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Effacement de dettes : adieu l’excusabilité
Maître Florian Ernotte, avocat au barreau de Liège
Cette réforme modifie le régime de la procédure de réorganisation judiciaire et de la faillite. Dans les lignes qui suivent, nous examinerons une des nouveautés en matière de faillite, à savoir le régime de l’excusabilité.
Sous l’empire de la loi du 8 août 1997, le failli personne physique pouvait bénéficier du régime dit de l’excusabilité prévu aux articles 80 et suivants de la loi sur les faillites.
L’excusabilité pouvait être demandée par le failli personne physique six mois après le jugement déclaratif de faillite. À défaut d’effectuer cette demande, l’excusabilité du failli était alors examinée au moment de la clôture de la faillite, ce qui peut parfois prendre plusieurs années. L’excusabilité était généralement accordée au failli à moins que, par exemple, sa faillite soit considérée comme frauduleuse ou en raison du comportement du failli à l’égard du curateur.
Depuis le 1er mai 2018, le régime de l’effacement de dettes a fait son apparition dans le livre XX en remplaçant le régime de l’excusabilité.
Etre libéré de ses dettes
L'effacement de dettes est une procédure qui permet à une personne physique qui a été déclarée en faillite d'être libérée envers ses créanciers du solde de ses dettes, sans préjudice des sûretés réelles données par le failli ou par un tiers.
L’effet de l’effacement de dettes implique que les dettes du failli seront effacées, à l’inverse de l’excusabilité qui prévoyait que le failli ne pouvait plus être poursuivi par ses créanciers pour les dettes antérieures à sa faillite.
Le failli pourra obtenir l'effacement de toutes ses dettes professionnelles antérieures à la faillite à l'exception des dettes alimentaires et des dettes en réparation d'un dommage lié à l'intégrité physique.
La loi prévoit que l'effacement s'applique également au «conjoint du failli, l’ex-conjoint, qui est coobligé personnellement a` la dette de celui-ci, contractée du temps du mariage légal sera libéré´ de cette obligation.»
L’article XX.174 du CDE limite toutefois la portée de l’effacement sur les dettes du conjoint, ex-conjoint, cohabitant ou ex-cohabitant puisque dorénavant « l'effacement est sans effet sur les dettes personnelles ou communes du conjoint, de l'ex-conjoint, du cohabitant légal ou de l'ex-cohabitant légal, nées d'un contrat conclu par eux, qu'elles aient été ou non contractées seul ou avec le failli, et qui sont étrangères à l'activité professionnelle du failli. »
Procédure
La loi précise que « l’effacement est uniquement octroyé par le tribunal à la requête du failli, requête qu’il doit ajouter à son aveu de faillite ou déposer dans le registre au plus tard trois mois après la publication du jugement de faillite, même si la faillite est clôturée avant l’expiration du délai. »
Ces délais doivent être respectés sous peine d’irrecevabilité de la requête.
À l’instar de l’excusabilité, le Tribunal ne pourra se prononcer qu’après un délai de 6 mois suivant la déclaration de faillite sur l’effacement de dettes demandé par le failli.
Enfin, la loi prévoit que tout intéressé, en ce compris le curateur ou le ministère public, peut demander que l'effacement ne soit accordé que partiellement ou refusé totalement si le failli a commis des fautes graves et caractérisées qui ont contribué à la faillite.
Dessaisissement
Une autre innovation pour le failli personne physique est la portée du dessaisissement.
Sous l’empire de la loi de 1997, les biens et revenus que recueillait le failli après sa déclaration de faillite revenaient au curateur pour compte de la masse des créanciers.
La loi prévoit désormais que l’actif de la faillite n'inclut pas "les biens, les montants, sommes et paiements que le failli recueille a` partir de la déclaration de la faillite en vertu d’une cause postérieure a` la faillite".
En clair, le failli pourra, par exemple, reprendre une activité d’indépendant ou de salarié après sa déclaration de faillite sans que sa rémunération puisse être saisies par le curateur. Cette réforme de l'ancien système de «l'excusabilité», permet donc un véritable «fresh start» au failli «malheureux et de bonne foi», selon l’expression consacrée.