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L’expansion irrésistible de la transparence fiscale
C’est dans cette perspective que la Directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (en abrégé, ″la Directive″) a été adoptée et transposée en droit belge dans l’article 338 du CIR/92 par la loi du 17 août 2013 (publiée au M.B. du 5 septembre 2013).
La création d’un espace européen sans frontière interne, et dans lequel sont assurées les libertés de circulation, entraîne un accroissement de la mobilité, notamment, des richesses. Celles-ci s’enfuient pour se dissimuler ailleurs, mettant en difficulté les États membres quant à la perception de l’impôt. Les législateurs de tous les niveaux de pouvoir ont ainsi réagi face à ce constat, notamment par le biais de l’extension de la transparence fiscale.
Nous examinerons d’abord l’impulsion internationale qui sous-tend la généralisation de la transparence fiscale (I.), pour ensuite nous concentrer sur la transposition belge de la Directive (II.).
I. Influence internationale
Une première influence est la législation FATCA développée par les États-Unis et les accords bilatéraux qui en découlent (le 23 avril 2014, la Belgique a signé un tel accord). Ces derniers imposent aux institutions financières des pays contractants de collecter des données relatives à leurs clients qui sont considérés comme des ″contribuables américains″.
La deuxième influence est le modèle de Convention fiscale préventive de la double imposition élaboré par l’OCDE, et, en particulier, son article 26 qui traite de l’échange d’informations.
De plus, l’OCDE a présenté une nouvelle norme mondiale unique relative à l’échange automatique de renseignements entre autorités fiscales du monde entier. Le 6 mai 2014, quarante-sept États (dont la Belgique) ont adopté une déclaration commune sur cette base.
Le niveau international influe sur le niveau national non seulement parce qu’il incite le législateur européen à réagir, et, par voie de conséquence, les législateurs nationaux également, mais aussi parce que ces législations contiennent une clause de la nation la plus favorisée (cf. art. 338, §22 du CIR/92). Cette clause ayant pour effet d’étendre les avantages accordés à un État tiers par un État membre à l’ensemble des États membres en vue d’assurer l’égalité de traitement entre eux pourra ainsi être invoquée par les États membres afin de conclure des accords bilatéraux ou multilatéraux particuliers.
II. Régime belge
En droit belge, l’obligation de collaborer avec le fisc est limitée par l’article 318 du CIR/92, lequel prévoit que l’administration belge n’est pas autorisée à recueillir auprès des banques belges des renseignements en vue de l’imposition de leurs clients.
Ayant renoncé au secret bancaire au niveau international, la Belgique ne pouvait le conserver, sans aménagement, dans son ordre juridique interne, outre les dérogations préexistantes. Le législateur belge a donc autorisé la levée du secret bancaire en cas d’indices de fraude fiscale et d’intention de procéder à une taxation indiciaire (cf. art. 341 du CIR/92). Ces exceptions sont de stricte interprétation.
Nonobstant ce qui précède, dans les relations transfrontalières, l’article 338 du CIR/92, transposant presque à l’identique la Directive (la possibilité de renoncer à l’échange automatique lorsque le montant ne dépasse pas un certain seuil n’ayant pas été reprise par notre législateur), sonne le glas de ce secret bancaire.
En effet, il établit les règles et procédures de coopération entre États membres aux fins d'échanger les informations ″vraisemblablement pertinentes″ pour l'administration et l'application de la législation interne relative aux taxes et impôts.
Cette réforme du régime appelle deux observations :
- le champ d’application de l’échange de renseignements a été considérablement élargi vu qu’il vise, en sus des personnes juridiques, les constructions juridiques généralement quelconques, dotées ou non de la personnalité juridique (les trusts, fonds d’investissement, sociétés civiles, fondations et autres véhicules similaires sont donc visés) ;
- un système d’échange automatique et spontané a été mis en place, outre l’échange sur demande qui peut désormais porter tant sur des informations disponibles que sur des informations à obtenir.
Concernant l’échange automatique, à partir du 1er janvier 2015, l’État membre doit communiquer aux autres les informations se rapportant aux périodes imposables à compter du 1er janvier 2014 dont il dispose, notamment grâce à la déclaration fiscale, au sujet des résidents de ces autres États membres. Cette communication concerne des catégories spécifiques de revenus et de capitaux, à savoir : les rémunérations des travailleurs, les rémunérations des dirigeants d'entreprise, les produits d'assurance sur la vie non couverts par d'autres mesures relatives à l'échange d'informations, les pensions ainsi que les propriétés et revenus des biens immobiliers. Le 12 juin 2013, la Commission européenne a proposé, , d’étendre l’échange automatique d’informations aux dividendes, aux plus-values, à toutes les autres formes de revenus financiers et aux soldes de comptes.
S’agissant de l’échange spontané, l’autorité compétente est tenue de communiquer les renseignements relatifs à des situations ″suspectes″ au regard de l’assiette imposable de l’État de résidence ainsi que, de manière générale, toute information qu’elle estime adéquate, pertinente et non excessive pour lui.
Quant au secret bancaire, l’État belge ne peut refuser de fournir des informations ″au seul motif″ que ces informations sont détenues par une banque ou un établissement financier (sous réserve notamment de ce qui a trait aux périodes imposables antérieures au 1er janvier 2011). A cet égard, le ministre des Finances a estimé que ″la Directive exige uniquement que le droit belge autorise l’échange de données bancaires. Elle n’exige pas la levée totale de la confidentialité de ces données″ (cf. QP de Monsieur Guy COËME, in compte-rendu intégral, Commission des Finances de la Chambre, 15 décembre 2010, n° 53, COM 071, 15).
Dans ce contexte, l’échange de renseignements apparaît comme le fer de lance des actions menées pour lutter contre l’évasion et la fraude fiscales, en incarnant l’élément moteur des progrès vers l’établissement d’une plus grande transparence fiscale des patrimoines des contribuables. Cette transparence ne cesse de croître en raison des instruments adoptés à tous les niveaux de pouvoir, international, européen et national, obligeant les contribuables à se dévoiler à l’égard de l’administration, sous peine de sérieuses déconvenues. La protection de la vie privée des contribuables est clairement en péril.