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Un moyen pour rémunérer avantageusement ses travailleurs : la prime bénéficiaire
Maître Hervé Deckers, avocat au barreau de Liège
Elle permet désormais à un employeur d’octroyer à ses travailleurs tout ou partie des bénéfices de la société sans que les travailleurs ne détiennent une part du capital de l’entreprise. L’octroi de cette prime bénéficie, dans certaines conditions, d’un régime social et fiscal avantageux.
Prime en espèces
La prime est octroyée en espèces dans le cas où une société (ou un groupe de sociétés) souhaite distribuer tout ou partie de son bénéfice après impôt, pour autant qu’elle respecte les limites prévues par la loi. La prime bénéficiaire est soit :
- identique pour tous les travailleurs : l’employeur prévoit, soit de payer un montant identique, soit de fixer un pourcentage de la rémunération identique pour tous les travailleurs ;
- catégorisée : l’employeur prévoit de payer une prime différente pour chaque catégorie de travailleurs, dont le montant est dépendant d’une clé de répartition appliquée sur base de critères objectifs. Ce système ne peut entraîner une différenciation des avantages supérieure à un rapport compris entre 1 et 10. Les critères utilisables pour catégoriser les travailleurs peuvent être : l’ancienneté, le grade, la fonction, le niveau barémique, le niveau de rémunération, le niveau de formation.
L’employeur doit être une société (ou un groupe de sociétés) assujettie à l’impôt des sociétés ou à l’impôt des non-résidents. Ne sont donc pas visées les A.S.B.L., les institutions publiques et les administrations. Ne sont pas visés non plus les employeurs qui exercent sous la forme d’une personne physique.
Par ailleurs, cette prime est obligatoirement collective et ne peut être octroyée sur base des performances individuelles de chaque travailleur.
Modalités d’application
La mise en oeuvre de la prime bénéficiaire dépend de la décision unilatérale de l’employeur. Il n’y a donc pas lieu d’entreprendre de démarche spécifique (ni de négociation) avec les travailleurs ou leurs représentants. L’employeur est libre d’accorder (ou pas) la prime et de fixer les conditions d’octroi, sous réserve de respecter les dispositions de la loi.
Toutefois, selon que la prime est identique ou catégorisée, la procédure à suivre est différente.
- Prime bénéficiaire identique
La décision d’octroyer une prime bénéficiaire identique doit être prise par une assemblée générale ordinaire ou extraordinaire à la majorité simple des voix (50% plus une voix des actions représentées).
Le procès-verbal de la réunion de l’assemblée générale lors de laquelle la décision d’octroyer une prime bénéficiaire identique est prise doit contenir les mentions suivantes:
- le montant identique de la prime bénéficiaire ou le pourcentage identique de la rémunération qui est attribué aux travailleurs ;
- s’il s’agit d’une prime calculée sur base d’un pourcentage de la rémunération, la manière dont la rémunération sur laquelle le pourcentage est fixé est calculée ;
- les règles d’attribution si une condition d’ancienneté est prévue (maximum 1 an et on tient compte de tous les contrats successifs) ;
- le mode de calcul prorata temporis du montant de la prime unique, en cas de suspension volontaire ou de résiliation du contrat de travail, sauf en cas de motif grave imputable au travailleur.
L’employeur doit par ailleurs informer les travailleurs de l’octroi et des modalités de la prime bénéficiaire identique.
- Prime bénéficiaire catégorisée
Pour introduire une prime catégorisée, la procédure à suivre dépend de la présence – ou non – d’une délégation syndicale au sein de l’entreprise :
- il y a une délégation syndicale dans l’entreprise :
Dans ce cas, la prime bénéficiaire ne peut être instaurée que par une convention collective de travail. Cette convention devra fixer les conditions et modalités d’octroi de la prime.
Il devra s’agir en outre d’une convention collective de travail « spécifique », c-à-d’une convention qui ne peut porter que sur l’octroi de la prime bénéficiaire à l’exclusion de toute autre question.
- il n’y a pas de délégation syndicale dans l’entreprise :
L’employeur peut choisir entre la conclusion d’une convention collective de travail ou la procédure d’instauration par acte d’adhésion.
En ce qui concerne la procédure d’acte adhésion, celle-ci est la suivante : l'employeur établit un projet d'acte d'adhésion qui doit comporter toutes les mentions obligatoires énoncées par la loi. Dans un délai de quinze jours, les travailleurs peuvent consigner leurs observations dans un registre spécial tenu à leur disposition par l'employeur. A l'expiration de ce délai, l'employeur transmet le registre pour information au Contrôle des Lois sociales. L'employeur porte également ces observations à la connaissance des travailleurs, par voie d'affichage.
En l'absence d'observations, l'acte d'adhésion entre en vigueur le quinzième jour suivant sa communication, sauf disposition contraire contenue dans l'acte. S'il y a des observations, le fonctionnaire du Contrôle des Lois sociales tente de concilier les points de vue. En cas d'accord, l'acte d'adhésion entre en vigueur au plus tôt le huitième jour suivant celui de la conciliation. Si le désaccord persiste, le Contrôle des Lois sociales dresse un procès-verbal de non-conciliation et le communique au président de la commission paritaire compétente. La commission paritaire fait une ultime tentative de conciliation au cours de sa plus prochaine réunion. Si la commission paritaire échoue dans sa tentative, le plan n'est pas instauré. Les travailleurs en sont alors informés dans les huit jours par voie d'affichage.
La convention collective de travail ou l’acte d’adhésion doivent reprendre un certain nombre de mentions obligatoires.
Régime social et fiscal
La prime bénéficiaire n’est pas considérée comme de la rémunération de sorte qu’aucune cotisation sociale – ni patronale, ni personnelle -n’est due. Toutefois, une cotisation de solidarité de 13,07 % est due par le travailleur.
Sur le plan fiscal, une taxe de 7 % doit être prélevée par l’employeur sur la prime octroyée.
Cette retenue a un effet libératoire de sorte que le travailleur ne devra pas faire mention de la somme accordée dans sa déclaration d’impôt des personnes physiques.
Pour l’employeur, cette participation aux bénéfices est considérée comme une dépense non admise à l’impôt des sociétés.
La loi-programme du 25 décembre 2017 permet désormais à un employeur d’octroyer à ses travailleurs tout ou partie des bénéfices de la société sans que les travailleurs ne détiennent une part du capital de l’entreprise. L’octroi de cette prime bénéficie, dans certaines conditions, d’un régime social et fiscal avantageux.