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Nouveau régime de locations immobilières avec application de TVA
Maîtres Jean-Luc Wuidard et Xavier Defoy, avocats au barreau de Liège
Concrètement, trois mesures sont entrées en vigueur :
- application de la TVA à certaines locations immobilières ;
- modification du régime TVA applicable à la location d’entrepôts de marchandises ;
- application obligatoire de la TVA à certains baux de courte durée.
Dans les lignes qui suivent, nous exposerons brièvement chacune de ces mesures et déterminerons à quelles conditions un assujetti à la TVA pourra appliquer cette dernière – et donc la déduire - lorsqu’il donne en location un bien immeuble.
Application optionnelle de la TVA à certaines locations immobilières
Avant le 1er janvier 2019, l’activité de location immobilière pure et simple était exemptée de TVA. Cette exemption avait pour corollaire que le propriétaire, qui avait construit un immeuble en vue de le louer, ne disposait pas du droit de déduction de la TVA qu’il avait supportée sur les achats de biens et services nécessaires à sa construction (ou sa réparation ou son amélioration).
Désormais, l’application de la TVA à la location immobilière est autorisée moyennant le respect des conditions suivantes :
- L’immeuble loué doit être « neuf » (ou « transformé en profondeur »), c’est-à-dire qu’il doit s’agir d’un immeuble pour lequel la TVA grevant les travaux de construction ou de transformation en profondeur devient exigible au plus tôt le 1er octobre 2018.
- L’immeuble, ou une fraction de cet immeuble, doit être loué à un preneur assujetti qui l’utilise exclusivement dans le cadre de l’activité économique lui conférant la qualité d’assujetti.
- Les parties au contrat de location doivent avoir expressément opté pour le régime de la taxation dans le contrat de bail. Cette option vaut pour toute la durée du contrat : les parties ne peuvent donc pas décider en cours d’exécution de la location de modifier le régime TVA pour lequel elles ont opté.
Relevons que si l’immeuble faisant l’objet d’un contrat de bail soumis à la TVA est désaffecté de l’activité économique donnant lieu à TVA, la déduction initialement opérée de la TVA relative à la construction ou à l’acquisition de cet immeuble pourra faire l’objet d’une révision, au prorata des années restant à courir durant une période de 25 ans.
Modification du régime TVA applicable à la location d’entrepôts de marchandises
Avant le 1er janvier 2019, la mise à disposition d’emplacements pour l’entreposage de biens était obligatoirement soumise à la TVA, la qualité du preneur n’ayant aucune influence.
De tels emplacements d’entreposage devaient être exclusivement utilisés pour l’entreposage de biens, l’espace de bureaux dans le bâtiment ne devant pas dépasser 10% de sa surface ou de son volume. À défaut, la location de l’entrepôt ne pouvait être soumise à TVA et le bailleur perdait son droit de déduire la taxe.
Désormais, la location d’un entrepôt pourra dorénavant être soumise à TVA lorsque ledit entrepôt sera utilisé pour plus de 50% pour l’entreposage de biens, à condition que ces emplacements ne soient pas utilisés pour plus de 10% comme espaces de vente.
Concrètement, cela signifie que le reste de l’entrepôt peut être affecté à d’autres activités (comme la transformation de biens par exemple), ce qui n’était pas le cas dans le régime actuel. La notion d’emplacement pour entreposage de biens est donc sensiblement élargie.
De la même manière qu’en ce qui concerne le bail relatif à des immeubles neufs, la soumission de la mise à disposition d’entrepôts de marchandises doit être choisie volontairement par les parties, sauf si la mise à disposition de ces entrepôts est effectuée en faveur d’un non-assujetti. Dans ce cas, l’application de la TVA a lieu de manière automatique.
Application obligatoire de la TVA à certains baux de courte durée
Depuis 1er janvier 2019, certains baux conclus pour une durée inférieure à 6 mois sont obligatoirement soumis à la TVA. Tous les types d’immeubles sont visés, qu’ils soient neufs ou non.
Contrairement à ce qui est prévu dans le cadre des deux autres mesures exposées ci-dessus, la qualité du locataire (assujetti ou non-assujetti) n’a pas d’influence sur l’application de la TVA. Ne sont cependant pas visés (et échappent donc à l’application de la TVA) :
- les baux relatifs à des logements ;
- les baux relatifs à des biens loués à des personnes physiques assujetties qui affectent ces biens à des fins privées et, plus généralement, à des fins étrangères à leur activité économique ;
- les baux conclus en faveur d’organisations sans but lucratif ;
- les baux conclus en faveur de toute personne qui affecte les biens à la réalisation d’opérations bénéficiant d’une exemption à caractère social visée à l’article 44, §2 du Code de la TVA.
Ces nouvelles règles en matière de TVA imposent aux entreprises de procéder à l’examen de la situation concrète dans laquelle sont réalisés leurs investissements immobiliers. L’application de la TVA sur les locations immobilières peut représenter une excellente opportunité financière pour les assujettis propriétaires d’immeubles et pour les locataires assujettis avec droit à déduction. En effet, la soumission à la TVA a pour corollaire le droit à déduction des biens et services acquis en amont et doit aboutir, pour les locataires bénéficiant du droit à la déduction à la TVA, à de meilleures conditions locatives. Aussi, toute entreprise serait bien avisée de faire procéder à un audit de sa situation TVA au regard des nouvelles dispositions et pour tout projet d’investissement. D’ailleurs, ces changements ne font que souligner encore la nécessité, pour tout entrepreneur, de procéder de manière périodique à l’examen des changements de la loi fiscale, non seulement dans le souci de s’y conformer, mais aussi d’optimiser sa situation.
[1] loi du 14 octobre 2018 (M.B. 25 octobre 2018).