Partager sur
Nouvelle procédure de dissolution judiciaire des sociétés : attention au non-dépôt des comptes annuels !
Maître Philippe Moineau, avocat au barreau de Liège
Depuis le 12 juin 2017, les sociétés qui ne déposent pas leurs comptes annuels peuvent faire l’objet d’une procédure de dissolution judiciaire spécifiquement élaborée par le législateur.
Chaque société est tenue de procéder au dépôt de ses comptes annuels dans les trente jours de leur approbation et au plus tard dans les sept mois suivant la clôture de l’exercice comptable. Suite à l’adoption d’une loi du 17 mai 2017, le non-respect de cette obligation pourrait entraîner, à relativement bref délai, des conséquences fort dommageables pour la société en infraction.
En effet, en vertu d’une nouvelle procédure de dissolution judiciaire applicable à partir du 12 juin 2017, le tribunal peut, à la demande de tout intéressé ou du ministère public, ou après communication par la chambre d'enquête commerciale en vertu de l'article 12, § 5 de la loi relative à la continuité des entreprises, prononcer la dissolution d’une société qui n’a pas satisfait à son obligation de dépôt des comptes annuels.
La nouvelle procédure mise en place par la loi varie selon le cas où l’action est introduite par un tiers intéressé ou le Ministère public et celui d’une communication par la chambre d’enquête commerciale.
Action en dissolution par un tiers
Lorsque l’action en dissolution est intentée par un tiers intéressé ou le Ministère public, le tribunal saisi accorde à la société un délai de régularisation de trois mois au moins et renvoie le dossier à la chambre d’enquête commerciale chargée d’assurer le suivi de ce dernier.
Une fois écoulé le délai de régularisation accordé à la société pour respecter ses obligations de dépôt des comptes annuels, le tribunal statuera sur rapport de la chambre d’enquête commerciale.
Il faut, par ailleurs, souligner que le texte de loi précise que l’action en dissolution doit être intentée contre la société et qu’une telle action ne peut être introduite qu’à l’expiration d’un délai de sept mois suivant la clôture de l’exercice comptable.
En cas de communication par la chambre d’enquête commerciale, la procédure peut prendre deux tournures différentes :
- soit le tribunal peut accorder un délai de régularisation et renvoie l’affaire à la chambre d’enquête commerciale pour le suivi du dossier;
- soit le tribunal peut prononcer la dissolution de la société :
- quand la société a été radiée d’office de la BCE en application de l’article III.42, §1er 5° du Code de droit économique ;
- si malgré deux convocations à trente jours d'intervalle, la seconde par pli judiciaire, la société n'a pas comparu devant la chambre d'enquête commerciale;
- si les administrateurs ou gérants ne disposent pas des compétences fondamentales en matière de gestion ou ne disposent pas des qualifications professionnelles imposées pour l'exercice de l’activité de la société par la loi, le décret ou l'ordonnance.
Le texte de loi précise enfin que cette dissolution ne peut être prononcée aussi longtemps qu’une procédure de faillite, de réorganisation judiciaire ou de dissolution est pendante.
Dans le cadre de ces deux types de procédure, le tribunal qui reçoit le dossier de la chambre d’enquête commerciale pourra, s’il considère que le dossier doit être "traité davantage", convoquer la société par pli judiciaire.
Quid de la dissolution de la société ?
La loi précise que la dissolution de la société produit ses effets à dater de la décision qui la prononce. Cependant, la dissolution ne sera pas opposable aux tiers tant que la décision n’aura pas fait l’objet de la publication au Moniteur Belge imposée par le Code des sociétés, à moins que la société ne prouve que les tiers en question en avaient antérieurement connaissance.
Une fois la dissolution de la société prononcée, le tribunal peut prononcer la clôture immédiate de la liquidation de la société ou déterminer le mode de liquidation et désigner un ou plusieurs liquidateurs.
Mais le tribunal peut également décider de ne pas désigner de liquidateur dans l’hypothèse où aucun intéressé n'en demande la désignation. Dans ce cas, pendant un délai d’un an à partir de la publication de la décision de dissolution, tout intéressé pourra requérir la désignation d’un liquidateur auprès du tribunal.
Si aucune requête n’est introduite dans le délai susmentionné, les dettes de la société sont considérées d'office comme irrécouvrables, les actifs reviennent de plein droit à l'Etat et la liquidation est réputée clôturée.
En ce qui concerne le sort des actifs qui apparaîtraient après la clôture de la liquidation, ceux-ci doivent être consignés à la Caisse des Dépôts et Consignations. C’est au Roi qu’il revient de déterminer la procédure de consignation des actifs et le sort de ces actifs en cas d'apparition de nouveaux passifs. Cependant, si des actifs apparaissent plus de cinq ans après la décision de dissolution, la loi prévoit qu’ils doivent revenir de plein droit à l'Etat.
La nouvelle procédure ici décrite succinctement offre une solution rapide pour faire disparaître des sociétés inactives ou qui, à tout le moins, ne respectent pas leurs obligations en matière de publication des comptes annuels. Reste à voir la manière avec laquelle les praticiens vont appréhender cette nouvelle procédure…