pour le statut de la base de données lorsqu’elle est créée dans ce cadre en ce sens qu’il y a en quelque sorte, un transfert automatique de la création de l’employé au profit de l’employeur.

 

Certaines conditions sont cependant à remplir pour ce faire, mais là n’est pas l’objet de la présente note.

 

En dehors de ces cas bien précis, il appartiendra toujours au titulaire de la base de données de parvenir à prouver qu’il en est bien l’auteur ainsi que le moment où il peut revendiquer sa création. Ces deux éléments, et surtout celui de la date de la création, sont souvent centraux lorsque des litiges surviennent.

 

Il existe différentes techniques permettant de donner date certaine à des créations, comme l’e-dépôt à un office de propriété intellectuelle, ou encore un enregistrement chez un Notaire, mais il est toujours préférable de mettre sur pied une stratégie de protection dès l’entame de la création. Le recours à un spécialiste n’est alors pas superflu.

 

Avril 2017