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Transfert d’entreprise dans le cadre d’une réorganisation judiciaire (prj) : les travailleurs ont-ils voix au chapitre ? (partie 2)
Nous aborderons ici la « partie 2 » du volet social dans le transfert sous autorité de justice, à savoir les droits des travailleurs par rapport au repreneur (B), et l’homologation de la convention par le tribunal du travail (C).
B. LES TRAVAILLEURS ET LEURS DROITS VIS-A-VIS DU CANDIDAT REPRENEUR
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Les travailleurs concernés par le transfert ont le droit à ce qu’une information correcte soit donnée au candidat-repreneur concernant les droits et obligations issus des contrats de travail
Le mandataire de justice doit informer chaque candida repreneur :
- des droits et obligations résultant des contrats de travail conclus entre le cédant et les travailleurs concernés, c’est-à-dire de toutes les dettes et engagements existants (arriérés éventuels mais aussi le montant brut de la rémunération, le simple et double pécule de vacances, la prime de fin d’année, les conditions de travail, les horaires, la fonction, l’âge, etc) et des actions intentées par ces travailleurs contre le cédant.
On vise les droits et obligations qui existent à l’ouverture de la PRJ ou, à défaut de ce jugement, à la date du jugement qui ordonne le transfert sous autorité de justice
Le travailleur est informé de la notification ce qui lui permet de vérifier le contenu de celle-ci.
Ceci est très important, car le candidat repreneur retenu (qui deviendra cessionnaire) ne peut, en principe, être tenu à des obligations non communiquées par écrit.
Quid si le travailleur constate des irrégularités ? Il doit contester auprès du mandataire de justice, dans un délai d’un mois, à dater de l’envoi du recommandé.
→ Que se passe-t-il en cas de contestations ?
- Soit le mandataire accepte et informe le candidat repreneur de la rectification : celle-ci lui sera opposable
- Soit le mandataire n’accepte pas et le travailleur maintien sa contestation : le tribunal du travail devra trancher.
- des droits et obligations résultant des conventions collectives de travail, du règlement de travail, du numéro de la (sous-)commission ou des différentes (sous-)commissions paritaires dont relève (la partie de) l’entreprise cédée, tels qu’ils existent à l’ouverture de la PRJ ou, à défaut de ce jugement, à la date du jugement qui ordonne le transfert sous autorité de justice.
En vertu de la loi sur les C.C.T et les commissions paritaires, les droits collectifs sont transférés au cessionnaire, sauf dérogation négociée ET coulée dans une nouvelle C.C.T.
2. Le candidat repreneur peut-il « faire son shopping » ?
En principe, tous les travailleurs sont transférés mais le cessionnaire peut choisir de reprendre certains d’entre eux seulement, pourvu que ce choix soit uniquement dicté par des motifs techniques ou économiques ou organisationnels, sans différenciation interdite notamment fondée sur le sexe, l’âge, la race, l’état civil ou toute autre discrimination interdite.
Les représentants des travailleurs dans l’entreprise ou la partie d’entreprise transférée ne peuvent être soumis à un traitement différent du seul fait de leur activité de représentant des travailleurs.
Dans ce contexte, la loi encourage le candidat repreneur à conserver une proportion identique de travailleurs « protégés » : en effet, la loi prévoit que si la proportion, avant transfert, entre les travailleurs occupés dans l’entreprise ou la partie d’entreprise transférée et leurs représentants dans les organes de cette entreprise ou partie d’entreprise est respectée après le transfert, il y a présomption - qui peut toutefois être renversée - d’absence de (toute) différenciation interdite (en ce compris, donc, sur base de religion etc.). Il s’agit donc d’un incitant à préserver cette proportion, ement d’une obligation en tant que telle.
Le contrôle du tribunal (du travail voire du tribunal de commerce, si le tribunal du travail n’est pas saisi) est marginal : le juge ne procède pas à un contrôle d’opportunité.
3. Droit des travailleurs repris ?
a) Le principe est celui du maintien des droits et obligations des travailleurs concernés.
Il y a toutefois différentes dérogations possibles.
D’abord, en principe (cela est controversé), le cessionnaire est tenu uniquement par les droits et obligations que le mandataire de justice lui aura notifiés. Surtout, si le tribunal du travail homologue la convention de transfert, la loi prévoit que le cessionnaire ne peut être tenu à d’autres dettes et obligations que celles prévues dans la convention dont il a accordé l’homologation.
Ensuite, il est possible de prévoir des dérogations individuelles ou collectives :
- individuelles : le candidat repreneur et le travailleur peuvent négocier des conditions individuelles modifiées, pourvu que ceci soit justifié par des motifs techniques ou économiques ou organisationnels, lesquels ne sont toutefois pas précisés. La modification ne peut être issue du simple fait qu’il y a transfert ;
- collectives : celles-ci doivent absolument être constatées dans une C.C.T.
b) Droits et sommes dues aux travailleurs
Le repreneur est tenu solidairement des dettes dont il a été informé et qui sont exigibles à la date d’ouverture de la réorganisation ou du jugement autorisant le principe du transfert (ce qui est différent du jugement homologuant un projet de transfert en particulier).
Les créances liées aux travailleurs non repris restent à charge du cédant ; idem s’agissant des dettes liées aux travailleurs repris devenues exigibles après le jugement autorisant le principe du transfert.
c) Dettes ONSS et précompte professionnel
Il n’y a pas transfert des dettes ONSS ni des dettes de précompte professionnel au repreneur, pas même à concurrence du prix.
C. CONTROLE DU RESPECT DES DROITS DES TRAVAILLEURS ?
→ Le repreneur, le débiteur (le cédant) ou le mandataire peut demander au tribunal du travail d’homologuer la convention de transfert en ce qui concerne les aspects de droit social
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Ce n’est PAS une obligation ;
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L’avantage = si l’homologation est accordée, le repreneur ne peut être tenu à des dettes obligations qui ne figurent pas dans la convention ;
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Les représentants des travailleurs sont entendus dans ce cadre ;
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Le tribunal statue « en urgence », et en principe avant la décision du tribunal de commerce sur l’homologation du projet de transfert.
→ À défaut de demande d’homologation du volet social auprès du tribunal du travail, c’est le tribunal de commerce qui vérifiera les aspects de droit social, en tout cas ceux relatifs à l’absence de différenciation interdite.