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Le bail commercial : une vieille loi partiellement dépoussiérée
1. Origines d’une matière récemment régionalisée
Les auteurs La Haye et Vankerckhove enseignent que : « La loi sur les baux commerciaux du 30/04/1951 serait née à la demande des commerçants qui étaient précédemment exposés à devoir abandonner, sans indemnité, à la fin du travail, la valeur de leur fonds de commerce et partant, le fruit d’années de travail (…).
Le développement du commerce et de l’industrie, et la concurrence de plus en plus intense, réclamait l’abolition d’un système donnant lieu à l’injustice ; car il permettait au bailleur de se rendre maître du fonds, tout au moins de la clientèle, après le départ du locataire. Il lui était loisible, sans bourse délier de s’installer lui-même et de profiter des efforts du preneur évincé, soit encore de favoriser l’action d’un concurrent, moyennant compensations financières » (« Les baux commerciaux, extrait des Novelles, Bruxelles, Larcier, 1970, p.1, n° 1348).
Le but de la loi était donc de protéger le commerçant de la spéculation et surtout de l’éviction de son commerce par un bailleur qui désirait s’y installer sans délier sa bourse. Malgré son ancienneté, cette loi - qui date donc de 63 ans – n’a jamais fait l’objet de modifications majeures, car y toucher s’avérait et s’avère toujours très délicat : la plus grande critique faite à l’égard de cette loi est son formalisme excessif.
La loi spéciale du 06/01/2014 relative à la structure fédérale de notre Etat, publiée au Moniteur belge du 31/01/2014 prévoit en son article 17, al.7, que seront régionalisées les règles spécifiques concernant le bail commercial. Nous attendrons avec impatience les décisions et modifications qui interviendront dans les prochaines années et plus spécialement sous l’angle fiscal.
2. La loi du 21/12/2013 portant des dispositions fiscales et financières diverses
La loi du 21/12/2013 modifie l’article 1714 du CC en ce sens qu’il est complété par trois alinéas visant à une meilleure identification des parties. Ces nouvelles dispositions s’appliquent notamment aux baux commerciaux.
Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?
Les parties ont l’obligation d’identification lors de la rédaction du contrat de bail : certaines mentions concernant les parties sont devenues obligatoires :
Pour les personnes physiques, il y a lieu d’indiquer dans le bail pour chacune des parties :
- Le nom;
- Le premier et le deuxième prénom;
- Le domicile;
- La date et le lieu de naissance.
Pour les personnes morales, (société, association et autres), la loi demande d’indiquer le nom de la société (idéalement sa dénomination sociale telle que précisée dans les statuts) et le numéro d’inscription à la Banque Carrefour des Entreprises (BCE).
3. La compétence matérielle en matière de bail commercial à la lumière de la loi du 26/03/2014 modifiant le Code judiciaire
La compétence spéciale/exclusive
En matière de bail commercial, l'article 591 du Code judiciaire confère au juge de paix une compétence spéciale et pas une compétence exclusive. Cette compétence lui est reconnue quel que soit le montant de la demande.
Par compétence spéciale, on vise la compétence expressément attribuée par la loi à une juridiction déterminée, en fonction de l'objet du litige et indépendamment de la valeur de celui-ci.
La notion de compétence exclusive possède, quant à elle, un sens étroit qui signifie que certains types de litiges ne peuvent être portés que devant une seule juridiction à l'exclusion de toute autre.
Quel est le tribunal compétent en appel d’un jugement rendu par le juge de paix dans un litige relatif à un bail commercial, lorsque les parties sont commerçantes ?
Longtemps controversée, cette question avait reçu une solution constante jusqu’à l’entrée en vigueur le 1/07/2014 de la loi du 26/03/2014, dite « loi sur le juge naturel ».
L’article 577 al 2 (supprimé par la loi du 26/03/2014) du Code judiciaire disposait que : « Néanmoins l'appel des décisions rendues en premier ressort par le juge de paix sur les contestations entre commerçants et relatives aux actes réputés commerciaux par la loi ou aux contestations relatives aux lettres de change est porté devant le tribunal de commerce. »
La Cour de cassation avait considéré que l’article 577 al 2 du Code judiciaire s'applique à tous les litiges qui y sont visés, en ce compris ceux qui relèvent de la compétence spéciale du juge de paix en matière de baux.
Ainsi, un litige opposant des commerçants au sujet d'un bail commercial était porté, en degré d'appel, devant le tribunal de commerce.
Toutefois, cette solution n’est plus d’actualité.
Une des modifications importantes de la loi du 26/03/2014 est la suppression totale de la compétence d’appel du tribunal de commerce. L’article 577 al 2 a été supprimé. L’exposé des motifs renseigne que cette suppression découle du transfert du petit contentieux commercial du juge de paix vers le tribunal de commerce ; vu que le juge de paix ne peut plus connaitre de ces affaires, l’appel des décisions du juge de paix devant le tribunal de commerce devient sans objet.
Il s’agit ici d’une imprécision du législateur. En effet, le tribunal de commerce connaissait, en appel, non seulement des litiges relevant de la compétence générale du juge de paix mais aussi ceux relevant d’une de ses compétences spéciales pour autant que le litige opposait des commerçants ; cela concernait en réalité les baux commerciaux.
Par conséquent, l’appel d’une décision rendue par le juge de paix en matière de bail commercial sera porté devant le tribunal de première instance même si le litige concerne des entreprises.
Il s’agit incontestablement d’une approximation du législateur qui, en supprimant la compétence d’appel du tribunal de commerce, méconnaît son objectif qui était d’élargir les compétences du tribunal de commerce, puisque les litiges en matière de bail commercial échapperont à ce dernier.