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La loi du 11 juillet 2013 : la réforme des sûretés mobilières
Dans cet exposé, seront analysées les différentes modifications apportées au gage en lui-même; telles que sa constitution, son opposabilité et sa réalisation.
Cependant, il est incorrect de déclarer que seules les dispositions relatives au gage ont fait l’objet d’aménagements. Des développements ont aussi été apportés à la réserve de propriété, au droit de rétention et à la cession de créance à titre de garantie.
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Objectif du législateur
Le but premier de cette loi est d’améliorer l’efficacité du droit des sûretés mobilières dans l’optique de renforcer l’économie en facilitant l’octroi de crédits.
Le gage tel qu’on le connaît n’est plus en phase avec les exigences économiques actuelles. En effet, l’exigence de dépossession est une aberration dans le sens où le bien mis en gage sort du circuit économique et ne génère plus aucun fruit.
En supprimant l’exigence de dépossession en matière de gage, il sera désormais plus aisé d’utiliser cette garantie dans la vie de tous les jours et l’octroi de crédits en sera également facilité. Ce faisant le législateur s’est calqué sur le régime existant chez nos voisins et a, par conséquent, donné un sacré coup de frais au gage tel qu’on le connaît dans sa moulure actuelle.
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Abandon de l’exigence de dépossession
Avec l’abandon de l’exigence de dépossession, il est désormais possible de mettre en gage des biens pour lesquelles l’exigence de dépossession matérielle était impossible à remplir auparavant, tel était le cas pour un avion ou encore un bateau. Dès que la loi sera entrée en vigueur tout bien corporel sera susceptible d’être gagé. Dans la même optique, il sera également possible de mettre en gage toutes sortes de biens incorporels (ex. : créances, know-how, propriétés intellectuelles, marques, brevets, etc.).
Le bien étant resté en possession du constituant du gage, la mise en place d’un cadre concernant son utilisation était inévitable. Le constituant doit utiliser raisonnablement le bien de manière conforme à sa destination. Ceci implique qu’une transformation du bien gagé est même possible tant que cela reste conforme à sa destination initiale. Dans ce dernier cas, le créancier gagiste verra son droit se reporter sur le bien transformé.
La loi introduit également une autre nouveauté : le droit de suite au profit du créancier gagiste en cas d’aliénation du bien gagé. Ceci vient de manière considérable renforcer la garantie du créancier gagiste. En effet le texte dispose que : « le gage suit les biens grevés dans quelques mains qu’ils passent. »
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Les bénéficiaires du gage
Une innovation importante de la loi est la possibilité, pour un représentant, d’engager - en sus de sa propre personne - également plusieurs bénéficiaires. La convention sera valable et pourra être opposable aux tiers s’il est possible de déterminer l’identité des bénéficiaires au moment où la convention est rédigée. Par exemple, s’il est indiqué dans la convention qu’elle bénéficie à tous les prêteurs actuels ou futurs, c’est suffisant pour considérer que la condition de déterminabilité est remplie.
Cette innovation était très attendue par les établissements de crédit où l’on rencontre souvent la situation dans laquelle le groupe de prêteurs de départ ne reste pas identique tout au long de la durée du crédit. Il était, dès lors, nécessaire de faire un avenant; ce qui s’avérait assez contraignant dans la pratique. Avec cette innovation, le groupe de prêteurs pourra évoluer sans qu’aucun autre document supplémentaire à la convention de gage ne soit nécessaire.
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La réalisation du gage
La réalisation du gage intervient lorsque le constituant du gage n’a pas été en mesure de payer sa dette. C’est l’étape lors de laquelle le créancier gagiste décide de se payer sur le bien grevé.
La loi instaure une procédure simplifiée de réalisation où il n’est pas nécessaire de passer devant un juge. En effet, la loi distingue le constituant gagiste consommateur du non-consommateur.
Lorsqu’il s’agit d’un constituant consommateur, il est toujours nécessaire de passer devant le juge où, par la suite, le gage sera évalué par un expert puis vendu. Dans ce cas de figure, le créancier gagiste ne peut se porter acquéreur du bien.
Dans le cas où le constituant n’est pas un consommateur, une procédure de réalisation simplifiée est possible. Ici, l’intervention d’un juge n’est pas nécessaire. Le créancier a le choix entre deux manières de réaliser le bien. Soit il décide de le vendre ou de le faire louer jusqu’à apurement de sa créance garantie, soit il a le droit de se l’approprier. Mais dans ce dernier cas, il est nécessaire que la convention ait prévu la valeur du bien en question (déterminée par un expert ou par référence au prix du marché).
Afin d’éviter que cette réalisation simplifiée génère des abus, la loi a mis en place deux garde-fous.
Premièrement, la réalisation doit avoir été effectuée de bonne foi.
Deuxièmement, elle doit avoir été exécutée de manière économiquement justifiée.
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Opposabilité aux tiers
La loi institue le Registre national des gages centralisé où tous les gages pourront être inscrits pour une durée de 10 ans avec possibilité de renouvellement.
Le gage enregistré sera donc opposable à tous les tiers. En outre, il sera impossible de contester la date à laquelle le bien mis en gage aura été enregistré; ce qui facilitera grandement les choses en cas de conflits d’ordre de rang.
Cependant, ont été maintenu les anciens modes d’opposabilité telles que la dépossession matérielle du bien corporel gagé et l’opposabilité par dépossession de créances. Ce dernier mode d’opposabilité risque, en outre, de porter atteinte à l’efficacité du Registre national des gages centralisé puisque par ce mode d’opposabilité tout un nombre de créances gagées seront opaques et, par conséquent, non déclarées.
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Entrée en vigueur
La loi a été publiée au Moniteur le 2 août 2013. Son entrée en vigueur sera faite par arrêté royal au plus tard le 1er décembre 2014.