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Les différents modes de passation des marchés publics
Maître Laura Deru, avocate au barreau de Liège
La matière des marchés publics est gouvernée par le grand principe de la « mise en concurrence ». Afin de garantir celle-ci, le pouvoir adjudicateur peut recourir à différents modes de passation : les modes de passation ordinaires, les modes exceptionnels et un mode « particulier».
Passation ordinaires: l’appel d’offre et la procédure d’adjudication
Dans les secteurs classiques[1], le pouvoir adjudicateur a, à quelques exceptions près, le choix entre deux modes de passation : l’adjudication et l’appel d’offres. Ce choix relève de son pouvoir discrétionnaire.
Si le pouvoir adjudicateur décide de mettre en œuvre la procédure d’adjudication, il devra attribuer le marché au soumissionnaire qui a remis l’offre régulière la plus basse.
En revanche, s’il décide de conclure le marché par le biais d’un appel d’offres, le marché devra être attribué au soumissionnaire qui a remis l’offre régulière économiquement la plus avantageuse, en tenant compte des différents critères d’attribution tels que le prix, la qualité, la valeur technique, l’esthétique, la fonctionnalité, les caractéristiques environnementales, etc. Ces critères, liés à l’objet du marché, doivent permettre une comparaison objective des différentes offres déposées, le prix n’étant qu’un des critères pris en considération.
Ouvert ou restreint ?
Le pouvoir adjudicateur doit également déterminer le caractère ouvert ou restreint de la procédure de passation choisie. Ces procédures ordinaires sont respectivement nommées « adjudication ouverte » ou « adjudication restreinte » et « appel d’offres ouvert » ou « appel d’offres restreint ».
Si la procédure est « ouverte », un avis est publié afin d’inviter les prestataires à remettre directement une offre de prestation accompagnée d’un dossier, répondant aux critères de sélection, après avoir pris connaissance du cahier spécial des charges. Une fois l’offre déposée, le pouvoir adjudicateur vérifie que les candidats ne se trouvent pas dans une situation d’exclusion. Il procède ensuite, par une seule opération, à la sélection qualitative des candidats et à l’analyse des offres.
Si la procédure est en revanche « restreinte », un premier avis est publié et invite les prestataires à remettre un dossier (et non directement une offre) qui doit permettre au pouvoir adjudicateur de procéder à la sélection qualitative des candidats, après avoir vérifié que ces derniers ne se trouvaient pas dans une des situations d’exclusion déterminées par la réglementation. Les candidats sélectionnés au terme de cette première étape sont alors invités à remettre une offre, en même temps qu’ils reçoivent le cahier spécial des charges.
Canevas rigide
L’appel d’offres et l’adjudication ont en commun leur rigidité : la négociation n’est pas possible dans ce type de procédure de passation. Ainsi, les offres sont comparées par le pouvoir adjudicateur sans qu’elles puissent ensuite faire l’objet d’une modification en cours de processus. Après l’ouverture des offres, elles ne peuvent plus évoluer.
En revanche, ces deux modes de passation se distinguent par le fait que l’adjudication suppose l’attribution du marché au soumissionnaire par rapport au critère unique du prix tandis que pour une procédure d’appel d’offres, le pouvoir adjudicateur déterminera le soumissionnaire qui a remis l’offre économiquement la plus avantageuse au regard de critères multiples.
En outre, dans le cadre d’un appel d’offres, il reste possible pour le soumissionnaire de proposer des alternatives à ce qui est énoncé dans le cahier des charges, ce qui est par contre totalement interdit dans l’adjudication.
ADJUDICATION |
APPEL D’OFFRES |
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Points communs |
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Différences |
Critère unique : le prix le plus bas. |
Critères multiples pondérés : prix, qualité, délai, … |
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Interdiction d’insérer des variantes libres. |
Possibilité d’insérer des variantes libres. Ce sont des variantes d’exécution (alternatives à ce qui est demandé dans le cahier des charges) proposées par les commissionnaires. |
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Avec ou sans publicité ?
A la différence des deux autres modes de passation précités, la procédure négociée permet au pouvoir adjudicateur de consulter les opérateurs économiques de son choix et de négocier les conditions du marché avec un ou plusieurs d’entre eux.
On notera que seul le contenu des offres peut être négocié afin de l’adapter aux exigences du cahier des charges, lequel devra en revanche resté inchangé.
La procédure négociée peut être mise en œuvre avec ou sans publicité.
La procédure négociée sans publicité est la procédure de passation dans laquelle le pouvoir adjudicateur ou l’entreprise publique consulte les entrepreneurs, fournisseurs ou prestataires de services de son choix et négocie les conditions du marché avec un ou plusieurs d’entre eux.
La procédure négociée avec publicité présente les mêmes caractéristiques, mais le marché doit être en plus publié au Bulletin des adjudications ou au Journal Officiel de l’Union européenne suivant qu’il s’agit d’un marché atteignant ou non les seuils européens.
La procédure négociée sans publicité est considérée comme exceptionnelle, tant dans les secteurs classiques que dans les secteurs spéciaux. Dès lors, lorsque le pouvoir adjudicateur choisi d’y recourir, il doit formellement motiver sa décision. En revanche, la procédure négociée avec publicité est un mode de passation ordinaire dans les secteurs spéciaux.
Un mode de passation particulier : le dialogue compétitif
Le dialogue compétitif est une procédure de passation à laquelle tout entrepreneur, fournisseur ou prestataire de services peut demander à participer. Une fois les candidats sélectionnés, le pouvoir adjudicateur dialogue avec eux afin de développer une ou plusieurs solutions susceptibles de répondre à ses besoins et sur base de laquelle ou desquelles les candidats retenus seront invités à remettre une offre.
Il existe donc deux phases dans cette procédure : un dialogue et un appel d’offres.
Le pouvoir adjudicateur peut recourir à ce mode de passation pour les marchés particulièrement complexes, c’est-à-dire lorsqu’il n’est pas objectivement en mesure de définir les moyens techniques aptes à satisfaire ses besoins ou d’évaluer ce que le marché peut offrir en termes de solutions techniques, financières ou juridiques, et lorsqu’il estime que le recours à la procédure ouverte ou restreinte ne permettra pas de passer le marché.
A titre d’exemple, on notera que cette procédure est généralement utilisée dans le secteur informatique.
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La conjonction de ces procédures d’attribution doit garantir, dans la mesure du raisonnable et du possible, la libre et saine concurrence pour l’attribution des marchés publics. Mais en pratique, une vérification minutieuse sera très utile pour s’assurer que les règles propres à ces modes de passation ont bien été appliquées et respectées par l’administration.
[1] Dans les secteurs spéciaux, le pouvoir adjudicateur peut choisir entre l’adjudication, l’appel d’offres et la procédure négociée.