Partager sur
La responsabilité aggravée des gérants et administrateurs en cas de faillite
Maître Béatrice Versie, avocate au barreau de Liège
Qui est concerné ?
Les gérants de droit ou de fait de SPRL (en vertu de l’art. 265 CDS) SCRL (en vertu de l’art. 409 CDS) et les administrateurs de S.A. (art. 530 CDS) déclarées en faillite.
Il s’agit de toute personne qui a été désignée gérant ou administrateur d’une société par les statuts ou l’assemblée générale mais également toute personne qui a effectivement détenu le pouvoir de direction de la société même si elle n’avait pas reçu ce pouvoir selon les formes légales.
Dans quel(s) cas les gérants ou administrateurs risquent-ils de devoir payer tout ou partie des dettes de la société ?
Pour que la responsabilité des gérants ou administrateurs puisse être mise en cause, les conditions suivantes doivent être remplies :
- La société doit être en faillite,
- La société doit soit être une S.A. soit avoir une certaine taille : cette responsabilité aggravée ne concerne pas les petites SPRL ou les petites SCRL,
En effet, pour qu’il y ait risque de responsabilité aggravée du gérant en cas de faillite, la société, si c’est une SPRL ou une SCRL doit avoir sur les trois exercices qui précèdent la faillite, un CA moyen supérieur à 620.000 € ou un total de bilan au terme de l’exercice qui dépasse 370.000 €.
Attention, c’est au gérant de prouver qu’il gère une petite SPRL ou SCRL et que les conditions de chiffre d’affaire ou de total du bilan ne sont pas remplies et il le fait au moyen de la comptabilité.
Si la comptabilité n’est pas tenue, la société est présumée remplir les conditions qui ouvrent la voie à la responsabilité aggravée.
Le gérant peut encore tenter de renverser la présomption sur base du peu d’achats réalisés, du type d’activité et de la façon dont elle est exploitée,…
- Le gérant ou l’administrateur doit s’être rendu coupable d’une faute grave et caractérisée qui a contribué à la faillite.
« La faute grave est celle, dans ce contexte, qu'un dirigeant raisonnablement diligent et prudent n'aurait pas commise et qui heurte les normes essentielles de la vie en société » (I. Verougstraete, Manuel de la faillite et du concordat, 2003, n° 1062). La faute doit également être caractérisée en ce sens que « le juge ne tiendra compte que de la faute incontestable (...). La faute doit donc être nettement marquée, qu'il s'agisse d'une faute de gestion classique, d'une violation de la loi ou des statuts » (I. Verougstraete, op. cit., n° 1062).
La faute grave et caractérisée doit avoir contribué à la faillite, sans qu’elle doive en être la cause unique ou immédiate. Il appartient au demandeur d’en apporter la preuve (GOL, D., « Action en comblement du passif et appréciation de la faute », D.A.O.R., 2005/2, n° 74, p. 55°).
A titre d’exemple on peut citer comme étant selon la jurisprudence des fautes graves et caractérisées :
- L'absence de toute comptabilité depuis la constitution de la société, (…) est constitutif d'une faute grave et est en lien causal avec la faillite, même si elle n'en est pas la cause immédiate,
- L’absence de déclaration de la faillite dans le délai légal,
- L’omission systématique pendant une période de 18 mois de reverser le précompte professionnel,
- L’établissement de comptes annuels ne reflétant pas la réalité,
- La perpétuation d’une situation déficitaire grave . – Comm. Malines (6e ch.), 5 mars 2009. – T.R.V., 2010, p. 71 à 76 (note Deschrijver, D., p. 79).
Que risquent les gérants ?
Ils risquent de devoir assumer tout ou partie du passif de la société faillie (en d’autres termes, ses dettes) à concurrence de l’insuffisance de l’actif.
Qui peut introduire l’action ?
Le curateur de la faillite de la société mais également les créanciers lésés.
Comment prévenir et limiter le risque ?
Notamment en suivant les conseils suivants :
- Considérer la tenue de la comptabilité comme une priorité,
- Ne pas négliger les créanciers institutionnels,
- Ne pas poursuivre l’activité au-delà du raisonnable, …